Sortir la radiologie de la convention ? "C'est la pire attaque jamais subie par la profession"
Après avoir été fortement épinglée dans le dernier rapport Charges et produits de la Cnam, la radiologie fait les frais d'un rapport au vitriol de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF) sur "la pertinence et l'efficience des dépenses" de la spécialité. Il préconise entre autres de fixer les tarifs de radiologie de manière "unilatérale en l'absence d'un cadre conventionnel", de "refondre la nomenclature" des équipements lourds (scanners, IRM) ou encore de supprimer le secteur 2 en radiologie. Face à cette "attaque", les radiologues préparent une "contre-offensive".
"Ils appellent à une dictature sanitaire comme en Corée du Nord, je suis très inquiet, mais aussi en colère", confie à Egora le Dr Jean-Philippe Masson, président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) au sujet du rapport "Pertinence et efficience des dépenses de radiologie". Ce document de 73 pages, rédigé conjointement par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) a été commandé en juillet 2024 par les anciens ministres des Comptes publics, Thomas Cazenave, et de la Santé, Frédéric Valletoux. Bien que daté du mois de mai 2025, le document a été dévoilé le 15 juillet dernier.
"Il date de mai, entre temps, il y a eu Charges et produits. Mon esprit suspicieux y voit une relation de cause à effet. Je pense que le rapport de la Cnam a été écrit avec celui de l'Igas et de l'IGF", soupçonne le Dr Masson. Publié en juin, le document de l'Assurance maladie ciblait déjà la rentabilité des cabinets libéraux des radiologues en préconisant des "baisses de tarifs". La Cnam indiquait alors vouloir abaisser la cotation des actes "pour ramener le niveau de rentabilité du secteur à un niveau plus équitable par rapport aux autres secteurs de la santé". Elle s'interrogeait aussi sur les "montants des forfaits techniques", "par rapport au coût réel des investissements en équipement".
Force est de constater que le rapport de l'Igas et de l'IGF dresse les mêmes constats. Il pointe un "bilan de la maitrise médicalisée mitigé, malgré de nombreuses recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé", "une rémunération des radiologues deux fois supérieure à celle des autres médecins spécialistes" ou encore "une surcompensation des investissements par le forfait technique".
"Ils font les statistiques qui les arrangent"
"Nous sommes en train de recenser toutes les contre-vérités, voire les mensonges de ce rapport et il y en a beaucoup", commente le Jean-Philippe Masson. La première concerne les revenus. "Les radiologues libéraux ont une rémunération presque double de celle de la moyenne médecins libéraux et plus élevée de 38 % par rapport à la moyenne des spécialistes. Cet écart existe depuis plus de vingt ans, ce qui fait des radiologues les médecins les mieux payés de toutes les spécialités médicales si l’on exclut deux spécialités dont les effectifs sont nettement moindres, les médecins nucléaires et les radiothérapeutes", est-il écrit dans le rapport, pointant également des inégalités entre la rémunération des radiologues libéraux et hospitaliers.
"C'est faux, selon la Carmf, les radiologues sont la 11ème spécialité la mieux rémunérée", corrige le Dr Masson. "Pour arriver à son classement, le rapport inclut les montants des forfaits techniques qui sont versés aux propriétaires des scanners et IRM, dont les hôpitaux et les cliniques", analyse la FNMR. "Le rapport fait des statistiques à partir de modèles bancals et de statistiques calculées sur le privé. Le document dit que les données sont lacunaires. Ils font les statistiques qui les arrangent", s'insurge le Dr Franck Clarot, membre du bureau national de la FNMR et syndicaliste à la FMF, qui pointe "un mode de calcul aberrant".
"Nous sortir de la convention serait un vrai scandale"
Pour baisser la rémunération des radiologues, le rapport propose de "se doter d’une capacité de fixation [des tarifs NDLR] unilatérale en l’absence d’accord du cadre conventionnel". "Nous sortir de la convention serait un vrai scandale. Un radiologue est un médecin. Ils disent que la radiologie n'est pas une activité de soins, c'est fou. La radiologie interventionnelle, c'est du soin à l'état pur. Comment veulent-ils isoler une partie des médecins ? C'est du grand n'importe quoi", s'emporte le Dr Masson. "Encore une fois c'est aberrant, c'est une forme de soviétisation de la santé. Ils sont arc-boutés sur une maîtrise comptable et veulent une médecine étatique", abonde Franck Clarot.
Les auteurs du rapport appellent également à "réguler les dépassements d'honoraires" en fermant le secteur 2 aux nouveaux entrants et en "plafonnant les taux de dépassements d'honoraires admis". "Il n'y aura plus un jeune médecin qui choisira cette spécialité", déplore Franck Clarot.
"Le niveau de rentabilité du secteur de la radiologie apparaît lui aussi anormalement élevé, en augmentation forte depuis 2021", est-il encore écrit dans le rapport Igas/IGF. Le document "utilise un échantillon qui n’est pas représentatif et il ignore la réalité des charges supportées par les structures de radiologie (immobilier, salaires des personnels, informatique, énergie, etc.)", dénonce la Fédération de radiologues.
25% des scanners sont déficitaires
Les forfaits techniques sont également largement pointés du doigt. Ils "surrémunèrent l’investissement et conduisent à une gestion inflationniste des équipements", accuse le rapport. "Les forfaits techniques en ville des radiologues représentent un coût pour l’assurance maladie de 1,4 Md€ (scanners et IRM). La mission estime que deux tiers du montant des forfaits techniques versés couvrent les frais d’investissement et de fonctionnement des équipements et qu’un tiers rémunère les propriétaires des équipements matériels lourds (EML), ce qui paraît disproportionné", est-il ajouté.
"Les forfaits techniques ont pour but de financer l'achat de machine, les frais de maintenance et les frais de personnel. Un scanner aujourd'hui coûte autour de 500 000 euros. Une IRM, c'est entre un et deux millions. La maintenance représente environ 10% du prix de la machine par an. Aujourd'hui, malgré ce forfait, 25% des scanners sont déficitaires. Si on baisse le forfait technique, on passera directement à 50%", explique Franck Clarot.
"On ne se laissera pas bouffer tout cru"
C'est pourtant ce que propose le rapport, qui appelle à "réduire le montant du forfait technique, corriger ses effets pervers, et le calibrer en fonction des coûts d’investissement réellement engagés". Il est également préconisé de "réduire le montant du forfait technique pour les secondes et troisièmes machines installées sur une même autorisation".
Des négociations conventionnelles sont en cours avec la Cnam pour aboutir à une économie de 300 millions d'euros. Sur cette enveloppe d'économie, la Cnam envisage déjà de diminuer de 150 millions d'euros le budget des forfaits techniques. "Je rappelle que le forfait technique n'est pas perçu par les radiologues mais par les structures ou les établissements. Il est décroissant, plus on travaille et plus il baisse. A un moment, il ne suffit plus à couvrir les charges", détaille le Dr Masson.
"Ce rapport c'est la pire des attaques subies par la profession. D'habitude nous sommes dans une posture de négociation mais là nous partons au combat", prévient Franck Clarot. "On ne se laissera pas bouffer tout cru, on a tout le mois d'août pour préparer notre contre-attaque", annonce Jean-Philippe Masson.
La sélection de la rédaction
Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?
Claire FAUCHERY
Oui
Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus