Mélanie, 22 ans, et sa fille Joy (crédit : Mélanie Lecointre).
"J'ai pris mon bébé avec moi en cours" : cette future étudiante en médecine raconte son quotidien de maman
A 22 ans, Mélanie Lecointre jongle entre ses cours à la fac et son rôle de maman. Etudiante en LAS2 à Nice, elle a été acceptée en deuxième année de médecine début juillet. Une victoire pour la jeune femme qui, pour atteindre son rêve de devenir médecin, n'a pas hésité à emmener sa fille, âgée de quelques mois seulement, sur les bancs de la fac. Également active sur les réseaux sociaux, Mélanie y raconte son quotidien de maman étudiante.
Mélanie, 22 ans, et sa fille Joy (crédit : Mélanie Lecointre).
Alterner entre journées à s'occuper de sa fille de 17 mois, cours à la fac, nuits à réviser, publications sur les réseaux sociaux et sorties avec des copines : c'est le quotidien de Mélanie Lecointre, 22 ans. Il y a quelques semaines, la jeune femme a été acceptée en deuxième année de médecine à l'université Côte-d'Azur, à Nice. "Je me dis que ce n'est pas possible, qu'ils vont m'enlever ma place", pense la mère d'une petite Joy, qui peine encore à réaliser. "Pour moi, c'était irréalisable [d'intégrer médecine] et ça resterait quelque chose dont je rêverais toute ma vie, mais qui ne serait pas accessible […]", confie-t-elle. "Tant que je n'y serai pas, que je n'aurai pas commencé les cours, que je ne serai pas vraiment dedans, j'aurai toujours cette petite voix dans ma tête qui me dit 'pourquoi toi ?'"
Car, pour en arriver là, la jeune femme – qui rêve de devenir médecin depuis ses quatre ans – a dû faire preuve de patience. "J'ai commencé par faire une Pass à Nice [en 2021-2022], que je n'ai pas réussie. Et, entre temps, ils ont supprimé la Pass à Nice, et j'ai débuté une première année de licence", rembobine Mélanie. C'est entre la fin de cette première année de licence et le début de sa LAS 2 Sciences de la vie qu'elle apprend qu'elle est enceinte. "Ce n'était pas prévu, mais je me suis dit que ça ne m'arrêterait pas dans mes études et que j'allais tout faire pour réussir", se souvient-t-elle. Elle poursuit donc ses cours à la fac, mais est contrainte de redoubler pour "raison médicale". "L'an dernier, je n'étais pas vraiment dedans. J'étais enceinte, puis j'ai accouché et j'ai eu une grossesse assez compliquée", résume l'étudiante.
C'est finalement en septembre dernier qu'elle joue sa dernière carte en reprenant sa LAS2. La Niçoise prend alors la décision de poursuivre ses études tout en gardant sa fille, née en début d'année 2024. "On devait avoir une assistante maternelle, mais on a fini par se retrouver sans nounou au dernier moment, relate Mélanie, dont le conjoint travaille à plein temps. "Ma maman est assistante maternelle, et elle avait gardé une place pour sa petite-fille. Mais elle habite à presque 1h30 de chez moi, sachant que je n'ai pas le permis, c'était un peu compliqué…. Elle a pris Joy de temps en temps, surtout en période d'examens."
Le reste du temps Mélanie, qui avait déjà validé certains cours de licence l'an passé et bénéficiait d'une dispense d'assiduité, décide de garder sa fille. "D'autant qu'à Nice, sur la partie médecine, on n'a pas le droit d'assister aux cours, tout nous est envoyé en vidéo. Donc, les seuls cours auxquels j'allais, c'étaient ceux du tutorat niçois. Je faisais tous les cours, tous les examens blancs, les pré-entrées..., détaille-t-elle. Et pour le coup, je n'avais pas de moyen de garde." L'étudiante demande alors - "un peu au culot" - si elle peut emmener Joy lors de ces enseignements. "A ma grande surprise, ils m'ont dit oui", lâche-t-elle, un sourire dans la voix. "Donc, j'ai pris mon bébé avec moi en cours."
On faisait des séances révisions et on gardait Joy en même temps
"Quand elle était [plus] petite, les cours duraient toute la journée, mais c'était un peu compliqué pour elle de tenir. Donc je n'y allais que le matin, et je m'arrangeais autrement pour récupérer les cours de l'après-midi, je les faisais en ligne, je me débrouillais…", explique l'étudiante. Durant ces séances – qui arriveront à plusieurs reprises -, sa fille dormait la majeure partie du temps, et quand elle était éveillée certaines "personnes du tutorat la prenaient avec elles et la faisaient jouer, l'emmenaient en dehors de l'amphi", raconte la future médecin.
Déjà l'année passée, alors que Mélanie suivait sa première LAS2, Joy avait découvert le bourdonnement des amphis : "La première fois que je l'ai emmenée c'était à un examen blanc, elle avait trois semaines. Elle était toute petite et avait dormi pendant tout le long. ça s'était très bien passé et ça m'a aidée à avoir confiance."
La jeune mère l'assure : à l'exception de quelques étudiants "qui s'en fichaient ou que ça dérangeait", "les gens ont vite accueilli et adoré Joy au sein de la fac". "J'ai rencontré plein d'amis par le biais de ma fille", ajoute-t-elle, dont certains "qui venaient régulièrement réviser avec moi". "On faisait des séances révisions et on gardait Joy en même temps", se remémore-t-elle.
Pour travailler ses cours – et maximiser ses chances d'être prise en médecine -, Mélanie a profité de chaque instant de calme. "La journée, je révisais quand Joy faisait ses siestes et, par chance, elle dort beaucoup. Sinon, je révisais la nuit, explique-t-elle. Quand on la couchait vers 18h30-19h, j'avais une demi-heure pour manger, me doucher et faire ce que j'avais à faire, et puis j'allais réviser. Hors période d'examens, je révisais jusqu'à minuit ou 1h, parfois 2h du matin mais pas plus. Mais un mois avant le concours [final], j'ai révisé jusqu'à 5h parfois, avant de me lever à 6h30-7h avec ma fille." "Ça faisait des très petites nuits, et je le paye maintenant", confie la maman étudiante, qui se dit "très fatiguée".
Près de 200 000 followers sur les réseaux sociaux
D'autant qu'en plus des cours à la fac, elle partage son quotidien sur les réseaux sociaux. Connue sous le pseudo @mel_en_med, la Niçoise est suivie par 40 000 personnes sur Instagram et plus de 150 000 sur TikTok. Une activité qu'elle a commencé en avril 2024, après avoir posté par "pur hasard" une vidéo de sa fille. "Je m'amusais à faire des petites vidéos d'elle, et un jour j'ai voulu pousser le montage un peu plus loin, détaille-t-elle. Je me suis servie de TikTok et quand j'ai voulu enregistrer la vidéo, je n'ai pas trouvé comment faire, et je l'ai donc postée." En quelques heures, sa publication atteint les 30 000 vues, poussant Mélanie à continuer les vidéos : "Je me suis dit que je pouvais en profiter pour raconter mon parcours de maman étudiante, et que ça serait certainement bénéfique à plein d'autres personnes."
Désormais, la future médecin publie quotidiennement ; une activité qui lui permet de gagner sa vie à côté de ses études. "Mon conjoint [dont elle préfère taire le métier, NDLR] fait déjà énormément d'heures supp', ce qui nous permet de vivre confortablement", indique Mélanie, qui précise n'avoir activé la rémunération sur ses réseaux sociaux qu'en septembre dernier. "Au début, je n'étais pas du tout pour ", glisse-t-elle, ajoutant : "Les réseaux, c'est quand même très éphémère, et ce n'est pas quelque chose sur lequel je compterai toute ma vie."
"Je ne pourrai pas prendre ma fille avec moi" l'année prochaine
Car, pour la jeune mère, l'objectif principal reste de devenir médecin. Elle a franchi une première étape en étant acceptée en deuxième année de médecine, qu'elle débutera à la rentrée à Nice. Mélanie sait d'ores et déjà qu'elle ne pourra, cette fois, pas emmener sa fille à la fac. "J'ai discuté avec des étudiants qui m'ont dit qu'il n'y avait pas beaucoup de cours obligatoires, il n'y en a que trois ou quatre dans le semestre en présentiel, mais ce sont des TP [travaux pratiques], donc je sais que je ne pourrai pas prendre ma fille avec moi. Ce sera rédhibitoire." Elle prévoit donc de la laisser ponctuellement à sa mère et envisage de réserver "une ou deux matinées" en crèche par semaine. "Je suis peut-être un peu en retard pour les crèches", avoue-t-elle.
Pour les années suivantes, la jeune femme n'essaye de pas trop anticiper. Et c'est le même état d'esprit qu'elle applique pour sa future spécialité. "Il y a des spés que je suis certaine de ne pas vouloir : la cardiologie, la neurologie et la dermatologie", tranche-t-elle. "Par contre, il y a beaucoup de spés qui me plaisent. Mon rêve de petite fille était de faire de la chirurgie pédiatrique, mais en grandissant je me suis ouverte à d'autres voies. Je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas que ça dans la vie." "Je suis aussi réaliste par rapport au fait qu'aux EDN, on n'a pas tout ce que l'on veut, ajoute-t-elle, calmement. Surtout avec un bébé, c'est encore plus compliqué. Donc je ne me prendrai pas la tête."
Et pour sa fille, certainement l'une des plus jeunes à avoir mis les pieds dans une faculté, "je serais très fière si elle suit la voie" de la médecine, rit Mélanie. "Après bien sûr, si elle ne devient pas médecin, je ne lui en voudrais pas", glisse-t-elle. Mais "pour moi, c'est aussi comme ça qu'on créé des vocations. Maintenant, elle va être entourée dans ce domaine".
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