Mobilisation

Opposés à la baisse de leur rémunération, les pharmaciens se révoltent : "On veut des négos conventionnelles, sinon on va mettre le feu"

L'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo) s'insurge contre l'abaissement du plafond des remises génériques, décidé en raison du risque de dérapage des comptes de l'Assurance maladie, et qui met en péril les petites officines. Pierre-Olivier Variot, président de l'Uspo, fait le point pour Egora sur les difficultés économiques des pharmacies et sur la poursuite de la mobilisation. 

29/07/2025 Par Sandy Bonin
Interview Pharmaciens Assurance maladie / Mutuelles
Mobilisation

Egora : Les pharmacies ont lancé une forte mobilisation depuis début juillet. Quelles sont les raisons de votre colère ? 

Pierre-Olivier Variot : Aujourd'hui, le système économique qui encadre les pharmacies est très compliqué et très vaste. Nous avons différents modes de rémunération (petite marge sur le médicament, actes de prévention, actes de suivi de patients, honoraires…). Mais tout cela est précaire, et nous avons eu 300 pharmacies qui ont fermé l'an dernier. 

Faut-il dérembourser les cures thermales ?

François Pl

François Pl

Oui

Dans les années 80 j'ai été suivre (sans prescription - je suis Belge) une "cure thermale" en Auvergne, suite à une promotion tour... Lire plus

Si on prend ne serait-ce que la marge sur le médicament, qui ne représente pas la majeure partie de notre rémunération, mais qui est quand même importante, nous avons des médicaments comme les génériques où les remises vont jusqu'à 40%, mais aussi des médicaments très chers qui coûtent par exemple 60 000 euros la boîte. Sur ces derniers médicaments, nous avons une marge qui n'est que de 98 euros. Nous acceptons cela en contrepartie de rémunération plus importante, sur le générique notamment. C'est un équilibre. 

Aujourd'hui, l'État nous dit vouloir faire des économies en baissant les prix parce que le comité d'alerte de l'Ondam a été saisi. Très bien. Ça ne m'arrange pas, mais c'est comme ça. Puis, il nous dit : "On va baisser les prix des médicaments à hauteur de 100 millions d'euros, et en contrepartie pour sauver les industriels, on va baisser le plafond des remises à hauteur de 600 millions d'euros". Maintenant, on n'est plus à ce chiffre-là, mais c'est ce qui était annoncé au départ. Donc, ça veut dire qu'on fait un cadeau aux industriels de près de 500 millions d'euros.

De notre côté, nous disons à l'Etat qu'il n'est pas nécessaire de toucher au plafond des remises pour faire des économies. Ils peuvent baisser les prix, et si l'industriel constate que son médicament n'est plus rentable, il ne fera plus de remise. J'ai des tas de médicaments génériques aujourd'hui qui ne sont plus remisés. En touchant ce plafond, on va faire fermer à peu près 30% des pharmacies en France. Sinon, il faut revoir entièrement le mode de rémunération des pharmaciens. Si on touche au plafond des remises sur les génériques, alors touchons aussi aux 98 euros sur les médicaments à 60 000. L'équilibre entier est à revoir. 

On aurait des pharmacies qui seraient florissantes, aucun souci ; mais là, on ne peut plus jouer. Les pharmacies en liquidation, j'en ai des tonnes.

Pourquoi les pharmacies sont-elles à la peine ?

Nous avons beaucoup travaillé pendant le Covid. Nous avons tout redonné à nos salariés en primes parce que c'est normal, ils avaient bossé. Le président de la République a alors voulu mettre fin à ce système de primes pour que les salaires soient augmentés. Nous avons donc augmenté les salaires. Puis il y a eu l'inflation. Nous avions un deal avec l'État qui était de revoir nos rémunérations pour qu'on puisse accompagner ces augmentations. Et ça n'a pas été au rendez-vous. Les autres professions peuvent augmenter leurs tarifs, mais pas nous, car les prix sont fixés par l'État. Je ne peux pas dire : "Je vais vous vendre votre Doliprane 5 euros, alors qu'il est à 3." Nous avions un deal avec l'ancien ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, sauf qu'entre temps, il n'est plus ministre, et les ministres actuels nous disent qu'ils ne sont pas tenus de faire ce qu'avait décidé Frédéric Valletoux. Donc on se retrouve coincés.

Nous voulons donc qu'on déclenche tout de suite, des négociations conventionnelles avec l'Assurance maladie, auquel cas je veux bien suspendre la mobilisation le temps des négociations. Ou alors, on continue à mettre le feu et je vous promets une vraie misère en septembre. 

