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"Les médecins ne peuvent pas être isolés dans leur tour d'ivoire" : le président de l'Ordre se confie sur le bilan de son mandat

À quelques jours de la fin de son mandat, qui s’achèvera le mardi 24 juin, le Dr François Arnault, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, dresse le bilan de trois années à la tête de l’institution. Réforme financière, encadrement de la médecine esthétique, positionnement sur la fin de vie, réponse ordinale à l’affaire Le Scouarnec… Des dossiers portés avec une volonté de modernisation assumée. Dans cet entretien, le président sortant revient sur ses priorités, ses combats, mais aussi ses regrets. 

11/06/2025 Par Sandy Bonin
Interview Interview exclusive Déontologie
arnault

Crédit : Cnom

Egora : Comment avez-vous vécu l'incendie du partage d'actes, survenu assez rapidement après votre prise de fonctions en tant que président de l'institution ordinale ?

Dr François Arnault : Je l'ai vécu difficilement. J'ai été élu fin juin 2022. Faire des propositions pour améliorer l'offre de soins dans les territoires faisait partie de mon programme. En 2016, j'avais rédigé un rapport sur les initiatives réussies. J'avais constaté que les territoires qui avaient su fédérer entre eux les professionnels de santé et mettre en place des équipes de soins territoriales étaient ceux qui trouvaient le plus de solutions pour l'offre de soins immédiate et notamment pour le recrutement de nouveaux médecins ou l'accueil de stagiaires. C'était le cas sur le plateau des Millevaches, vers Uzerche, ou encore à Belle-Ile-en-mer et dans plein d'autres endroits. Les médecins s'étaient regroupés, pas forcément physiquement, mais au moins dans des organisations de soins territoriales, avec des infirmiers, des kinés... Ils avaient constitué des équipes de soins. Manifestement, c'était attractif pour les jeunes. Cela faisait donc partie de mes propositions. 

Pour proposer cela, il fallait que je me rapproche des autres ordres des professions de santé. Ce que j'ai fait. Nous nous sommes mis autour d'une table, et nous sommes allés jusqu'à rédiger une proposition signée par tous, devant les deux ministres de l'époque, qui étaient François Braun et Agnès Firmin le Bodo. Ce texte a été longuement et ardemment discuté entre les ordres. La coordination du médecin était toujours respectée quand il y avait des tâches qui étaient déléguées ou confiées à un autre professionnel de santé. 

Cet accord signé m'a été reproché parce que dans les suites immédiates, deux professions de santé, les infirmiers et les kinés, ont fanfaronné en disant que les médecins avaient accepté de leur déléguer des tâches. Ça a mis le feu dans la profession des médecins. On m'a accusé de vendre la médecine à la découpe. Cela m'avait contrarié.

Ça a mis le feu dans la maison, alors que dans les faits, c'était une idée qui était bonne

Je me rends compte que finalement on arrive à ce qu'on avait signé il y a trois ans et que si chacun avait respecté sa signature, on aurait gagné du temps. Ce qui est désagréable, c'est que les autres professions que j'ai citées en ont profité pour affaiblir l'Ordre des médecins, alors que j'avais fait un pas vers eux. J'ai remonté la pente petit à petit auprès des médecins, pour leur dire, ça n'est pas ce que je veux. Je veux qu'on partage avec les autres professions de santé, mais que le médecin garde la coordination et la décision finale.

Ça a mis le feu dans la maison, alors que dans les faits, c'était une idée qui était bonne. Désormais, dans plein d'endroits, dans des MSP, les médecins, les infirmiers, les IPA s'entendent pour prendre en charge plus de patients. Je me reproche une mauvaise communication. J'ai pensé que c'était tellement évident, que je n'ai pas mis de pédagogie. 

 

Aujourd'hui, on reparle de ces délégations de tâches. Quelle est votre position, notamment sur la PPL Mouiller qui propose de déléguer un certain nombre de tâches aux pharmaciens ?

Je suis opposé à l'accès direct des autres professions, sauf pour certains cas très précis qui sont protocolisés comme les angines par exemple. Et je mets les pharmaciens à part. Pourquoi ? Parce que le pharmacien est le seul professionnel de santé, autre que le médecin, qui a une vue globale de la santé du patient. Il connaît toutes ses pathologies, ses traitements ou encore les interactions médicamenteuses. Il connaît son patient comme le médecin. Je pense qu'ils ont le même niveau d'investissement et de connaissance de la pathologie des malades. Donc je ne suis pas opposé à une délégation de tâches sur des problèmes protocolés.

Maintenant il faut que les pharmaciens admettent aussi que les médecins de montagne aient des attelles pour les poser sur des entorses, sans faire descendre le malade dans la vallée pour aller la chercher dans la pharmacie. Et on n'en est pas encore là.  

 

Il va falloir faire un pas de chaque côté…

Oui, c'est vrai, si tout le monde le fait. Là, on va voir qui est corporatiste !  

Donc je suis favorable à la mise en place de ces protocoles, mais ils devront être encadrés. Dans le cas des cystites, par exemple, en cas de deux récidives, un bilan médical devra être réalisé. J'ai un contre-exemple que j'aime bien donner, qui est celui de la vaccination. Pratiquement tout le monde a le droit de vacciner depuis cette année. C'est pourtant la première année qu'on n'arrive pas à avoir la plénitude de la vaccination contre la grippe.  

 

Et pourquoi, d'après vous ? 

Parce que ce n'est plus le médecin qui centralise et que plus personne ne sait ce qu'il doit faire. Les pharmaciens, ça les embête un peu parce que finalement, ça leur a apporté une masse de travail peu rémunérée, je pense. Certains pharmaciens préfèrent ne pas vacciner. Conclusion : le niveau de vaccination a baissé. 

Il faut qu'il y ait toujours cette coordination du médecin. C'est lui qui a une vue globale de la santé de son malade. Il doit toujours être informé de ce qui est fait pour le patient. Il ne faut pas que l'on puisse prescrire des antibiotiques pour une angine sans que le praticien n'en soit informé dans le DMP. Tout ça, se met en place. Mais si c'est la foire et que tout le monde va voir qui il veut en accès direct, cela ne va pas aboutir à une amélioration de la prise en charge des patients, bien au contraire. Si tout le monde fait ce qu'il veut dans son coin, le médecin reverra les malades à un stade plus évolué de la maladie s'il n'y a pas cette centralisation.

Nous avons saisi le Conseil d'Etat

La solution, c'est que dans le cadre d'une équipe territoriale, le médecin centralise et coordonne avec des accès directs possibles. Un malade qui a un diagnostic de diabète avec un traitement mis en place par le médecin, doit pouvoir être suivi par une IPA. Mais c'est lui qui définit le niveau de prise en charge et de thérapeutique qu'on met. Et ce n'est pas ce qui est en train de sortir dans les arrêtés du ministre que nous, nous allons contester en Conseil d'Etat

La loi Rist prévoyait la prise en charge en accès direct par des IPA des pathologies lourdes stabilisées, sous certaines conditions de coordination. Ça n'est pas ce qu'indique l'arrêté qui précise que les infirmières en pratique avancée peuvent prendre en charge les diabètes et prescrire l'ensemble de la thérapeutique sans diagnostic médical. J'ai prévenu le ministre et je lui ai dit que j'allais contester. Il m'a remercié d'être franc. Mais on peut dire les choses franchement sans être désagréable. Il avait l'air plutôt ouvert. Il s'est tourné vers son équipe et leur a demandé pourquoi l'Ordre n'avait pas été concerté sur la rédaction. Il a pris acte et a décidé d'organiser une réunion technique pour voir s'il est possible de modifier les choses. J'irai moi-même à la réunion. 

 

Où en est-on sur l'encadrement de la médecine esthétique ?

Depuis octobre, il y a un DIU de médecine esthétique organisé par les facultés de Créteil, Marseille, Bordeaux… Pour y participer, il faut avoir exercé trois ans sur un territoire dans sa spécialité d'origine. Ce point est très important. C'est sur deux ans, et à la fin, on a une compétence pour l'activité de médecine esthétique. C'est ce que nous demandons à ceux qui sortent de formation à l'exception des dermatos, chirurgiens plasticiens et esthétiques… 

 

Et pour les médecins qui ont déjà une activité en médecine esthétique ? 

Pour eux, on propose de réanimer la VAE [validation des acquis de l'expérience], de la remettre en état de marche, ce qui est assez facile parce que c'est une circulaire ministérielle. Les commissions ordinales existent toujours, il suffit d'une circulaire pour nommer des membres en les choisissant. La VAE doit être ordinale, certes, puisque c'est nous qui qualifions, mais également universitaire. Nous sommes associés à la Conférence des doyens car nous voulons que ça soit l'université qui apporte l'évaluation dans la VAE.

Mais nous en sommes toujours au même point. Ça n'avance pas. C'est exaspérant. Tout le monde nous dit oui, tout le monde est d'accord et il ne se passe rien. Yannick Neuder m'a dit qu'il est à fond pour. 

C'est un scandale

Ce sujet est fondamental dans la santé publique. La santé des adolescents est en jeu. Ce sont eux qui se font faire de la médecine esthétique. Et n'importe qui peut prendre un adolescent en charge et lui faire de la médecine esthétique. C'est un scandale. Je répète ça dans un désert total depuis trois ans, et ça n'avance pas. 

Je tire la sonnette d'alarme. Je lance un cri en disant que je suis déçu de cesser mes fonctions avant que ça n'ait été mis en place. Ce n'est pas normal parce que l'enjeu, ça n'est pas "François Arnault", c'est la santé publique.  

 

Le Premier ministre propose aussi de plafonner à 10% du chiffre d'affaires l'activité de médecine esthétique des médecins généralistes, qu'en pensez-vous ? 

J'ai dit au ministre que ça ne me semblait pas répondre au problème, et que 10% me paraissaient forcément bloquants. Jamais les médecins n'accepteront de ne faire que 10%. Ce que je leur demande, moi, c'est une activité minoritaire. Parce que si déjà on obtient que ces médecins continuent à faire 50% de médecine générale, ça va jouer un rôle sur l'offre de soins. 40% ça me paraît bien ; 10 %, ça n'est pas réaliste. 

 

Médiocrité populiste, obstination déraisonnable… Sur la PPL Garot, vous avez eu des mots très forts. Votre avis a-t-il changé ? Avez-vous le même sentiment sur la PPL Mouiller ? 

Mon avis n'a pas changé dans la PPL Garot, dans la mesure où elle reste toute seule. Si elle s'accroche au wagon Mouiller pour faire passer, par exemple l'article 3, sur le fait qu'un malade qui n'a pas de médecin traitant ne doit pas être pénalisé, là je suis d'accord. 

Sur l'universitarisation, dans les territoires, je suis d'accord aussi. Je pense que ça a un vrai sens. Il y a des jeunes qui viennent de territoires défavorisés, ruraux ou des petites villes qui n'osent pas faire médecine. Ils pensent que c'est inaccessible. En revanche, si on organise dès la première année une échéance universitaire d'examens ou de concours, ça peut amener du monde à faire ce métier. Et ce sont des gens qui resteront dans leur région parce que ça on le vérifie. Donc je suis assez d'accord pour que des hôpitaux généraux qui ne sont pas des CHU commencent à enseigner la médecine dans les départements. 

En ce qui concerne l'obligation de la permanence des soins, je rappelle que la PDSA existe. 40% des médecins couvrent 97% du territoire. S'ils croient qu'avec l'obligation ils vont faire mieux… Ils vont simplement faire déplaquer des gens.

Et puis le premier article de la loi Garot, je le rejette et je maintiens que c'est de l'obstination déraisonnable. Cela fera fuir les gens de la médecine.  

 

La PPL Mouiller propose une obligation différente, sous forme de "coup de main" dans les déserts. Qu'en pensez-vous ? 

