La Cnam acte la baisse des tarifs des radiologues : "Quelle profession apprend qu'elle va perdre 20% de ses revenus dans 15 jours ?"
Tel un couperet, un courrier de l'Assurance maladie est tombé, jeudi 16 octobre, actant des baisses de tarifs pour les radiologues à compter du 5 novembre prochain. Ces nouveaux tarifs seront publiés dès demain au Journal officiel. Définis de manière unilatérale par la Cnam, ils sont l'aboutissement d'un échec des négociations entre les syndicats médicaux signataires de la convention, les radiologues et l'Assurance maladie.
"C'est dramatique pour notre pays. S'attaquer à la santé publique pour des raisons purement financières, parce qu'il faut trouver de l'argent quelque part, ça nous semblait inconcevable mais l'Assurance maladie l'a fait. Je suis très triste, et j'ai très peur pour l'accès aux soins des patients", soupire le Dr Franck Clarot, membre du bureau national de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) et syndicaliste à la FMF.
Jeudi 16 octobre, l'ensemble des syndicats représentatifs médicaux a reçu un courrier signé par le directeur général de l'Assurance Maladie, dont Egora a eu copie, leur annonçant "une diminution des dépenses d'imagerie de 300 millions d'euros". "Mon souhait était d'arriver à un accord conventionnel avec la profession et c'est avec regret que j'ai pris acte de votre refus de signer ce protocole", écrit Thomas Fatôme dans la missive.
"Nous n'avons pas eu de négociations à proprement parlé", lui répond le Dr Jean-Philippe Masson, président de la FNMR, contacté par Egora. "Les radiologues ont été auditionnés en mars dernier. Nous avons listé des propositions d'économies essentiellement axées sur la pertinence des soins. Puis, nous avons eu plusieurs réunions avec les syndicats signataires de la convention qui étaient des réunions de présentation du focus 'imagerie', et non des réunions de travail. Personne ne s'est mis autour d'une table pour réfléchir sur les chiffres. Fin juillet, la Caisse a envoyé un projet de protocole imagerie. 150 millions d'euros d'économies, soit la moitié de l'enveloppe, étaient fléchés vers les forfaits techniques alors qu'ils ne représentent que 30% des dépenses. A l'unanimité les syndicats ont refusé de signer ce protocole, et Thomas Fatôme a rétorqué qu'il prendrait ses responsabilités et qu'il appliquerait quand même des baisses tarifaires", retrace le Dr Masson.
Les forfaits techniques sont massacrés
Le courrier de la Cnam dévoile donc ces baisses actées unilatéralement par la Caisse et qui entreront en application le 5 novembre prochain. "Les forfaits techniques sont massacrés. Il y a 12,5% de baisse en 2026 et la même chose en 2027, mais à partir des tarifs déjà en baisse de 2026", déplore Jean-Philippe Masson. Les nouveaux tarifs prévoient également une baisse de 6% du Z (coefficient radiologique).
Autre point d'économie, et non des moindres : les actes multiples. "Lorsque nous aurons plusieurs actes à faire, le premier sera à 100%, le second à 50%, et le troisième et les prochains seront gratuits. Lorsque nous aurons des bilans rhumato à faires avec des radios du crâne, du rachis, des épaules, des mains… Les deux premiers actes seront payés et le reste sera pour la gloire. Il faudrait penser à faire la même chose en boulangerie et en charcuterie", ironise le radiologue. "Les patients vont devoir revenir et comment cela va-t-il se passer pour ceux qui se déplacent en transport sanitaire ? Je suis atterré", commente, de son côté, le Dr Clarot.
"La schizophrénie de la Cnam" est également pointée du doigt par les radiologues. "On nous a dit que les mammographies coûtaient cher, alors qu'on nous bassine qu'on devrait en faire plus", rapporte Jean-Philippe Masson. Finalement, c'est le duo d'actes 'mammographie et échographie du sein' qui sera concerné par une baisse de tarif. "Cela concerne environ 30% des patientes. La Cnam va limiter les capacités de diagnostic et de dépistage. Elle s'attaque au cancer du sein", pointe Franck Clarot, qui estime que "c'est toute la lignée diagnostique du cancer qui est attaquée pour des raisons purement financières".
"Le courrier du directeur de la Cnam est d'une grande hypocrisie. On nous a répété lors de nos réunions que la pertinence était essentielle, il n'y a pas une mesure de pertinence dans le document de l'Assurance maladie. Le directeur ose dire qu'il est très attaché au dialogue social", s'emporte Franck Clarot, qui y voit plutôt "des mesures de rétorsion, punitives" liées à l'absence de signature d'un accord. "Ces mesures vont impacter en premier lieu les patients. C'est hallucinant de décider unilatéralement contre l'avis des syndicats. C'est dictatorial. Quelle profession apprend dans un courrier qu'elle va perdre 20 à 30% de ses revenus dans les quinze jours ?", s'insurge-t-il. "On ne peut pas perdre de l'argent. Nous ne sommes pas comme les hôpitaux, des trous sans fond alimentés par les impôts", abonde le Dr Masson.
Alors que 20% des scanners sont déjà en déficit, la FNMR s'inquiète de la mise en cessation de paiement de groupes d'imagerie médicale (GIE), ce qui aura inévitablement un impact sur l'accès aux soins. "Quand les scanners étaient en déficit, ils étaient compensés par les IRM mais ça ne sera plus possible", s'inquiète le Dr Masson. Le radiologue s'attend à un manque à gagner de plus de 550 000 euros au sein de son propre GIE.
Une réunion est prévue dès ce vendredi 17 octobre entre les radiologues et le syndicat Avenir Spé. En attendant, la profession maintient sa grève illimitée de la PDSES enclenchée il y a deux semaines et son arrêt de l'envoi des comptes rendus d'imagerie dans le DMP.
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