S'ils veulent nous faire mourir, on ne va pas le faire sans que ça parle de nous

Que répond le Gouvernement ? 

Je suis un peu embêté parce que j'ai une réponse faite par le cabinet Neuder qui me dit : "Ok, on réfléchit à ça, on va voir ça." En attendant, notre ligne va continuer de se durcir. S'ils veulent nous faire mourir, on ne va pas le faire sans que ça parle de nous. Là, il y a des régions entières qui sont en train de s'organiser pour planifier des jours de fermeture. On ne sera plus là pour prendre les petites urgences, les gérer et les orienter. 

Qu'attendez-vous concrètement pour arrêter votre mouvement ?

Qu'ils ne touchent pas au plafond des remises sur les génériques. Nous voulons aussi qu'ils mettent en place très vite des négociations pour qu'on modifie notre mode de rémunération, ce que je demande depuis trois ans. Tout cela doit aller très vite maintenant parce qu'on ne peut pas continuer à dégrader le réseau sans prévoir des compensations.

Vous réclamez "une lettre de mission sur une réforme structurelle de la rémunération officinale pour compenser les économies prévues dans le PLFSS, matérialisée dans un avenant 2 à la convention pharmaceutique". Qu'attendez-vous en pratique ? 

Aujourd'hui, notre équilibre est très précaire. On a 300 pharmacies qui ont fermé l'an dernier. 145 à fin mai, je crois. C'est énorme. Toutes ces pharmacies qui ont fermé, ce n'est que le début. Cela ne va faire que s'accélérer dans les mois qui viennent.

On nous demande aujourd'hui d'être proactifs sur la déprescription par exemple. Mais en le faisant, on se tire une balle dans le pied. Nous avons différents honoraires dont un qui s'appelle l'honoraire à la boîte. Il nous rapporte un euro, sur toutes les boîtes de médicaments. Donc plus je dispense de boîtes, plus je gagne. Et cet honoraire rapporte beaucoup, environ 42 à 43% de notre rémunération. 

Si on nous demande de déprescrire des ordonnances, pour être dans une logique de bon usage, c'est très bien mais c'est une double peine pour nous. Cela nous prend du temps, pour lequel on n'est pas rémunérés et, en plus, quand on enlève des boîtes on est "dépayés"... Il faut changer ça. J'en avais parlé à la Cnam il y a déjà trois ans, on m'avait répondu : "Ça ne nous intéresse pas…" Donc nous, économiquement, ce n'est pas jouable. Il faut qu'on change toute cette rémunération-là. Tout le mode de fonctionnement de la rémunération pharmaceutique doit être revu.

Autre point qui pose problème : les pharmaciens sont les seuls professionnels de santé pour qui l'État ne cotise pas pour la retraite.

Le Gouvernement a fait récemment quelques propositions que vous n'avez pas acceptées. Quelle suite comptez-vous donner à votre mouvement ?

Tous les représentants de la profession, que ce soient les syndicats de pharmaciens ou les syndicats de groupements, vont se revoir en septembre. Une journée de grève nationale est prévue le 18 septembre. A partir du mois de septembre, nous serons également fermés tous les samedis. Nous poursuivons aussi la grève des gardes.

Si le réseau est asphyxié, nous n'aurons pas de choix que de licencier. Si on m'enlève 30 000 euros de revenus, c'est un salaire qui va sauter. Et si je licencie une personne, je vais réduire le nombre d'heures d'ouverture de l'officine... Aujourd'hui, ma pharmacie est ouverte 70 heures, mais nous pourrons passer - comme les administrations - à 35 heures. A 35 heures, ça ne va pas me tuer la moitié de mon chiffre d'affaires, ça va juste être beaucoup moins pratique pour les patients. 

11 débatteurs en ligne11 en ligne
Photo de profil de FRANCOIS LAISSY
2,5 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 8 jours
C'est sur que lorsque je prescrit un traitement pour 3 mois avec une boîte 90 comprimés, je ressors de la pharmacie avec 3 boîtes de 30 comprimés : cherchez l'erreur ! De même pour les génériques dont
Photo de profil de Philippe Pizzuti
1 k points
Incontournable
Médecins (CNOM)
il y a 9 jours
Une convention ? Pour quoi faire ? Ils ne les respectent pas ….
Photo de profil de Isa C
140 points
il y a 9 jours
Ils n’ont qu’à licencier la personne qui fait les vaccins à la place des infirmières 😂
Vignette
Vignette

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