Budget

PDSA obligatoire, fin des dépassements d'honoraires… Les députés veulent aller plus loin dans le budget de la Sécu

Près de 1 400 amendements ont été déposés sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.

21/10/2025 Par Louise Claereboudt
PLFSS 2026
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Présenté mardi dernier en Conseil des ministres, le PLFSS 2026 prévoit de ramener le déficit de la Sécurité sociale à 17,5 milliards d'euros. Si la commission des Affaires sociales devait démarrer l'examen du texte ce jeudi, le calendrier pourrait être bouleversé. En effet, le Premier ministre a annoncé ce jour qu'une lettre rectificative au PLFSS serait présentée jeudi en Conseil des ministres, afin d'inclure la suspension de la réforme des retraites dans le texte, au lieu de la proposer au vote lors des débats via un amendement. 

"Cela pourrait remettre en cause le démarrage dès jeudi de l'examen des articles et des amendements, puisque finalement, la lettre rectificative, ça aurait la forme juridique d'un nouveau projet de loi de financement de la Sécurité sociale", a déclaré à l'AFP Frédéric Valletoux (Horizons), président de la commission, peu après l'annonce de Sébastien Lecornu. L'instance a tout de même procédé comme convenu à l'audition des ministres en fin de journée.

A partir du 4 novembre dans l'hémicycle, ce sera - en théorie, donc - à l'ensemble des députés de se pencher sur ce texte ; ils devront repartir de la version initiale du Gouvernement. Ils auront à passer en revue les articles et les amendements déposés. 1 400 ont, pour l'heure, été déposés, majoritairement par la gauche. Ceux qui seront jugés irrecevables ne seront toutefois pas étudiés. Egora a passé au crible les amendements pour dénicher ceux qui risquent d'impacter la pratique des médecins libéraux.

De nombreux amendements de suppression 

On retrouve d'abord de nombreux amendements de suppression. La gauche espère d'abord supprimer l'article 28 du PLFSS qui prévoit de limiter à 15 jours la durée de prescription des arrêts maladie en ville. "Si l'état de santé du patient nécessite qu'il soit arrêté pour plus de 15 jours, le médecin en est le meilleur juge", écrivent, dans l'exposé de leur amendement, des élus issus notamment de La France insoumise, pour qui "cette mesure [...] ne va mener qu'à la multiplication des consultations médicales".

Sur ce même article, des députés du groupe Ecologiste et social souhaitent faire retirer l'obligation pour le médecin de justifier sur la prescription les motifs le conduisant à prescrire un arrêt supérieur à 30 jours "quand il existe une recommandation de la HAS en ce sens". 

Les députés socialistes entendent par ailleurs enterrer l'article 18 qui élargit les franchises et les participations forfaitaires aux consultations auprès d'un chirurgien-dentiste et aux dispositifs médicaux, et qui ouvre la possibilité de régler ces dernières directement auprès du médecin. Frédéric Valletoux défend spécifiquement cette dernière mention. Cela "introduirait une complexité administrative supplémentaire pour les praticiens, qui deviendraient collecteurs de la franchise pour le compte de la Caisse, sans garantie d’efficacité ni de simplification réelle."

En outre, un amendement du groupe La France insoumise vient supprimer la pénalité financière prévue par l'article 31 pour les médecins n'ayant pas consulté le DMP en amont de la prescription d'un acte considéré comme coûteux par l'Assurance maladie. 

La députée de la Droite républicaine, Justine Gruet, espère par ailleurs supprimer l'article 24 – très controversé - qui habilite le directeur de l'Union nationale des caisses d'Assurance maladie (Uncam) à procéder à des baisses de tarifs, "lorsqu'est documentée une rentabilité manifestement excessive au sein d'un secteur financé par des rémunérations négociées dans le champ conventionnel", et ce, à défaut de conclusion d'un avenant. Il s'agit, selon l'élue, de "l'une des attaques les plus graves jamais portées contre la médecine libérale". 

Deux autres amendements insoumis visent directement les médecins en cumul emploi retraite. L'un d'eux entend supprimer l'inclusion des médecins libéraux en cumul emploi-retraite dans le régime simplifié des professions médicales, "qui revient à développer des exonérations de cotisations sociales". En complètement, ces députés appellent à revenir sur l'exonération de cotisations vieillesse pour ces praticiens en cumul, "car cette mesure ne permet nullement de répondre à la crise de la démographie médicale". 

Enfin, la députée de droite, Justine Gruet, est l'auteure d'un amendement visant à supprimer l'article 26 du PLFSS 2026, qui prévoit d'instaurer une sur-cotisation sur les dépassements d'honoraires et activités non conventionnées. "Penser qu'une surtaxation des compléments d'honoraires inciterait les médecins à rejoindre le secteur I relève de l'illusion, particulièrement dans le contexte actuel de défiance et de désengagement", estime l'élue, kiné de profession. La France insoumise propose, elle, d'augmenter cette surcotisation des dépassements, "pour la porter à 13%". 

Le secteur 2 acculé ? 

De nombreux amendements appellent à encadrer ces dépassements d'honoraires. Le groupe transpartisan contre les déserts médicaux du député Garot propose ainsi de mettre en place "l'extinction progressive" du secteur 2 hors Optam. Plusieurs amendements proposent également de rendre obligatoire l'adhésion à l'Optam "pour toute nouvelle inscription en secteur 2". La France insoumise suggère tout simplement de "supprimer" les dépassements d'honoraires, dont la dynamique "menace l'accès aux soins et renforce les inégalités". 

Un autre amendement propose, quant à lui, de conditionner l'autorisation de pratiquer des dépassements d’honoraires à des "engagements" comme "la participation à une démarche qualité, la réalisation de consultations avancées, la participation à la permanence des soins et la contribution à la formation médicale".

Rétablissement de la PDSA obligatoire 

Un amendement du groupe Ecologiste et social appelle également à rétablir l'obligation de permanence des soins "afin de garantir une meilleure répartition entre professionnels de santé et un accès aux soins permanent sur l'ensemble des territoires". Les médecins exerçant dans les "centres de santé spécialisés en soins non programmés" doivent par ailleurs prendre part à la PDSA, estime La France insoumise dans un autre amendement. 

De leur côté, les socialistes et apparentés réaffirment leur vœu de réguler l'installation des médecins. Ils appellent par ailleurs à "limiter" la rémunération complémentaire versée aux jeunes médecins s'installant en déserts médicaux dans le cadre du contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, que le Gouvernement souhaite mettre en place, à 10% de la rémunération totale du médecin. A propos de ce contrat, des députés appellent à l'ouvrir à "tous les médecins généralistes conventionnés", "sans condition liée à l’installation initiale (absence d’installation ou installation de moins d’un an)".

Limiter les remplacements

Afin de "favoriser l’installation durable des médecins sur le territoire", La France insoumise plaide pour une limitation à quatre ans de la durée des remplacements en libéral. 

Stop aux certificats "inutiles" 

Les députés sont, par ailleurs, nombreux à avancer leurs propositions pour libérer du temps médical. S'appuyant sur les résultats de la mission flash de Pierre Albertini et du Dr Jacques Franzoni – qui avait conduit à la mise en place de 15 mesures visant à réduire la charge administrative des médecins -, la France insoumise propose ainsi "de limiter les certificats médicaux pouvant être demandés à des médecins, tout en prévoyant des sanctions pour les personnes morales qui inciteraient des patients à se procurer des certificats non autorisés".

Le groupe propose, par exemple, d'interdire aux crèches de demander un certificat de non contre-indication à la vie en collectivité, mais aussi de restreindre les certificats médicaux qu'il est possible d'exiger "en vue d'une pratique sportive légère". Dans le viseur de La France insoumise également : les assureurs "qui incitent les professionnels à violer le secret médical". "Le produit des pénalités servirait au financement de l'Assurance maladie", avance la France insoumise.

Faciliter la formation

Plusieurs amendements concernent la formation des futurs médecins. La France insoumise propose de "garantir un accès égal sur le territoire national aux études de médecine", via des "unités de formation dispensant un diplôme de formation générale en sciences médicales dans chaque département".

Les écologistes veulent, en outre, permettre aux étudiants en médecine d’avoir "la possibilité de réaliser des stages dans des centres de santé à but non lucratif sur tout le territoire". Sur le volet études de médecine, un autre amendement propose de revaloriser de 50 % les gardes effectuées par les externes en médecine. 

Concernant la quatrième année d'internat de médecine générale, un amendement entend "mettre fin à la possibilité" d’effectuer un stage en milieu hospitalier ou extrahospitalier. 

Limitation de la délivrance d'arrêts en téléconsultation

Constatant la persistance de "pratiques frauduleuses en matière de délivrance d'arrêts de travail en ligne", plusieurs députés, dont Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République), suggèrent d'interdire la délivrance ou le renouvellement d'un arrêt en téléconsultation, "sauf s'il s'agit du médecin traitant du patient" ou s'il est possible de justifier "de l'impossibilité de consulter un médecin". 

Sur les arrêts, la France insoumise propose, elle, d'ouvrir la possibilité pour chacun d'auto-déclarer un arrêt maladie ou un congé de courte durée. Ce qui vaudra également pour les congés d'absence pour enfant malade.

Des députés veulent, en outre, permettre aux médecins de prescrire la poursuite ou la reprise d'une activité en télétravail en alternative à un arrêt de travail total, "lorsque l’état de santé du patient le permet et que son poste est compatible avec cette modalité". Une mesure poussée par la Mutualité française.

Enfin, un amendement vise à renforcer l’action du service du contrôle médical de l’Assurance maladie "dans le suivi des arrêts de travail longs ou récurrents".

Vers une disparition des CPTS ?

Alors que la commission a livré la semaine dernière son rapport sur le déploiement et les modalités de financement des CPTS, un amendement d'Éric Michoux et Olivier Fayssat (Union des droites pour la République) suggère ni plus ni moins de supprimer ces communautés professionnelles territoriales de santé.  

S'agissant des CPTS, un amendement prévoit d'y intégrer les centres de soins non programmés.

… et du médecin traitant ? 

Des parlementaires proposent également une expérimentation visant à "élargir la notion du 'médecin traitant' à celle d''équipe de soins traitante'", qui serait composée "a minima" d'un médecin, d'une infirmière, d'un pharmacien, et d'un assistant médical. Objectif : "Améliorer l'accès aux soins dans les territoires sous-dotés et favoriser une prise en charge plus coordonnée et adaptée aux besoins des patients."

Une rémunération plancher pour les Padhue

Plusieurs amendements s'adressent directement aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). L'un d'eux vise à apporter "une solution transitoire à la précarité administrative et statutaire" de ces médecins "en leur ouvrant un statut contractuel, sur décision des ARS". Aussi, le groupe transparitisan contre les déserts médicaux propose de permettre au directeur général d'une ARS d'autoriser, par arrêté, un Padhue à exercer dans une zone où l'offre de soin est insuffisante.

La France insoumise souhaite également que soit instaurée une "rémunération plancher" pour les Padhue, qui ne pourra "être inférieure à 80% de celle d'un titulaire d'un titre de formation délivré par un État membre de l'Union européenne et exerçant des missions équivalentes".

De nouvelles compétences pour d'autres professions de santé

Plusieurs amendements visent à accélérer les délégations de tâches. Ainsi, il est par exemple proposé de permettre aux patients de consulter un orthophoniste sans prescription médicale préalable. Mais aussi de permettre aux kinésithérapeutes de prescrire l'activité physique adaptée (APA) "aux patients éligibles, notamment atteints d'une affection de longue durée". Ou encore, aux orthophonistes de prescrire des substituts nicotiniques.

Les Insoumis suggèrent également d'expérimenter la prescription par les infirmières des bons de transport. Aussi, ils souhaitent mettre en œuvre l'accès direct aux infirmières, "disposition votée, promulguée, mais bloquée par l'ingérence de l'Ordre des médecins".  

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Claire FAUCHERY

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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Nous sommes maintenant en logocratie. Le parler dans toutes les directions (combien d'amendements dans le PFLSS ?) remplace l'agir réfléchi et concerté en particulier avec les médecins et les patients... Quand un secteur d'activité va mal , le "pouvoir" charge les acteurs de cette activité avec des mesures discutables en les rendant subtilement responsables de tous les dysfonctionnements . Et si il n'y avait que le secteur de la santé qui dysfonctionnait en ce moment !!! La mère de toutes ces batailles me semble être notre dette publique abyssale dont les dépenses de santé et les retraites constituent une grosse partie, ajoutons le vieillissement actuel de la population et la baisse de la démographie , c'est préoccupant et quelles solutions ?
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901 points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Deuxième salve du choc de compétitivité sanitaire et social, PFLSS 1/3 2027 -obligation de fournir de midi à 14 heures et de 18h30 à 21 heures un repas équilibré à tous les patients vus sans rendez-vous -IA à tous les étages, obligation de demander sept fois confirmation à une IA avant de dire quoi que ce soit au patient. Nous irons ainsi vers des médecins plus augmentés, ce qui va dans le sens de leurs revendications. -création de la consultation hors forfait à taux variable, intégration aux logiciels métiers de la fonction Rand IA du nouveau site Ameli, pour déterminer le tarif de la consultation. La fourchette est déterminée chaque semestre selon l'évolution inverse des tarifs de la construction, afin de tirer ces derniers vers le bas (comment ça aucune logique ? les Français doivent pouvoir se loger pour moins cher !). -obligation dès la première année de médecine de travailler 20 heures à l'hôpital par semaine pour rembourser le dixième de ce que l'Etat a payé pour les études (on ne fait qu'avancer un peu) -non prise en charge (ou remboursement par les prescripteurs selon l'accointance politique) des examens paracliniques s'avérant normaux -suivant l'avis rendu par Doctissimo qui corrèle le régime méditerranéen à une diminution de toutes les maladies, création d'un dahu technologique pour mettre en relation les Burger King et KFC de Toulouse et Marseille et Deliveroo afin d'apporter la culture culinaire adéquate aux populations du Nord -tout écran de chaque Français en surpoids doit être figé sur une photographie de Benjamin Castaldi, et tous les quarts d'heure une alarme doit retentir "sept petits déjeuners sept déjeuners sept dîners gratuits", sans possibilité de mode silencieux -interdiction des chaises en salle d'attente pour lutte contre la sédentarité -obligation à tous les professionnels de santé de remplacer leur fauteuil de bureau par un vélo d'appartement, pour leur bien -suivant l'étude en double aveugle de Doctissimo qui corrèle le fait d'être moins malade au fait d'être en meilleure santé, création d'un compte maladie par Français avec système de bonus malus selon le mode de vie, le stress, l'activité physique, les antécédents familiaux etc... -en optimisant et étendant le modèle de la maladie de longue durée pour les fonctionnaires, limitation en durée des arrêts maladie pour un type de pathologie spécifique et/ou un organe spécifique sur toute la carrière. Cela responsabilisera les petits malins qui pensent fainéanter avec leur troisième cancer. -mesure transpartisane : apprentissage d'autodiagnostic de tous les Français dès le primaire (pour ne pas laisser le pouvoir à ces nantis bourgeois de médecins), avec intégration des résultats dans Parcoursup (les meilleurs sont les plus économes pour l'Etat), et campagne publicitaire sur le thème "Oh ça va arrête de t'écouter un peu"
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10,7 k points
Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 1 mois
Nous voici donc à la discussion des budgets: le concours Lépine est ouvert. Ce qu’on n’arrive pas à faire dans la politique générale, on va essayer de le bricoler dans la Santé. Un exemple: si on s’attaque à une profession minoritaire en difficulté, c’est plus simple que de viser les dirigeants d’entreprise. Les cotisations sociales des médecins retraités, celles sur les dépassements d’honoraires, géniales non? Micro créneau alors que dans le même temps, « On » dispense de cotisations sociales l’ensemble des heures supplémentaires dans la population générale. Bilan: surement quelques centaines de milliers d’€ contre quelques centaines de millions € et la création d’emplois qui engrangeraient des cotisations supplémentaires. Tout à déjà été dit dans les commentaires avec bonne ou mauvaise foi. Tout sera imaginé dans les amendements de nos créatifs députés et contredit au sénat, juste pour faire durer le plaisir des parlementaires, gagner (perdre) du temps dans le débat pour atteindre les limites de temps imparties et forcer une décision « antidémocratique » qu’on pourra dénoncer et combattre jusqu’à la dissolution et le recommencement de ce « jour sans fin ». Traiter des symptômes n’a jamais guéri une maladie de façon durable. J’hésite toujours entre la saignée et les ventouses.
 
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