Médecin

"Si tu écoutes le patient, il te donnera le diagnostic" : ce couple de médecins qui m'a tout transmis

Premier stage en médecine générale dans un village à la frontière du Rhône et de l’Ain. Pendant plusieurs semaines, un externe découvre bien plus que des gestes techniques : une manière d’exercer, d’écouter, de transmettre. Un témoignage de lecteur recueilli dans le cadre de notre série d'été : "Le jour où j'ai été fier d'être médecin". 

14/08/2025 Par Anonyme
Témoignage
Médecin

"Il y a 11 ans, je fais mon premier stage d’externe en médecine générale dans un cabinet tenu par un couple de médecins, dans un village à la frontière Rhône-Ain. Lui est spécialisé dans les troubles musculosquelettiques et l’adulte ; elle, plutôt dans la pédiatrie et la gynécologie. 

Nous prenons le café au bistrot à 6h45 avant d’ouvrir le cabinet. Les routiers et les travailleurs matinaux saluent d’un signe de tête le médecin. 

— Tu fumes ? Non ? Tu as raison c’est mauvais pour la santé, me dit le praticien avant d’embaucher. 

Le cabinet ouvre tôt pour accueillir les patients qui consultent avant le travail et ferme tard pour ceux qui ne peuvent venir qu’après le travail. Le couple se relaie pour assurer une permanence de soins. 

— Tu peux partir si tu veux, me disent-ils à 18h. 

Je reste, pas question de partir avant eux. Pour éviter de rentrer tard en ville, ils m’ont proposé une chambre chez eux. 

Ils m’apprennent à examiner un patient de haut en bas, à l’interroger, l’écouter. 

— Si tu écoutes, le patient te donnera le diagnostic.

Certains patients ont du mal à payer.

— Pouvez-vous encaisser le chèque après le premier du mois prochain docteur ?

—  Ne vous en faites pas, vous me réglerez quand vous pourrez madame. 

Apprends à connaître tes propres limites et à ne jamais les franchir

J’apprends une panoplie de gestes : suture, examen gynécologique, plâtre… Ils me font confiance malgré ma jeunesse, j’essaie de garder les mains fermes. Les urgences sont pleines alors il faut faire de notre mieux. 

Un petit chien dort dans le bureau de la généraliste. 

— Ça détend les enfants, me dit-elle, amusée, sauf quand ils sont allergiques !

Les journées sont longues et épuisantes, les patients nombreux et fragiles. 

—  Un collègue est décédé au volant en rentrant d’un déplacement à domicile de nuit sur une garde, apprends à connaître tes propres limites et à ne jamais les franchir. 

Ils prennent des vacances à tour de rôle ou en prenant soin de se faire remplacer. Ils discutent avec les représentants de laboratoire.

—  Il ne faut pas les mépriser, eux aussi ils ont des bouches à nourrir

Ils continuent à se former la cinquantaine passée. 

Pour la première fois, après quatre années d’études et hors du CHU, j’étais fier de faire partie de cette grande tradition médicale." 

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

Photo de profil de Patrick Tafani
978 points
Incontournable
Médecine générale
il y a 4 mois
Bel article. J'ai moi même appris pendant des années au côté de mon père, généraliste à l'ancienne, époque où l'on mettait, à juste titre sur la plaque médecin "accoucheur" et maladies des enfants. Quand tu entrés dans la salle d'attente me disait il ,tu dois déjà du regard faire une première analyse du regard des patient. Puis savoir écouter et laisser parler sans trop de digressions. Enfin l'examen clinique qui viendra essayer de conclure la consultation. La paraclinique viendra en dernier étant devenue indispensable dans certains cas. Savoir regarder ,écouter le patient et savoir lui parler . La relation humaine quoi !!! Celle que les administratifs veulent réduire à la portion congrue!!!! Quelle époque !!!!
Photo de profil de pierre frances
1,7 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 4 mois
Je me suis identifié à ce type de pratique. Le médecin généraliste est avant tout à côté de ses patients, à leur écoute. J'ai beaucoup aimé aussi le passage concernant les visiteurs médicaux, et je souscris tout à fait aux propos de notre collègue. Ces professionnels sont actuellement dénigrés par la plupart des jeunes généralistes, et des universitaires. Par contre ils n'ont aucun scrupules à accepter l'intronisation de chasseurs de têtes qui s'en mettent plein les poches, et profitent de leurs largesses comme des repas et des week-ends. Autre temps, autres mœurs!
Photo de profil de CLAUDE LAMER
682 points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 4 mois
Superbe article "qui fait du bien". Octogénaire, n'ayant pas décroché vraiment, je retrouve mes années 1975. J'en veux aux politiques de tous bords qui ont "tué cela". La médecine de famille, disponible au moment ou on a besoin (On s'asseyait dans la salle d'attente), pas pressée, outre sa technicité, avait une utilité sociale. On savait ou habitait le médecin, on connaissait son épouse. On savait surtout qu'il ne nous "laisserait pas tomber". Le MG avait, dans son carnet, les téléphones directs de tous les consultants dont il pouvait avoir besoin avec un RV le lendemain s'il le fallait. Il y avait des PMI dans tous les quartiers ! Les hopitaux publics ou privés ne refusaient personne. Le 15 n'évoquait que 3 fois cinq ! C'est vrai, l'interrogatoire ( et l'inspection !) est capital, sans compter le temps. En ce sens, les cabines de télé médecine ne sont pas à rejeter forcément. On perçoit bien que Catherine Vautrin est en train d'achever la médecine libérale en inspectant des tableaux excel et en révant de nous mettre tous sous objectif (?), via la CPAM. Une nouvelle "Cruella" de la santé ? Nos amis Pharmaciens s'inquiétent.
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Pédiatrie
Moins de médecins, moins de moyens, mais toujours plus de besoins : le cri d'alerte des professionnels de la...
06/11/2025
14
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS renommées "communauté France santé" : Stéphanie Rist explique l'enjeu
07/11/2025
12
Podcast Histoire
"Elle était disposée à marcher sur le corps de ceux qui auraient voulu lui barrer la route" : le combat de la...
20/10/2025
0
Portrait Portrait
"La médecine, ça a été mon étoile du berger" : violentée par son père, la Pre Céline Gréco se bat pour les...
03/10/2025
6
Reportage Hôpital
"A l'hôpital, on n'a plus de lieux fédérateurs" : à Paris, une soirée pour renouer avec l'esprit de la salle...
14/10/2025
8
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2