Je l'ai pratiqué pendant 20 ans de ma vie professionnelle. J'étais ORL dans une petite ville, à Châtellerault. Nous étions trois, et nous avions un cabinet libéral. On exerçait dans une clinique, on assurait les consultations ORL de l'hôpital. Et une fois par semaine, chacun notre tour — moi, c’était le lundi matin — on allait à 50 km, dans la campagne. Je prenais ma voiture et j'allais à l'hôpital de Loudun. Il y avait une infirmière sur place, du matériel qu'ils avaient acheté pour consulter... Ça rendait un service énorme aux médecins généralistes qui étaient sur place parce qu'ils avaient un accès rapide à un ORL. Les patients qu'ils avaient du mal à envoyer à Poitiers ou à Châtellerault venaient en consultation. Et le plus important, c'est qu'on voyait des pathologies qui étaient différentes, plus lourdes, plus avancées. Ça a un vrai sens parce que ça aide les médecins généralistes et les patients sur place. Je pense que c'est une réponse qu'il faut que les médecins donnent. 

Il faut avoir une approche en équipe territoriale pour ça. On ne peut pas demander à un médecin déjà surchargé de partir une matinée ailleurs : s’il est là-bas, il n’est plus dans son cabinet — et les cabinets sont pleins. Il faut que ça soit une organisation d'équipe territoriale solidaire avec ceux qui sont défavorisés. Une MSP, par exemple, ou une CPTS peuvent très bien organiser ça.  

 

Et est-ce que vous pouvez revenir sur votre proposition d'assistanat territorial ? 

Ça n'est pas la nôtre, c'est celle des doyens, mais nous l'avons cosignée et co-portée. L'Isni et l'Anemf ont signé également [cette proposition]. Au terme du DES de médecine générale, par exemple, le médecin diplômé pourrait exercer dans un territoire comme assistant territorial dans un cabinet où il y a déjà un médecin mais en sous nombre. Il y resterait un ou deux ans. Au-delà de ce délai, il obtiendrait le titre d'assistant territorial ce qui lui ouvrirait l'accès à certaines rémunérations comme l'Optam, s'il souhaite s'installer en libéral. S'il choisit le public, ça lui donnerait des gains d'échelons supplémentaires. 

Thomas Fatôme va devoir faire un effort 

Qu'en pense Thomas Fatôme, directeur général de l'Assurance maladie ?

L'accès à l'Optam pour des médecins a un coût modique pour la Sécu. Les praticiens doivent rester en secteur opposable dans un pourcentage important. Et le patient est remboursé tout le temps, c'est ce qui compte. Et je pense que dans les territoires ruraux, il faut prendre aussi cet aspect en compte : il ne faut pas que cela représente un coût pour une population qui a déjà des difficultés à consulter un médecin. Thomas Fatôme va devoir faire un effort. 

 

Le procès de Joël Le Scouarnec a récemment mis l'Ordre des médecins sous les projecteurs. Comment ne pas reproduire les erreurs du passé dans ce domaine ? Promesse déjà faite lors du procès Hazout en 2014…

Les projecteurs ne sont pas éteints. Je vais me concentrer sur l'affaire Le Scouarnec, qui est quand même emblématique. C'est un vrai problème. Quand je prends ce dossier, quand on me dit qu'il y a 300 victimes qui peuvent être prises en compte, il y en a probablement peut-être deux fois plus, qui sont hors délai. C'est catastrophique. Il faut penser à ces enfants. On leur doit, premièrement de les écouter. Et je pense que c'est un des objectifs qui a été atteint par le procès. Ils ont tous été reconnus dans leur détresse. 

Comment est-ce que cela a pu se produire ? Il y a des responsabilités institutionnelles. Ces responsabilités institutionnelles, l'Ordre est dedans, ça n'est pas discutable. C'est pour ça que très tôt, quand j'ai pris ce dossier en charge, j'ai exprimé des regrets et des excuses aux victimes. Ensuite, j'avais un deuxième principe qui était de dire la vérité et de ne pas envoyer de brouillard sur ce qui s'est passé. 

Le Conseil national de l'Ordre a eu connaissance de ces crimes, lors de la première condamnation en 2008 pour détention d'images pédopornographiques. En 2008, le Cnom écrit un courrier, à l'occasion du transfert [de l'inscription de Joël Le Scouarnec au tableau de l'Ordre] du Finistère vers la Charente-Maritime. Dans cette lettre, le Conseil national attire l'attention de la Charente-Maritime sur le profil de ce chirurgien, en leur disant "faites attention, regardez ce qui s'est passé avant de l'inscrire". Il avait écopé d'une condamnation de quatre mois avec sursis, sans autre demande de la justice, ni l'interdiction de soigner des mineurs, ni d'enquête de personnalité. Il n'y a rien eu de tout ça. Le Conseil départemental de la Charente-Maritime l'inscrit quand même. Et le Conseil national ne fait pas appel de cette inscription. C'est une erreur, il faut s'en excuser. Je le fais au nom du Conseil national, même si ce n'était pas moi à l'époque.

Parlons de la responsabilité institutionnelle maintenant. Nous ne sommes pas les seuls parce que le ministère, la Ddass, les directeurs des hôpitaux, ils sont tous au courant. Et pour le moment, il y a que le Conseil national de l'Ordre qui reconnaît.

 

Et alors, comment faire pour que ça ne se reproduise plus ? 

J'ai décidé, en 2023, qu'on allait faire un séminaire sur les violences pour que l'on examine nos procédures internes pour la prise en compte de ces problèmes de violences sexuelles, quelles qu'elles soient, de la "plus petite" au crime. 

Nous avons fait deux séminaires. Nous avons créé la commission nationale des plaintes. Nous avons créé un logiciel pour répertorier les plaintes et les sanctions qui leur correspondent. Nous avons donné aux conseils départementaux des circulaires, où on a établi des sanctions minimums, indiquant que quand il y a crime, c'est à dire viol, quel qu'il soit, c'est la radiation définitive. Toutes les agressions sexuelles doivent être traduites par des radiations. Nous avons donné ces recommandations, y compris pour la pédopornographie, que nous avons inclue comme un crime. Désormais, les conseils départementaux ont ces référentiels. Ils ont la personnalité morale pour décider. Nous ne pouvons pas le faire à leur place. En tout cas, il y a une chose qui est sûre, c'est dès qu'il y a agression sexuelle, c'est plainte au disciplinaire. 

Ce message, c'est mon leitmotiv. Il y aura une tolérance zéro concernant les affaires de violences sexuelles de la part des médecins.  

 

Où en est la réforme financière de l'Ordre qui faisait partie de vos priorités ?

La réforme financière de l'Ordre est née d'un rapport de la Cour des comptes qui a été assez sévère pour nous, à juste titre d'ailleurs. Nous avons recruté un directeur des affaires financières, avec un niveau de compétences irréprochable pour mettre en œuvre cette réforme indispensable. Nous avons procédé à une combinaison des comptes : cela signifie que toutes les cotisations ont été centralisées au niveau du Conseil national. Auparavant, chaque conseil avait son propre budget, gérait ses effectifs, ses locaux ou ses investissements de manière autonome. 

Nous avons donc récupéré cette enveloppe financière que nous avons redistribué aux conseils départementaux, selon un règlement de trésorerie qui a été écrit depuis le rapport de la Cour des comptes. Nous avons mis en place un système de répartition de cette enveloppe financière de façon équitable. Ça n'a rien changé pour les départements avec des démographies importantes et qui ont forcément des budgets importants puisqu'ils ont besoin de beaucoup de personnels. Nous leur donnons ce qu'il faut, ils n'ont simplement plus d'argent à mettre de côté comme ils le faisaient avant. En revanche, cela a changé les choses pour les petits départements à qui il manquait une secrétaire par exemple. Nous avons aidé les conseils départementaux peu riches à avoir des locaux corrects et obtenu que les locaux luxueux ne fassent plus partie de l'immobilier. 

Ensuite, il y a une régulation des dépenses et une augmentation de la cotisation qui a été raisonnable pour permettre cette péréquation. Cette réforme ne sera jamais terminée parce qu'il faudra continuer à aller au bout de l'équité. Elle a été faite pour ça.

Après ce premier rapport de la Cour des comptes, il y en a eu un deuxième, une revoyure, qui nous a donné un satisfecit, ce qui n'est pas si fréquent que ça. 

Le procès Le Scouarnec m'a profondément marqué aussi

Pour conclure, quels sujets pendant ce mandat vous ont particulièrement marqués ? De quoi êtes-vous fier, et quels sont vos regrets ? 

Sur l'offre de soins, nous sommes loin d'avoir réussi. Nous prenons notre part dans cette faillite collective. Il faut continuer à travailler, à être innovant, à être respectueux des compétences des autres, mais réciproquement, ce qui est essentiel. Nous avons perdu beaucoup de temps avec cette histoire du Clio Santé. 

Un autre sujet qui m’a profondément marqué, c’est le projet de loi sur la fin de vie, arrivé juste après mon élection. Nous avons lancé une enquête interne qui a abouti à une prise de position claire de l'Ordre sur le rôle et la place des médecins dans ce projet de loi. Cela reste d'ailleurs notre position officielle, qui pour le moment, n'est pas incompatible avec le projet de loi tel qu'il est écrit. Cela s'oriente vers quelque chose d'assez acceptable pour nous, à l'exception du délit d'entrave, ressorti il y a quelques jours par Monsieur Falorni. 

Ce que nous voulons nous protéger, c'est qu'un médecin qui déciderait, au sein d'un collège, qu'un patient n'est pas éligible à l'aide à mourir, ne puisse être poursuivi pour un délit d'entrave. C'est indispensable, sinon tous les médecins vont passer vers la clause de conscience et cette réforme va perdre la confiance des médecins. J'ai reçu l'assurance du Gouvernement qu'ils étaient sur cette ligne. Ils l'ont dit publiquement. Je pense que l'on obtiendra satisfaction sur ce point. 

Le procès Le Scouarnec m'a profondément marqué aussi. J'ai l'obligation de mettre en place des décisions et des orientations politiques de l'Ordre pour que ça n'arrive plus jamais. Et on n'est pas au bout de notre travail. Tout commence pour nous. Il y aura peut-être des affaires qui vont ressortir de 20 ans, 25 ans et qu'on ne verra pas venir. Mais nous les prendrons avec rigueur sur le plan judiciaire. Et d'ailleurs, nous avons recruté une procureure de la République qui va être conseillère judiciaire du président de l'Ordre, à compter du 16 juin. J'ai son arrêté de nomination de la chancellerie. C'est une ancienne vice-procureure de Paris.

 

Qu'est ce que ce recrutement va changer ? 

Cela va permettre une approche judiciaire, et non plus seulement déontologique. On ne peut pas rester que sur la déontologie. Il faut absolument qu'on offre une réponse judiciaire et pénale aux conseils départementaux qui doivent agir. 

Pour le reste, j'ai un regret personnel, c'est de partir sans avoir fini ce que j'ai entrepris. Notamment sur l'évolution de la déontologie dans cette société nouvelle. Il faut que les médecins accompagnent la société, qu'ils écoutent. On ne pas s'opposer à la société. Ça ne signifie pas que la société peut nous faire faire ce qu'elle veut. Non, on a notre éthique, notre déontologie, des principes sur lesquels on ne transigera pas. Les médecins ne peuvent pas être isolés dans leur tour d'ivoire sans comprendre les évolutions sociétales, c'est important. 

Sur le plan personnel, j'ai vécu une aventure exceptionnelle, en tant que secrétaire général puis président. Ça a été incroyable. J'ai eu le grand plaisir d'avoir une équipe très solidaire et collective. Ça va s'arrêter avec des regrets, mais c'est la loi [François Arnault a dépassé la limite d'âge des 70 ans pour pouvoir se représenter, NDLR]. 

 

Vous auriez aimé faire un second mandat ?

Oui mais je ne peux pas, c'est fini et je regrette.  

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235 points
Débatteur Renommé
Gériatrie
il y a 12 jours
Alors François, je te connais suffisamment pour savoir que " le pharma connait toutes ses pathologies, toutes ses thérapeutiques etc" est une affirmation générique et politique. Pour avoir quelques vr
Photo de profil de M A G
4,1 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 12 jours
Quand je fais le calcul de tout ce qui m'ont coutés les cotisations au fil des années, j'en deviens nostalgique... Et tout ça, pourquoi ? Je les ai vus très rarement (je compte sur les doigts d'un
Photo de profil de Voltaire Mcdd
270 points
Débatteur Renommé
Chirurgie orthopédique et traumatologie
il y a 11 jours
Le président a des regrets moi aussi J'ai toujours dit que le seul président du conseil de l'ordre qui me représentera sera élu au suffrage universel de ses pairs et non au fond d'un marigot où les i
 
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