"C’est le sens de ma vie" : à 76 ans, ce généraliste compte exercer "jusqu’au bout"
En juin 2020, le Dr Bernard Court expliquait à Egora sa décision de s’installer, en rural, à 71 ans. Mais aussi son choix de travailler 7 jours sur 7. Cinq ans plus tard, il assure ne rien regretter, car ce qui guide ce chrétien, fervent croyant, c’est le besoin de se sentir utile à son prochain. Deuxième épisode de notre sérié d'été : "Que sont-ils devenus ?"
"En juin 2020, vous vous installiez, à 71 ans, à Montpezat-sous-Bauzon. Cinq ans plus tard, le regrettez-vous ?", lui demande-t-on. "Non", répond le Dr Bernard Court, laconique. À son ton, l’on devine que la question lui paraît saugrenue. Non, il ne regrette pas d’avoir vissé sa plaque dans un local partagé avec un cabinet d’infirmières, au sein de ce village ardéchois de 750 habitants, et ce à un âge où nombre de confrères et consœurs jouissent de la retraite.
À l’époque, Egora avait relaté cette nouvelle étape d’une carrière déjà bien remplie. Avant l’Ardèche, le médecin avait d’abord travaillé pour Total au Sahara. Puis auprès de la population locale, jusqu’à ce qu’il soit contraint de quitter la région en 2004, celle-ci étant frappée par les enlèvements d’occidentaux. À son retour en France, il avait remplacé dans une centaine d’hôpitaux.
Parmi les raisons qui l’ont conduit à s’installer - et rester - à Montpezat-sous-Bauzon et à embrasser cet "exercice nouveau" : le besoin, pour ce chrétien, fervent croyant, de se sentir utile. Sur le plan médical, déjà, dans un contexte d’érosion de l’offre de soins. Il raconte les patients, nombreux, sans médecin traitant (notamment en ALD) ; les maladies graves décelées tardivement ; l’attente pour accéder aux rendez-vous… "Il y a beaucoup de perte de chance", glisse-t-il.
Il a aussi ce besoin de "rendre service" socialement, dans un secteur sinistré. "Le manque d’emplois fait qu’il y a beaucoup de chômage, et il y a aussi beaucoup de gens au RSA." "Beaucoup n’arrivent pas à joindre les deux bouts", observe le praticien. Par son engagement, il entend ainsi "dépanner" ses "frères et sœurs" quand "ils ont des problèmes financiers ou autres", en plus de leur permettre d’accéder aux soins. Pour le Dr Court, "le seul chemin qui mène au bonheur, c’est celui de l’amour" de son prochain.
S’il a choisi, en 2020, de s’installer dans ce village, c’est certes parce qu’une opportunité s’est présentée avec l’ouverture d’un centre de soins. Mais aussi parce que son grand-père étant originaire de Burzet, non loin, il espérait en y venant renouer avec ses racines. L’homme, un brin taiseux, a, dit-il, depuis "appris des choses en parlant avec les gens", appris à mieux "connaître [son] histoire", sans en dévoiler davantage. Et puis il a pu profiter du "cadre naturel, très beau".
Entamée en plein Covid, son expérience libérale aurait pu vite tourner court, mais lui retient avoir "bien vécu" cette "période particulière". Au départ, il s’était fixé cinq ans pour tester. Parce qu’il s’était dit que, peut-être, au terme de cet essai, il aurait "envie de changer". Mais aussi parce que l’aide de l’ARS était conditionnée à sa présence sur place pendant cette durée. Or, non seulement il a tenu son pari de rester cinq ans, mais il n’a, "pour l’instant", pas prévu d’exercer autrement. "Je continue", pose-t-il sobrement. Et puis, de toute façon, même s’il avait arrêté le libéral en tant qu’installé, il aurait continué la médecine, fait comprendre Bernard Court.
Celui qui veut être utile doit l’être en permanence. Il faut toujours être sur la brèche
Non seulement il compte continuer la médecine, mais, à désormais 76 ans, le praticien entend toujours exercer sur le même rythme. Soit "sept jours par semaine", de "9 heures à 18 heures" au cabinet, puis, "à partir de 18 heures, à domicile". Depuis son arrivée, il assure les visites dans ce secteur où nombre de généralistes refusent de nouveaux patients. Il va "jusqu’à Aubenas, Lavilledieu, Saint-Sernin, Saint-Privat". Dans le coin, la situation ne s’est pas "du tout" améliorée en matière de démographie médicale, constate-t-il, avec "beaucoup de départs, pas beaucoup d’arrivées". Résultat : il y a un "manque criant de médecins", surtout de spécialistes.
Ce travail sans temps mort ou presque, "c’est un régime qui me convient. Parce que celui qui veut être utile doit l’être en permanence. Il faut toujours être sur la brèche", fait valoir le généraliste, qui dit n’éprouver "ni fatigue, ni lassitude". Cinq ans plus tôt, il déclarait déjà : "Le travail ne m’épuise pas. Ce qui m’épuise, c’est de ne rien faire."
Il raconte avoir vu des gens se dégrader une fois arrivés à la retraite. Pour lui, il est crucial de rester "actif" - via le travail comme lui, ou via l’associatif... -, "pour être vivant". C’est d’autant plus important, dit-il, que "notre pays a besoin de gens actifs pour remédier un peu à ce qui ne va pas". Alors qu’un tel discours agace parfois, le Dr Court affirme qu’il ne prête pas attention aux critiques, "c’est mon rythme, ça me convient, ça me rend heureux".
"Tant que j’ai une bonne santé, pour moi, il n’y a pas de raisons que je m’arrête. C’est le sens de ma vie. Et donc je ne peux pas m’arrêter, je continuerai jusqu’au bout", conclut-il. "J’ai trouvé mon bonheur dans la médecine, le social, et je veux en faire toute ma vie." S’il n’a pas entendu parler du Dr Christian Chenay, le médecin val-de-marnais, doyen, à 103 ans, des généralistes français, il raconte avoir "lu dans une revue médicale qu’il y avait plus de 88 médecins de plus de 100 ans en France"*.
*Selon un décompte de la Carmf datant de 2022.
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