
Diabète et tabagisme : des liaisons dangereuses et trop souvent méconnues
Le tabagisme augmente le risque de survenue d’un diabète de type 2, et constitue le principal facteur de mortalité chez les sujets diabétiques. Pourtant, cet effet est largement méconnu. La Fédération française des diabétiques se mobilise pour faire bouger les lignes.

Le diabète, et tout particulièrement celui de type 2, et le tabagisme ont en commun d’être à l’échelle mondiale deux pandémies tueuses étroitement liées. De fait, il est maintenant bien établi que l'association tabagisme/diabète représente un enjeu majeur pour la santé des patients diabétiques, cela à plusieurs titres, souligne le Pr Vincent Durlach, diabétologue et tabacologue au CHU de Reims. C’est pourquoi le groupe pluridisciplinaire national tabagisme et diabète, créé il y a cinq ans et regroupant la Société francophone de tabacologie, la Société francophone du diabète et la Fédération française des diabétiques, sous la houlette de Santé publique France, s’est donné pour objectif d’analyser la littérature sur cette question, de diffuser ses travaux, et de promouvoir des actions concrètes. Il a notamment abouti à la publication princeps d’un consensus d’experts en 2022(1).
"On sait maintenant, grâce à une méta-analyse de 46 études, que le tabagisme augmente de 37% le risque de développer un diabète de type 2, par rapport aux non-fumeurs, en ajustant les données sur l’âge, la diète, les facteurs génétiques, l’IMC…", mentionne le Pr Durlach. "Effet encore supérieur chez les personnes présentant un risque de diabète : antécédents familiaux de diabète, surpoids et/ou obésité abdominale… ", poursuit-il. Cet effet, qui est dose-dépendant, aurait plusieurs causes, parmi lesquelles la nicotine, qui augmente le taux des hormones de contre-régulation glycémique (cortisol, catécholamines, hormone de croissance) et le volume de graisse viscérale (en dépit de son effet anorexigène), tandis que l’insulino-résistance est majorée par l’hypoxie induite par le monoxyde de carbone et les métaux lourds présents dans la fumée de tabac (cobalt, cadmium…), et enfin un état d’inflammation de bas grade.
"Or, en France, la prévalence du tabagisme est de 13,4% chez les patients diabétiques de type 2 et de 25,3% dans le cas du diabète de type 1, ce qui est considérable", pointe le Pr Durlach.
Première cause de mortalité chez le patient diabétique
Par ailleurs, il ressort d’une étude publiée en 2018(2) que le premier facteur en cause dans la mortalité chez le patient diabétique n’est pas, comme on pourrait le penser a priori, le taux d’hémoglobine glyquée, qui ne vient qu’en 4ème position, la pression artérielle systolique en 8ème et le LDL cholestérol en 11ème, mais bien le tabagisme, insiste le Pr Durlach.
De plus, précise le Pr Bruno Vergès, endocrinologue et diabétologue au CHU de Dijon, "le tabagisme augmente significativement le risque de complications au cours du diabète de type 2 et de type 1". Il accroit de 54% le risque d’atteintes coronariennes (infarctus du myocarde, en particulier), de 44% celui d’accident vasculaire cérébral, de 206% celui de macroalbuminurie, de 44% celui de mortalité toutes causes et de 36% celui de mortalité cardiovasculaire.
… mais encore insuffisamment prise en considération
"Le tabagisme de nos 410 000 diabétiques fumeurs en France est-il pris en charge avec le même degré de préoccupation que leur équilibre glycémique, excès de poids, tension artérielle ou taux de LDL-cholestérol ?", s’interroge le Pr Durlach.
Une enquête réalisée en 2023 auprès de 225 diabétologues membres de la Société francophone du diabète(3) permet de penser que beaucoup de chemin reste à parcourir en cette matière. En effet, celle-ci révèle que si la majorité de ces spécialistes déconseillent à leurs patients de fumer, nombreux avouent ignorer que le tabac est diabétogène, et mal connaître le lien existant entre le tabagisme et l’équilibre glycémique. Et ils estiment manquer de temps et de compétences, y compris au sein de leur communauté diabétologique pour prendre en charge le sevrage tabagique.
"Pourtant, rappelle le Pr Durlach, l’OMS a, en 2023, insisté sur la nécessité de mettre en œuvre un sevrage tabagique chez les patients diabétiques en raison du haut niveau de preuve de l’importance de ce type d’intervention."
Le Pr Durlach conclut en appelant les professionnels de santé (médecins, infirmières, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes, en particulier, car ils ont tous le droit des prescrire des traitements de substitution nicotinique) à se former au sevrage tabagique pour mieux accompagner ou faire accompagner leurs patients diabétiques, et, en ce qui concerne plus particulièrement les médecins généralistes, à agir à la fois en amont du diabète en déconseillant de fumeur aux personnes présentant des facteurs de risque de développer cette pathologie (d’autant qu’on observe une survenue de plus en plus précoce, vers 30 – 40 ans de diabète de type 2, un âge ou le tabagisme est fréquent), et à ceux qui en sont déjà atteints en les convaincant de la priorité absolue d’arrêter de fumer.
"Diabète et Tabac : mariage dangereux", un nouveau thème d’action de la FFD
"Après avoir intégré depuis 2022 cette thématique dans nos messages clés dirigés vers les personnes à risque de développer un diabète, nous élargissons notre cible cette année, à l’occasion de la Semaine nationale de prévention du diabète*, aux patients diabétiques pour les sensibiliser aux dangers du tabac et les accompagner dans leur démarche de sevrage", explique Audrey Namur, responsable stratégie prévention de la Fédération française des diabétiques (FFD). A cette occasion, un dispositif pilote sera mis en place dans six départements avant un déploiement ultérieur sur toute la France.
*1er – 8 juin 2025
Diabetes & Metabolism 2022 ;48(6) :101370
N Engl J Med, 2018.379 (7) : 633
Primary Care Diabetes https://doi.org/10.1016/j.pcd.2024.01.009
Références :
D’après une conférence de presse de la Fédération française des diabétiques (FFD), en partenariat avec la Société francophone du diabète (SFD) et la Société francophone de tabacologie (SFT), le 19 mai.
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