Thomas Fatôme, le 22 octobre (capture Sénat)
Baisse des tarifs des radiologues : le directeur de la Cnam défend une "décision de responsabilité" pour "ne pas laisser des rentes se poursuivre"
Devant les sénateurs de la commission des Affaires sociales, le directeur général de la Cnam a jugé "indispensable", "dans le contexte financier que nous connaissons", de regarder les secteurs dont le niveau de rentabilité est particulièrement élevé, citant notamment la radiologie. Des propos qui ont fait sortir la profession de ses gongs. Le président de la FNMR indique "étudier quelles actions juridiques pourraient être entamées à l'encontre de ce haut fonctionnaire".
Thomas Fatôme, le 22 octobre (capture Sénat)
"Quelle est votre définition des rentes, si je peux vous taquiner un peu ?", a demandé la sénatrice LR et pharmacienne de profession Corinne Imbert au directeur général de la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam), mercredi 22 octobre. Ce jour-là, Thomas Fatôme était auditionné par la commission des Affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, présenté quelques jours plus tôt par le Gouvernement Lecornu. Dans ce cadre, le DG de la Cnam a été interpellé par la rapporteure pour la branche assurance maladie sur l'article 24 de ce texte, consacré à la lutte contre les "rentes".
Le PLFSS prévoit qu'"à défaut de conclusion d'un avenant conventionnel", le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) puisse procéder à des baisses de tarifs, "lorsqu'est documentée une rentabilité manifestement excessive au sein d'un secteur financé par des rémunérations négociées dans le champ conventionnel". Il fait également évoluer les modalités de fixation des tarifs des forfaits techniques en imagerie médicale, "qui seront désormais déterminés par l'Uncam sur la base des études nationales de coût des charges du secteur, afin de mieux tenir compte des gains de productivité réalisés sur les équipements matériels lourds".
Cet article a été vivement dénoncé par plusieurs spécialités médicales, et notamment les radiologues, qui ont appris concomitamment par courrier la baisse de leurs tarifs à compter du 5 novembre prochain. Une décision prise de façon unilatérale par la Cnam ; conséquence de l'échec des négociations conventionnelles menées en 2025. "Le Parlement nous a demandé de négocier avec les syndicats médicaux un protocole sur l'imagerie médicale fixant un objectif de 300 millions d'euros d'économies. Nous nous sommes engagés pleinement dans cette négociation entre le mois de mars et juillet 2025", a rappelé Thomas Fatôme devant la commission.
"Il y a eu un très grand nombre de réunions multilatérales, bilatérales, d'échanges avec les différents syndicats, de propositions, d'évolutions de la copie […] Nous avons essayé de construire avec les syndicats médicaux un cadre autour de la pertinence des examens d'imagerie, beaucoup plus ambitieux, beaucoup plus opérationnel, et potentiellement beaucoup plus efficace que ce qui peut se passer aujourd'hui", a poursuivi le DG de la Cnam, répondant à Corinne Imbert. Celui-ci a ajouté avoir proposé un "protocole pluriannuel" au mois de juin, comprenant "une part d'économies sur la pertinence" et "une part d'économies [liées à] des baisses de tarifs". "La réponse des syndicats médicaux a été 'pas un euro de baisse des tarifs', 'pas un euro de baisse des tarifs'", a-t-il répété, disant "regretter cette position".
Reconnaissant le caractère "délicat" du sujet, Thomas Fatôme a rappelé que deux rapports de l'Igas et de l'IGF – l'un sur la "pertinence et [l']efficience des dépenses de radiologie" paru en juillet et l'autre sur la financiarisation -, ont mis en lumière "de façon très claire" le niveau de rentabilité de la radiologie, "qui a nettement progressé entre 2019 et 2023, puisqu'il est passé de 10 à 13%". Ces taux sont "des ratios extrêmement rares dans l'économie", a insisté le directeur général de la Cnam. Et de souligner que si "le ratio d'excédent brut d'exploitation sur [le] chiffre d'affaires n'est certainement pas le seul indicateur de la rentabilité", il s'agit "quand même [d']un assez bon indicateur". En outre, l'Igas et l'IGF "estiment que les forfaits techniques sont surévalués de près de 70% et que ça représente 500 à 600 millions d'euros d'économies… Je propose une baisse des forfaits techniques de 12%, étalée en trois ans."
