
Diabète de type 2 : quand recommandations et remboursement se contredisent
Alors que la prise en charge du diabète de type 2 a connu de grandes avancées ces dernières années, les diabétologues déplorent les entraves à l’usage des nouvelles classes thérapeutiques. Particulièrement critiqué, le dispositif d’accompagnement à la prescription des agonistes du récepteur du GLP1, selon eux déconnecté des recommandations de prise en charge.

Importance des mesures hygiénodiététiques, mise en avant de nouvelles classes d’antidiabétiques efficaces pour la protection cardiorénale, contrôle du poids… les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) sur la prise en charge du diabète de type 2 (DT2), publiées en juin 2024, font largement écho aux avancées médicales des dernières années.
« Malgré quelques divergences, la philosophie est assez proche de la prise de position de la SFD [réactualisée tous les deux ans et dont la dernière version date de décembre 2023, ndlr], avec une prise en charge très centrée sur le patient, très individualisée, dans un objectif de prévention des complications et de l’amélioration de la qualité de vie », pointe le Pr Patrice Darmon, chef du service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition au CHU de la Conception à Marseille.
Des recommandations très au-delà des indications remboursées
Là où le bât blesse, c’est que ces recommandations, celles de la HAS comme celles de la SFD, vont bien plus loin que les indications des autorisations de mise sur le marché (AMM) et que les indications thérapeutiques remboursables -qui divergent aussi entre elles. En particulier sur les modalités de prescription des agonistes du récepteur du GLP1 (arGLP1) et des inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2), deux classes thérapeutiques liées à d’importants bénéfices cardiovasculaires et rénaux, indépendamment de leurs effets antihyperglycémiants.
Exemple, les AMM des arGLP1, de même que les recommandations, prévoient que ces médicaments puissent être administrés sans metformine, pilier des régimes antidiabétiques, si ce médicament fait l’objet d’une intolérance ou d’une contre-indication chez un patient. A l’inverse, les conditions de remboursement ne prévoient aucune autre possibilité pour la prescription des arGLP1 qu’en association avec la metformine, éventuellement en trithérapie avec un sulfamide hypoglycémiant ou une insuline basale. Par ailleurs, les indications remboursables n’incluent pas la possibilité d’une association entre arGLP1 et iSGLT2, stratégie prônée par la HAS et la SFD si l’équilibre glycémique n’est pas atteint, notamment chez les patients atteints d’une maladie cardiovasculaire et/ou rénale, ou ceux atteints d’obésité.
Comment expliquer ces hiatus entre les recommandations officielles de la HAS, opposables, et l’Assurance maladie ? Selon le Pr Etienne Larger, chef du service de diabétologie de l’hôpital Cochin (Paris) et membre du groupe de travail de la HAS, « nous avons soulevé la question en permanence au cours de ce travail. A aucun moment l’Assurance maladie n’a mis son veto, ce qui est une manière d’accepter ». En raison des critères restrictifs de l’Assurance maladie, un tiers des prescriptions se situeraient en dehors des indications thérapeutiques remboursables, selon une estimation de MG France.
Un « gâchis de temps médical », selon la SFD
Ces divergences deviennent particulièrement saillantes depuis qu’a été instaurée, en février, l’obligation pour les prescripteurs d’arGLP1 de remplir, en plus de l’ordonnance, un formulaire pour garantir que la prescription se situe dans le cadre de l’AMM ou des indications thérapeutiques remboursables. Inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale 2024, ce dispositif d’accompagnement à la prescription vise à sécuriser le circuit de médicaments à fort enjeu de santé publique, ayant connu des tensions d’approvisionnement, notamment en raison de mésusages.
Ce dispositif, qui selon Etienne Larger pourrait être prochainement étendu aux iSGLT2, est unanimement dénoncé par les médecins et les pharmaciens - la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a même appelé à son boycott. En première ligne, la SFD y voit un « gâchis de temps médical », d’autant que « la prescription faite sur une ordonnance bizone garantit que celle-ci concerne une personne titulaire d'une ALD, en l'occurrence liée au diabète ».
« Tant qu’il n’y aura pas un alignement entre les recommandations et ce que remboursent les caisses, ce problème persistera », prévoit Patrice Darmon, selon qui des discussions sont en cours à ce sujet entre la HAS et l’Assurance maladie. Selon une étude récente, le mésusage concernerait 2,2% des personnes sous arGLP1, qui ne seraient atteintes ni de DT2, ni d’obésité, ni de complications liées au poids (1). « Ce mésusage peut en effet être dangereux pour certains patients, et il conduit à des tensions d’approvisionnement. Mais il y a peut-être d’autres moyens que de demander aux prescripteurs, dont la grande majorité prescrit dans les clous des recommandations, de s’autocertifier comme respectueux des règles », estime Patrice Darmon.
A la clé, des situations parfois ubuesques pour les patients : « les prescripteurs libéraux ont peur que l’Assurance maladie vienne leur demander des comptes. Les recommandations sont opposables, donc normalement nous sommes couverts », tempère le diabétologue marseillais. « Malgré le délai de tolérance initial de trois mois, certaines pharmacies ont exigé le formulaire dès le 1er février, et n’ont pas voulu délivrer le traitement. Certains patients se sont retrouvés sans médicament, et d’autres ont dû débourser 90 euros afin d’avoir leur boîte pour le mois ».
Les complications cardiovasculaires reculent, les inégalités sociales demeurent
Chez les patients diabétiques, l’incidence d’hospitalisations pour complications cardio- et neurovasculaires semble évoluer de manière favorable depuis 2012, selon des résultats présentés par la Dre Marie Guion, épidémiologiste à Santé publique France. Cette tendance est particulièrement marquée pour l’insuffisance cardiaque, dont l’incidence a connu une baisse annuelle d’environ 1,25% entre 2012 et 2022.
Selon Marie Guion, cette baisse « pourrait être liée à une meilleure gestion des facteurs de risque, comme le tabac ou l’alcool, à une amélioration de la prise en charge, ainsi qu’à l’arrivée de nouvelles molécules », en particulier les iSGLT2 et les arGLP1. Toutefois, les inégalités sociales demeurent élevées, avec des différences de l’ordre de 30% entre les communes les plus favorisées et celles qui le sont le moins. « Cela peut être dû à la répartition sociale des facteurs de risque, mais aussi à un accès au spécialiste qui varie selon la commune de résidence », avance l’épidémiologiste.
Selon d’autres résultats de Santé publique France, le taux d’hospitalisation en raison de plaies du pied d’origine diabétique ont augmenté au cours de la décennie 2012-2022, tandis que le taux d’amputations du membre inférieur demeure stable -là aussi, les inégalités sociales demeurent inchangées. Ces travaux ne permettent toutefois pas de déterminer si le surcroît d’hospitalisations découle d’une vigilance médicale accrue face à ces plaies ou d’une moindre surveillance podologique.
Au sommaire :
- Diabète de type 1 : le dépistage précoce prend son envol
- DT1 : la boucle fermée demeure efficace à deux ans
- Diabète gestationnel : de l’importance d’un suivi au long court
- La sarcopénie, aspect négligé de la prise en charge du patient âgé diabétique
- Diabète et hypercholestérolémie familiale, dangereux cocktail cardiovasculaire
Références :
Congrès annuel de la Société francophone du diabète (SFD) (Paris, 1-4 avril 2025). D’après les sessions « Recommandations HAS – prise de position de la SFD pour le DT2 : le match » et « Epidémiologie – santé publique » ; et d’après HAS, « Stratégie thérapeutique du patient vivant avec un diabète de type 2 », 6 juin 2024, et « Prise de position de la SFD sur les stratégies d'utilisation des traitements antihyperglycémiants dans le diabète de type 2 – 2023 », Médecine des maladies métaboliques, 1er décembre 2023.
Références :
- Soulier N et al., Journal of Epidemiology and Population Health, 1er mars 2025
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