Sénat

Exercice partiel dans un désert, délégation d'actes aux pharmaciens… La PPL Mouiller adoptée au Sénat

Le Sénat a adopté ce mardi 13 mai, en première lecture, la proposition de loi du sénateur LR Philippe Mouiller, visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires. Le texte propose trois leviers d'action : un pilotage de la politique d'accès aux soins au plus près des territoires, le renforcement de l'offre dans les zones les plus carencées, une optimisation du temps médical et des compétences de chacune des professions de santé. 

14/05/2025 Par Sandy Bonin
Déserts médicaux
Sénat

Cette proposition de loi, déposée par le républicain Philippe Mouiller et signée par 151 sénateurs, vise à améliorer l'accès aux soins dans les territoires les plus fragiles. Après une adoption en commission des affaires sociales du Sénat le 6 mai dernier, le texte a été débattu puis adopté en séance publique ce mardi 13 mai. 

Découpée en quatre chapitres, la proposition de loi entend redonner la main aux territoires pour mieux évaluer les besoins en santé. Concrètement, le texte de loi dote le département d'une compétence de coordination des actions en matière d'accès aux soins et entérine la création d'offices départementaux d'évaluation chargés d'identifier les besoins en professionnels de santé sur les territoires. L'objectif est de renforcer la participation des élus locaux à la définition de la stratégie nationale en santé. Un amendement adopté à l'article 1er associe les professionnels de santé libéraux à la coordination de ces actions, notamment au travers des unions régionales de professionnels de santé (URPS). 

Pour définir au mieux l'offre de soins, un amendement vise à prendre en compte plusieurs caractéristiques telles que le temps médical disponible, l’âge des professionnels de santé en exercice ou encore les projections de départ à la retraite dans l'identification des besoins. "Il n’y aura pas le même temps disponible si le médecin est à temps plein ou à temps partiel (temps choisi, garde d’enfants, maladie, fin de carrière…)", précise le texte.

L'article 3 de la PPL vise également à réguler l'installation, en conditionnant l'installation d'un généraliste en zone sur-dotée à un exercice partiel dans un territoire sous-doté et l'installation d'un spécialiste à la cessation d'activité d'un confrère de même spécialité, ou à défaut, à un exercice partiel dans un désert. Les médecins salariés, qui ne faisaient pas partie du dispositif dans le texte inital, ont été ajoutés par amendement. Cet exercice partiel en zone sous-dotée devra se traduire par un "nombre minimum d'actes" plutôt qu'un temps d'exercice. Les médecins pourront être inscrits à deux conseils départementaux de l'ordre distincts en cas d'engagement d'exercice à temps partiel en zone sous-dense. 

En complément, un amendement du Gouvernement prévoit que tous les médecins libéraux et salariés devront participer "à une mission de service public de solidarité territoriale en dispensant des soins en dehors de leur lieu d’exercice habituel" afin de garantir l’accès aux soins dans des zones considérées comme prioritaires. Issu du "pacte de lutte contre les déserts médicaux présenté par François Bayrou le 25 avril, le dispositif sera déployé "en deux temps", a précisé le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder. Il sera d'abord mis en œuvre "pour le premier recours" dans les "zones prioritaires" ou "zones rouges" en cours d'identification par les ARS, avant d'être étendu à l'ensemble des zones sous-denses et des spécialités médicales. Si le volontariat ne suffit pas, des réquisitions pourront être ordonnées. Une "incitation financière" qui s'ajoutera à la rémunération à l'acte des consultations sera définie par arrêté. A l'inverse, "en cas de refus, le médecin sera passible d'une pénalité financière", allant jusqu'à 1000 euros par jour a confirmé le ministre. 

En revanche, il ne pourra pas être exigé des médecins déjà soumis à un engagement d’exercice à temps partiel qu’ils participent à la mission de service public de solidarité territoriale, précise un amendement déposé par la rapporteuse du texte, Corinne Imbert. 

Autre point clé de cette PPL, l'article 5 introduisait des honoraires spécifiques applicables dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante. Un amendement a finalement remplacé la notion "de tarif spécifique par celle de rémunération forfaitaire modulée en fonction du nombre d'actes réalisés dans tout ou partie des zones sous-denses". Les sénateurs ont également supprimé la majoration du ticket modérateur pour les patients n’ayant pas pu désigner de médecin traitant, pour une durée de cinq ans. 

Le texte développe aussi plusieurs axes pour libérer du temps médical et favoriser les partages de compétences et les coopérations. En ce sens, l'article 12 fait, en effet, figurer dans les missions des pharmaciens d'officine celles de contribuer à l'évaluation et à la prise en charge de situations cliniques simples, reprenant et généralisant l'expérimentation Osys comme le prévoyait le pacte de François Bayrou. 

La PPL prévoit aussi l’extension par décret des actes réalisés par les audioprothésistes et les préparateurs en pharmacie. Les articles 13 et 14 visent à développer le métier d'infirmière en pratique avancée en maintenant leur salaire pendant leur formation et en revalorisant leurs revenus, via notamment, une part de rémunération à l'activité.

La PPL propose aussi de supprimer les certificats en matière de pratique sportive et les certificats relatifs aux congés pour enfant malade.

Concernant les médecins à diplôme obtenu hors de l'Union européenne, le texte vise à simplifier leur dispositif d'autorisation d'exercice. Un amendement gouvernemental instaure la création d'un examen spécifique pour les Padhue ayant exercé en France. Une procédure d'autorisation dérogatoire a été décidée pour les Padhue ayant la qualité de réfugié ou d'apatride. Les sénateurs ont également décidé d'autoriser l’affectation de Padhue auprès de praticiens agréés maitres de stage.

Enfin la PPL propose d'améliorer l'information du Parlement et des citoyens, en instaurant la présentation par le Gouvernement, chaque année, devant la commission des affaires sociales et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, des résultats de l'action menée en faveur de l'accès aux soins.  

1 débatteur en ligne1 en ligne
Photo de profil de M A G
4,1 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 mois
Grande pagaille en vue... "Une "incitation financière" qui s'ajoutera à la rémunération à l'acte des consultations sera définie par arrêté." Ce que les gens ne comprennent pas , c'est que les "dése
Photo de profil de Olivier Perrin
1,9 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 mois
Le plus simple, c’est de faire venir les patients de ces déserts vers les cabinets des médecins en réservant des plages de consultation : faire autrement c’est créer une nouvelle usine à gaz qui coûte
Photo de profil de A D
5,4 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 mois
Quelle aberration! Nous obliger à abandonner notre cabinet pendant 2 jours ( puis devoir récupérer le retard sur les courriers bio ensuite ....,) soigner ailleurs des patients sans médecin traitant.
 
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