A l'aune de ces constats, il apparaît "légitime" pour le DG de la Cnam "que le payeur adapte ces tarifs pour ne pas laisser [se poursuivre]" ce que Thomas Fatôme "appelle des rentes, c'est-à-dire une rentabilité qui est excessive par rapport à une situation économique normale". En préambule de son propos, le numéro 1 de la Caisse avait rappelé que, dans le cadre du rapport Charges et produits, la Cnam avait identifié différents secteurs présentant "des niveaux de rentabilité très supérieurs à la moyenne du secteur de la santé", citant l'imagerie, la dialyse ou encore la radiothérapie. "Il ne s'agit pas de les stigmatiser et surtout pas de dire qu'on n'a pas besoin de cette prise en charge, au contraire", a toutefois tenu à préciser le haut fonctionnaire.
Mais pour ce dernier, l'article 24 du PLFSS apparaît "indispensable", "dans le contexte financier que nous connaissons aujourd'hui". Thomas Fatôme a toutefois rappelé son attachement au dialogue conventionnel. "Je privilégie toujours la négociation, toujours", a-t-il insisté, assurant ne pas avoir procédé à des baisses de tarifs des radiologues "par gaieté de cœur". Et de préciser qu'il a "volontairement" étalé ces baisses "pour que la discussion puisse, le cas échéant, se rouvrir au-delà des premières baisses de tarifs qui interviendront le 5 novembre".
Devant les sénateurs de la commission, le directeur général de la Cnam a défendu "une décision de responsabilité", et déploré les réactions à ces baisses de tarifs. "J'entends que ces décisions pourraient mettre en cause l'économie de la radiologie et de l'imagerie, je vais être sincère avec vous, je n'y crois pas cinq minutes", a-t-il reconnu. L'imagerie, "c'est un secteur qui se développe, on a 30% d'augmentation du nombre de machines sur les cinq dernières années, a-t-il rétorqué. On a le parc parmi les plus modernes d'Europe [et] une intensité des machines qui nous place dans les trois pays du monde qui font le plus d'imageries. Nous allons pouvoir continuer à financer une imagerie de qualité au bénéfice des patients."
Ce discours n'est pas digne d'un haut fonctionnaire
Les réactions à cette audition ne se sont pas fait attendre. "Devant le Sénat, Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, a présenté les radiologues comme des 'rentiers', appuyant son propos sur une supposée survalorisation de 70% des forfaits techniques. Un chiffre jamais expliqué, jamais détaillé, sorti de rapports partiels et datés, a dénoncé sur LinkedIn le Dr Eric Chavigny, vice-président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR). Ce raccourci alimente une image fausse et dangereuse : celle d'une profession 'trop riche' qu'il faudrait corriger. Mais les radiologues ne sont pas des rentiers : ce sont des médecins qui investissent massivement pour maintenir un parc d’imagerie moderne, accessible et sûr."
"Ce discours n'est pas digne d'un haut fonctionnaire, a vivement déploré le syndicaliste. Il affaiblit la confiance, déforme les faits et abîme le dialogue." De son côté, le président de la FNMR, le Dr Jean-Philippe Masson, a condamné "une attaque directe basée sur des inexactitudes pour ne pas dire des mensonges". "La FNMR étudie quelles actions juridiques pourraient être entamées à l'encontre de ce haut fonctionnaire", a-t-il prévenu dans un post LinkedIn.
La sélection de la rédaction
Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?
Claire FAUCHERY
Oui
Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus