
Agonistes du GLP-1 : une révolution thérapeutique freinée par un défaut de prise en charge
Si le Gouvernement et l’agence française du médicament ont déclaré envisager d'élargir les conditions de prescription et de délivrance des médicaments anti-obésité, leur remboursement chez les personnes non diabétiques n'est toujours pas d'actualité.

Les agonistes du GLP-1 (aGLP-1) sont connus depuis le début des années 2000 en endocrinologie, mais leurs indications n’ont cessé d’évoluer au cours des années. Dans la perte de poids, on parle même de révolution thérapeutique tellement les effets sont décrits comme spectaculaires dans les études. Mais à quel prix ? Le remboursement chez les personnes obèses non diabétiques n’est pas encore d’actualité, ce qui interroge les spécialistes…
Faut-il dérembourser les cures thermales ?

François Pl
Oui
Dans les années 80 j'ai été suivre (sans prescription - je suis Belge) une "cure thermale" en Auvergne, suite à une promotion tour... Lire plus
Des indications de plus en plus élargies
Les aGLP-1 sont des médicaments qui augmentent l’action du glucagon-like peptide-1 (GLP-1), hormone intestinale aussi appelée « incrétine ». Sécrétée par l’intestin lors des repas, elle stimule la sécrétion d’insuline en réponse à l’hyperglycémie et ralentit la vidange gastrique. Elle possède au niveau central un effet satiétogène, qui réduit la prise alimentaire. Ce traitement s’administre par voie sous-cutanée et il existe actuellement trois molécules sur le marché : le liraglutide, le dulaglutide et le sémaglutide.
Ils sont utilisés depuis plusieurs années chez les patients diabétiques de type 2, car ils permettent d’améliorer les niveaux glycémiques des patients insuffisamment contrôlés avec les antidiabétiques oraux ou l’insuline(1). Les derniers essais cliniques suggèrent également un effet bénéfique sur le risque cardiovasculaire, par réduction de la pression artérielle et du taux de lipides. Ainsi, les études Leader (liraglutide), Exscel (exénatide LR), Rewind (dulaglutide) et Sustain-6 (sémaglutide) ont démontré une réduction significative du risque d’événements cardiovasculaires majeurs chez les patients diabétiques.
Il a été observé une perte de poids chez les patients traités dans toutes les études réalisées chez les sujets diabétiques ou cardiaques. Est donc logiquement arrivée une AMM dans l’indication des patients obèses, diabétiques ou non. Les aGLP-1 concernés sont le liragutide et surtout le sémaglutide, dont les essais cliniques de phase III (essai Step en particulier)(2) ont démontré une efficacité majeure, avec une perte de poids moyenne de 15 à 18 %. Les effets secondaires rapportés sont limités et fréquemment circonscrits à des troubles digestifs (nausées, vomissements, constipation).
Leurrer le corps de son poids-consigne pour une perte de poids significative
La Pre Anne-Laure Borel, PU-PH en nutrition au CHU de Grenoble et responsable universitaire du Centre spécialisé de l’obésité Grenoble Arc Alpin, explique : «Pour comprendre le soin dans l’obésité, il faut savoir qu’il y a deux marches. La première consiste à changer les habitudes de vie et intégrer les activités physiques. Mais cela permet uniquement d’arrêter la prise de poids, voire d’éventuellement perdre 5 % du poids total, pas plus. » En effet, le corps, par mécanisme homéostatique, va entraîner une faim suffisante pour entretenir le poids auquel le patient était : c’est ce que l’on appelle la notion de poids-consigne. « Il faut donc ajouter un second élément, qui représente la deuxième marche. Elle était jusque-là représentée exclusivement par la chirurgie de l’obésité. » Cette dernière, en réduisant la taille de l’estomac, va provoquer une satiété précoce pour leurrer le corps, afin qu’il ne se défende pas en donnant la sensation de faim. « On a désormais trente ans de recul sur la chirurgie bariatrique, qui fait perdre 20 à 30 % du poids du corps en un an. Mais on a aujourd’hui une deuxième possibilité, moins invasive, qui permet des résultats quasi similaires : les agonistes du GLP-1. »
Manque d’équité dans la distribution, un défaut d’éthique reproché
Le sémaglutide (Novo Nordisk) a donc reçu en 2022 une AMM européenne chez l’adulte avec un IMC initial ≥ 30 kg/m2, ou ≥ 27 kg/m2 en présence de comorbidité (diabète, HTA, Saos…). Il doit s’utiliser en deuxième intention, après échec d’une prise en charge nutritionnelle et pluridisciplinaire du patient, et en complément d’un régime hypocalorique et d’une augmentation de l’activité physique. En octobre 2024, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a décidé de restreindre les conditions de prescription et de délivrance des aGLP-1 dans le traitement de l’obésité aux patients ayant un IMC ≥ à 35 kg/m2. Le prix du traitement s’élève entre 270 à 360 euros par mois. Selon la Pre Borel, « l’indication à un IMC ≥ 30 kg/m2 inclurait 17 % de la population française, contre 5 % pour un IMC ≥ 35. La Sécurité sociale ne pourrait pas supporter ce coût, on a donc décidé de le rembourser uniquement pour les cas les plus graves. » Toutefois, si la HAS a également émis un avis favorable en décembre 2024 au remboursement à cette catégorie de patients avec IMC ≥ 35 kg/m², la décision politique n’a pas encore été prise concernant cette recommandation.
« C’est une première, à ma connaissance, le fait qu’une molécule avec un tel niveau de service médical rendu soit disponible en pharmacie mais non remboursée malgré les recommandations de la HAS depuis six mois. C’est une vraie remise en cause de notre système de solidarité nationale sur l’accès aux soins sans discrimination par l’argent d’un médicament utile », commente la Pre Borel.
À l’orée de nouvelles molécules encore plus efficaces
Observerait-on un début de changement de paradigme dans un contexte de déficit de la Sécurité sociale, à l’encontre des objectifs de santé collective ? Selon la spécialiste, « c’est une façon de majorer les inégalités de soins entre classes socio-économiques. Cela va à l’encontre des politiques de santé publique. La situation actuelle est de l’ordre d’une médecine à deux vitesses, à mon sens non éthique ». D’autant que les progrès thérapeutiques s’accélèrent encore, avec l’arrivée de nouvelles molécules encore plus efficaces dans la perte de poids : il s’agit d’une combinaison de doubles agonistes, du GLP-1 et du polypeptide inhibiteur gastrique (GIP), pour une version plus complète et physiologique de l’effet incrétine. L’un d’eux, le tirzépatide a fait preuve d’une efficacité impressionnante dans le cadre des essais Surpass et Surmount. Selon la Pre Borel, « ils vont révolutionner la façon de traiter les patients en obésité, car ils feront perdre 20 à 30 % du poids du corps, autant qu’une sleeve gastrectomie ! Cela va diminuer le nombre de personnes qui auront besoin d’une chirurgie bariatrique, s’élevant aujourd’hui à 50 000 par an ». Des triples agonistes GLP-1-GIP-glucagon sont également en cours d’étude, visant à combiner les effets bénéfiques de ces trois hormones sur le métabolisme(3). De prolifiques avancées dans le paysage de la nutrition...
Au sommaire :
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Références :
D’après les propos de la Dre Anne-Laure Borel (CHU de Grenoble).
1. Buse JB, et al. Diabetes Care 2010;33(6):1255-261.
2. Wilding JPH, et al. N Engl J Med 2021;384:989-1002.
3. Phan F, et al. Med Sci (Paris) 2024;40:837-47.
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