
Compléments alimentaires : des produits pas si anodins
L’intérêt des Français pour les compléments alimentaires ne se dément pas. Pourtant, ces produits en vente libre, bien moins régulés que les médicaments, ne sont pas sans risque. L’Agence nationale de sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail appelle les consommateurs à la vigilance.

Avec une croissance (en valeur) de 5,7 % en 2024 par rapport à 2023, voire de 8,2 % en pharmacie, le marché des compléments alimentaires se porte bien. Parmi les produits les plus en vogue, ceux à visées « immunité/vitalité », « digestion », « humeur, stress et sommeil ». Côté ingrédients, les produits à base de plantes, de vitamines et minéraux continuent à faire la course en tête, selon les chiffres 2024 du Syndicat national des compléments alimentaires (Synadiet).
Ce boom, qui s’explique par la jeunesse du marché (né dans les années 1990), l’attrait croissant des Français pour la prévention, peut-être aussi par la pénurie de médecins, n’est pas sans poser question. D’autant que, notamment en termes de sécurité, le recours aux compléments alimentaires est loin d’être anodin.
Selon la Pre Irène Margaritis, adjointe au directeur de l’évaluation des risques de l’Agence nationale de sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), « une grande partie de la population pense que les compléments sont destinés à combler des déficits facilement, que le plus est le mieux ». « Dès qu’un complément se voit alléguer un bénéfice pour la santé, les gens vont se diriger vers ce produit, sans savoir s’il correspond réellement à leur situation. Cela peut engendrer des risques nutritionnels, car un excès de vitamines et minéraux peut aussi présenter un risque », ajoute-t-elle.
Toxicité, mésusage, interactions médicamenteuses…
Quant aux plantes, « elles ont des propriétés dont on ne connaît pas très bien les vertus et les risques. Certaines ont fait l’objet d’études, pour d’autres le corpus de données est très maigre », pointe Aymeric Dopter, chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition de l’Anses. Exemple récent, les compléments à base de la plante Garcinia cambogia. Présentés comme ayant des vertus amaigrissantes, ces produits ont été liés à 38 cas d’effets indésirables (hépatiques, psychiatriques, digestifs, etc.) en France, dont un d’hépatite fulminante mortelle en 2019, selon un récent avis de l’Anses. Mi-avril, l’État a annoncé leur interdiction.
Le cas Garcinia cambogia est d’un des nombreux cas révélés ces dernières années par le dispositif de nutrivigilance mis en place en 2009 afin de recueillir les effets indésirables liés aux aliments et aux compléments alimentaires. En moyenne, 17 signalements d’effets sévères imputables aux compléments sont recensés par an.
Au-delà de la toxicité intrinsèque de certains produits, les compléments peuvent présenter des interactions avec des médicaments, voire avec d’autres compléments. Également en cause, le risque de mésusage, par exemple le recours à des vitamines D ultradosées, à l’origine de cas d’hypercalcémie sévère chez des nourrissons. Enfin, l’adultération (ajout de substances frauduleuses) dans certains produits achetés en ligne, par exemple des miels érectiles contenant du sildénafil.
Une régulation très lâche
Soumis à la réglementation sur l’alimentation, les compléments sont bien moins régulés que les médicaments. En la matière, Garcinia cambogia constitue un cas d’école. Alors que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a interdit en 2012 la délivrance et la prescription de médicaments contenant cette plante, à la suite de graves effets indésirables survenus outre-Atlantique, elle a pu continuer à être vendue sous forme de compléments.
De même, la question des allégations de santé, telles que celle sur la perte de poids dans le cas de Garcinia cambogia, demeure problématique. En vertu d’un règlement européen de 2006, un produit ne peut en arborer sur son emballage qu’après validation par l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Or cette agence a pris du retard, en particulier sur les allégations relatives aux plantes.
En l’attente d’un feu vert, la Commission européenne tolère l’utilisation d’une allégation, sous statut transitoire. Selon la Pre Irène Margaritis, « nous sommes dans un vide réglementaire. À partir du moment où le port d’une allégation n’est pas explicitement interdit, il n’est pas autorisé… mais il n’est pas interdit ! C’est une situation qui conduit à tromper le consommateur ».
Pour l’Anses, rien ne remplace une alimentation saine et équilibrée. « Face à un problème d’équilibre alimentaire, la personne référente doit être le diététicien. Le cas échéant, celui-ci peut conseiller un complément alimentaire, estime Aymeric Dopter. Face à un problème de santé, certaines personnes peuvent être tentées de se tourner vers le complément, le considérant comme un médicament sans ordonnance, qui, s’il ne produit pas l’effet escompté, ne produira pas d’effet indésirable. Il est crucial de s’adresser avant tout à son médecin traitant, qui pourra identifier la meilleure stratégie de prise en charge ».
Au sommaire :
- Agonistes du GLP-1 : une révolution thérapeutique freinée par un défaut de prise en charge
- Alimentation de l’enfant en situation d’obésité : vers une approche personnalisée et non stigmatisante
- L’alimentation pendant la grossesse peut-elle prévenir les allergies de l’enfant ?
- La sarcopénie, aspect négligé de la prise en charge du patient âgé diabétique
- Allergie au lait de vache : attention aux "dangerous bottles"
- Mici : quelle prévention alimentaire ?
- Alimentation et RGO : de nombreuses idées reçues
- Régimes végétariens : l’Anses fait le point sur les bénéfices et les risques
Références :
D’après un point presse de l’Anses (24 mars).
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