
Diabète : les propositions de la Cour des comptes pour réformer la prise en charge
Forte augmentation de l’incidence, diagnostics tardifs, stagnation des hospitalisations, et hausse des dépenses… Pour la Cour des comptes, qui publie un rapport sur le diabète, il faut réformer la prise en charge de cette maladie chronique. L'instance y mentionne plusieurs pistes d’amélioration. Il apparait nécessaire, en particulier, d'investir dans la prévention et le traitement précoce. Et pour que cette réforme soit soutenable sur le plan économique, elle propose une séparation de l'ALD en 2 niveaux, en fonction de la sévérité de la maladie.

Vieillissement de la population, amélioration de l'espérance de vie, augmentation du nombre de patients concernés par l'obésité... Ces facteurs expliquent, en grande partie, la forte croissance du diabète de type 2 (DT2) en France depuis plusieurs années. Certes, l'Hexagone est l'un des pays les moins touchés de l'Union européenne, après l'Irlande, les Pays-Bas et la Suède. Mais environ 3,8 millions de personnes diabétiques y étaient traitées avec des médicaments en 2023 (soit une prévalence de 5,2%), en croissance constante depuis le début des années 2000. Cette maladie chronique touche en priorité les personnes défavorisées. Les 10% de Français les plus modestes ont 2,8 fois plus de risques de la développer que les 10% plus aisés.
Autre constat : les dépenses de santé imputables au diabète ont également augmenté de 34,8% depuis 2015. Elles atteignent désormais 10,2 milliards d’euros, soit 5,3% de l'ensemble des dépenses d'assurance maladie obligatoire. "En 2022, le coût moyen par patient s’élevait à 2 350 euros, dont 85% pour les soins de ville, 8% pour les hospitalisations et 7% pour les indemnités journalières versées lors d’un arrêt de travail", a souligné Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, ce mardi 8 juillet lors d'une conférence de presse, à l'occasion de la publication de son rapport intitulé "Prévention et prise en charge précoce du diabète".
Faut-il dérembourser les cures thermales ?

François Pl
Oui
Dans les années 80 j'ai été suivre (sans prescription - je suis Belge) une "cure thermale" en Auvergne, suite à une promotion tour... Lire plus
Si la mortalité et l'espérance de vie des patients diabétiques tendent à s’améliorer, les résultats sanitaires ne progressent pas. "Le taux de réalisation d'examens biologiques (tels que la glycémie) ne s'améliore pas, les hospitalisations pour complication ne baissent pas assez. Quant au diagnostic de DT2, il reste trop souvent tardif. Près de 30% des personnes nouvellement prises en charge en 2021 présentent une maladie déjà avancée avec des complications. Or le risque de DT2 peut être détecté très tôt par l'identification de facteurs de risque comme l'âge ou le poids", a déploré Pierre Moscovici.
Mieux prendre en charge l’APA et l’ETP
Dans son rapport, la Cour des comptes plaide pour une prise en charge précoce du DT2 pour "permettre des modifications thérapeutiques du mode de vie - alimentation favorable à la santé, lutte contre la sédentarité, activité physique adaptée (APA), éducation thérapeutique du patient (ETP) - premiers traitements du DT2". Plusieurs dispositifs sont déjà disponibles pour accompagner les patients dans ce sens : "Mon bilan prévention" peut constituer l’occasion d’un dépistage ciblé vers les populations à risque. Le service d’accompagnement à distance Sophia de l'Assurance maladie ; le dispositif des infirmières de l’association Asalée ou encore les programmes d’ETP financés par les agences régionales de santé sur le fonds d’intervention régional (FIR) peuvent aider les personnes diabétiques, dès le début de la maladie.
"Il est, toutefois, nécessaire, de repenser le cadre économique de la prise en charge du diabète. La Cour des comptes recommande ainsi que chaque patient puisse bénéficier d'un parcours ou d'un panier de soins (comprenant de l'APA et de l'ETP) au moment où son diabète est diagnostiqué, pris en charge par l'Assurance maladie. Certes, cela représente un investissement, mais le bénéfice sur l'état de santé des patients - et, par conséquent, sur la baisse des dépenses de santé - ne fait aucun doute", assure Pierre Moscovici.
Réformer le dispositif d'ALD pour les DT2
Pour mettre en place une telle mesure, la Cour des comptes préconise une refonte du dispositif d'affection de longue durée (ALD) en créant "deux niveaux de reconnaissance, selon le niveau de sévérité et de complication". Au niveau 1, l'exonération du ticket modérateur serait axée sur certains soins préventifs, examens de suivi et bilans et ouverte à des thérapies non médicamenteuses de modification des modes de vie (APA, accompagnement nutritionnel...), aujourd'hui exclues du remboursement de droit commun. Au niveau 2, l'exonération concernerait toujours l'ensemble des soins liés à la pathologie.
"Les indications d'une telle réforme sont à évaluer soigneusement, notamment ses implications concernant le reste à charge pour les patients et les dépenses supplémentaires pour l'Assurance maladie, mais il s'agit d'une piste que la Cour encourage", précise le premier président de la Cour des comptes.
Mieux encadrer la publicité
Plus urgent encore : il est impératif d'agir de manière préventive pour éviter l’apparition du diabète de type 2. La prévention primaire est essentielle. Là encore, les leviers sont connus : mauvaise alimentation, obésité, sédentarité. "Il ne s’agit pas de stigmatiser les comportements individuels, mais de créer un environnement alimentaire plus salutaire. Cela implique d’inciter les industries agroalimentaires à revoir leur offre, en limitant les produits trop riches en sucres, en sel et en graisses", note Pierre Moscivici.
La Cour des comptes préconise un affichage nutritionnel et un encadrement de la publicité "plus contraignants, pour peser sur la formulation des aliments et faciliter un accès équitable à une alimentation favorable à la santé". Le rapport recommande une action "plus volontariste des pouvoirs publics", en augmentant le périmètre des programmes audiovisuels (télévision et réseaux sociaux) soumis à l'interdiction des produits gras, sucrés ou salés et en élargissant l'assiette de la taxe sur les boissons sucrées à tous les produits à sucres ajoutés.
L'intégralité du rapport de la Cour des Comptes est disponible ici.
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