PDSA obligatoire, fin des dépassements d'honoraires… Les députés veulent aller plus loin dans le budget de la Sécu
Près de 1 400 amendements ont été déposés sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
Présenté mardi dernier en Conseil des ministres, le PLFSS 2026 prévoit de ramener le déficit de la Sécurité sociale à 17,5 milliards d'euros. Si la commission des Affaires sociales devait démarrer l'examen du texte ce jeudi, le calendrier pourrait être bouleversé. En effet, le Premier ministre a annoncé ce jour qu'une lettre rectificative au PLFSS serait présentée jeudi en Conseil des ministres, afin d'inclure la suspension de la réforme des retraites dans le texte, au lieu de la proposer au vote lors des débats via un amendement.
"Cela pourrait remettre en cause le démarrage dès jeudi de l'examen des articles et des amendements, puisque finalement, la lettre rectificative, ça aurait la forme juridique d'un nouveau projet de loi de financement de la Sécurité sociale", a déclaré à l'AFP Frédéric Valletoux (Horizons), président de la commission, peu après l'annonce de Sébastien Lecornu. L'instance a tout de même procédé comme convenu à l'audition des ministres en fin de journée.
A partir du 4 novembre dans l'hémicycle, ce sera - en théorie, donc - à l'ensemble des députés de se pencher sur ce texte ; ils devront repartir de la version initiale du Gouvernement. Ils auront à passer en revue les articles et les amendements déposés. 1 400 ont, pour l'heure, été déposés, majoritairement par la gauche. Ceux qui seront jugés irrecevables ne seront toutefois pas étudiés. Egora a passé au crible les amendements pour dénicher ceux qui risquent d'impacter la pratique des médecins libéraux.
De nombreux amendements de suppression
On retrouve d'abord de nombreux amendements de suppression. La gauche espère d'abord supprimer l'article 28 du PLFSS qui prévoit de limiter à 15 jours la durée de prescription des arrêts maladie en ville. "Si l'état de santé du patient nécessite qu'il soit arrêté pour plus de 15 jours, le médecin en est le meilleur juge", écrivent, dans l'exposé de leur amendement, des élus issus notamment de La France insoumise, pour qui "cette mesure [...] ne va mener qu'à la multiplication des consultations médicales".
Sur ce même article, des députés du groupe Ecologiste et social souhaitent faire retirer l'obligation pour le médecin de justifier sur la prescription les motifs le conduisant à prescrire un arrêt supérieur à 30 jours "quand il existe une recommandation de la HAS en ce sens".
Les députés socialistes entendent par ailleurs enterrer l'article 18 qui élargit les franchises et les participations forfaitaires aux consultations auprès d'un chirurgien-dentiste et aux dispositifs médicaux, et qui ouvre la possibilité de régler ces dernières directement auprès du médecin. Frédéric Valletoux défend spécifiquement cette dernière mention. Cela "introduirait une complexité administrative supplémentaire pour les praticiens, qui deviendraient collecteurs de la franchise pour le compte de la Caisse, sans garantie d’efficacité ni de simplification réelle."
En outre, un amendement du groupe La France insoumise vient supprimer la pénalité financière prévue par l'article 31 pour les médecins n'ayant pas consulté le DMP en amont de la prescription d'un acte considéré comme coûteux par l'Assurance maladie.
La députée de la Droite républicaine, Justine Gruet, espère par ailleurs supprimer l'article 24 – très controversé - qui habilite le directeur de l'Union nationale des caisses d'Assurance maladie (Uncam) à procéder à des baisses de tarifs, "lorsqu'est documentée une rentabilité manifestement excessive au sein d'un secteur financé par des rémunérations négociées dans le champ conventionnel", et ce, à défaut de conclusion d'un avenant. Il s'agit, selon l'élue, de "l'une des attaques les plus graves jamais portées contre la médecine libérale".
Deux autres amendements insoumis visent directement les médecins en cumul emploi retraite. L'un d'eux entend supprimer l'inclusion des médecins libéraux en cumul emploi-retraite dans le régime simplifié des professions médicales, "qui revient à développer des exonérations de cotisations sociales". En complètement, ces députés appellent à revenir sur l'exonération de cotisations vieillesse pour ces praticiens en cumul, "car cette mesure ne permet nullement de répondre à la crise de la démographie médicale".
Enfin, la députée de droite, Justine Gruet, est l'auteure d'un amendement visant à supprimer l'article 26 du PLFSS 2026, qui prévoit d'instaurer une sur-cotisation sur les dépassements d'honoraires et activités non conventionnées. "Penser qu'une surtaxation des compléments d'honoraires inciterait les médecins à rejoindre le secteur I relève de l'illusion, particulièrement dans le contexte actuel de défiance et de désengagement", estime l'élue, kiné de profession. La France insoumise propose, elle, d'augmenter cette surcotisation des dépassements, "pour la porter à 13%".
Le secteur 2 acculé ?
De nombreux amendements appellent à encadrer ces dépassements d'honoraires. Le groupe transpartisan contre les déserts médicaux du député Garot propose ainsi de mettre en place "l'extinction progressive" du secteur 2 hors Optam. Plusieurs amendements proposent également de rendre obligatoire l'adhésion à l'Optam "pour toute nouvelle inscription en secteur 2". La France insoumise suggère tout simplement de "supprimer" les dépassements d'honoraires, dont la dynamique "menace l'accès aux soins et renforce les inégalités".
Un autre amendement propose, quant à lui, de conditionner l'autorisation de pratiquer des dépassements d’honoraires à des "engagements" comme "la participation à une démarche qualité, la réalisation de consultations avancées, la participation à la permanence des soins et la contribution à la formation médicale".
Rétablissement de la PDSA obligatoire
Un amendement du groupe Ecologiste et social appelle également à rétablir l'obligation de permanence des soins "afin de garantir une meilleure répartition entre professionnels de santé et un accès aux soins permanent sur l'ensemble des territoires". Les médecins exerçant dans les "centres de santé spécialisés en soins non programmés" doivent par ailleurs prendre part à la PDSA, estime La France insoumise dans un autre amendement.
De leur côté, les socialistes et apparentés réaffirment leur vœu de réguler l'installation des médecins. Ils appellent par ailleurs à "limiter" la rémunération complémentaire versée aux jeunes médecins s'installant en déserts médicaux dans le cadre du contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, que le Gouvernement souhaite mettre en place, à 10% de la rémunération totale du médecin. A propos de ce contrat, des députés appellent à l'ouvrir à "tous les médecins généralistes conventionnés", "sans condition liée à l’installation initiale (absence d’installation ou installation de moins d’un an)".
Limiter les remplacements
Afin de "favoriser l’installation durable des médecins sur le territoire", La France insoumise plaide pour une limitation à quatre ans de la durée des remplacements en libéral.
Stop aux certificats "inutiles"
Les députés sont, par ailleurs, nombreux à avancer leurs propositions pour libérer du temps médical. S'appuyant sur les résultats de la mission flash de Pierre Albertini et du Dr Jacques Franzoni – qui avait conduit à la mise en place de 15 mesures visant à réduire la charge administrative des médecins -, la France insoumise propose ainsi "de limiter les certificats médicaux pouvant être demandés à des médecins, tout en prévoyant des sanctions pour les personnes morales qui inciteraient des patients à se procurer des certificats non autorisés".
Le groupe propose, par exemple, d'interdire aux crèches de demander un certificat de non contre-indication à la vie en collectivité, mais aussi de restreindre les certificats médicaux qu'il est possible d'exiger "en vue d'une pratique sportive légère". Dans le viseur de La France insoumise également : les assureurs "qui incitent les professionnels à violer le secret médical". "Le produit des pénalités servirait au financement de l'Assurance maladie", avance la France insoumise.
Faciliter la formation
Plusieurs amendements concernent la formation des futurs médecins. La France insoumise propose de "garantir un accès égal sur le territoire national aux études de médecine", via des "unités de formation dispensant un diplôme de formation générale en sciences médicales dans chaque département".
Les écologistes veulent, en outre, permettre aux étudiants en médecine d’avoir "la possibilité de réaliser des stages dans des centres de santé à but non lucratif sur tout le territoire". Sur le volet études de médecine, un autre amendement propose de revaloriser de 50 % les gardes effectuées par les externes en médecine.
Concernant la quatrième année d'internat de médecine générale, un amendement entend "mettre fin à la possibilité" d’effectuer un stage en milieu hospitalier ou extrahospitalier.
Limitation de la délivrance d'arrêts en téléconsultation
Constatant la persistance de "pratiques frauduleuses en matière de délivrance d'arrêts de travail en ligne", plusieurs députés, dont Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République), suggèrent d'interdire la délivrance ou le renouvellement d'un arrêt en téléconsultation, "sauf s'il s'agit du médecin traitant du patient" ou s'il est possible de justifier "de l'impossibilité de consulter un médecin".
Sur les arrêts, la France insoumise propose, elle, d'ouvrir la possibilité pour chacun d'auto-déclarer un arrêt maladie ou un congé de courte durée. Ce qui vaudra également pour les congés d'absence pour enfant malade.
Des députés veulent, en outre, permettre aux médecins de prescrire la poursuite ou la reprise d'une activité en télétravail en alternative à un arrêt de travail total, "lorsque l’état de santé du patient le permet et que son poste est compatible avec cette modalité". Une mesure poussée par la Mutualité française.
Enfin, un amendement vise à renforcer l’action du service du contrôle médical de l’Assurance maladie "dans le suivi des arrêts de travail longs ou récurrents".
Vers une disparition des CPTS ?
Alors que la commission a livré la semaine dernière son rapport sur le déploiement et les modalités de financement des CPTS, un amendement d'Éric Michoux et Olivier Fayssat (Union des droites pour la République) suggère ni plus ni moins de supprimer ces communautés professionnelles territoriales de santé.
S'agissant des CPTS, un amendement prévoit d'y intégrer les centres de soins non programmés.
… et du médecin traitant ?
Des parlementaires proposent également une expérimentation visant à "élargir la notion du 'médecin traitant' à celle d''équipe de soins traitante'", qui serait composée "a minima" d'un médecin, d'une infirmière, d'un pharmacien, et d'un assistant médical. Objectif : "Améliorer l'accès aux soins dans les territoires sous-dotés et favoriser une prise en charge plus coordonnée et adaptée aux besoins des patients."
Une rémunération plancher pour les Padhue
Plusieurs amendements s'adressent directement aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). L'un d'eux vise à apporter "une solution transitoire à la précarité administrative et statutaire" de ces médecins "en leur ouvrant un statut contractuel, sur décision des ARS". Aussi, le groupe transparitisan contre les déserts médicaux propose de permettre au directeur général d'une ARS d'autoriser, par arrêté, un Padhue à exercer dans une zone où l'offre de soin est insuffisante.
La France insoumise souhaite également que soit instaurée une "rémunération plancher" pour les Padhue, qui ne pourra "être inférieure à 80% de celle d'un titulaire d'un titre de formation délivré par un État membre de l'Union européenne et exerçant des missions équivalentes".
De nouvelles compétences pour d'autres professions de santé
Plusieurs amendements visent à accélérer les délégations de tâches. Ainsi, il est par exemple proposé de permettre aux patients de consulter un orthophoniste sans prescription médicale préalable. Mais aussi de permettre aux kinésithérapeutes de prescrire l'activité physique adaptée (APA) "aux patients éligibles, notamment atteints d'une affection de longue durée". Ou encore, aux orthophonistes de prescrire des substituts nicotiniques.
Les Insoumis suggèrent également d'expérimenter la prescription par les infirmières des bons de transport. Aussi, ils souhaitent mettre en œuvre l'accès direct aux infirmières, "disposition votée, promulguée, mais bloquée par l'ingérence de l'Ordre des médecins".
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