"Effondrement des vocations", "déplaquages"… Avec le budget de la Sécu, les syndicats de médecins prédisent le pire
Alors que le budget de la Sécurité sociale pour 2026 a été présenté mardi en Conseil des ministres, plusieurs syndicats de médecins libéraux appellent le nouveau Gouvernement à revoir sa copie. En l'état, le PLFSS ne ferait qu'aggraver la situation, déjà fragile, de la médecine de ville.
C'est un "message de défiance et de découragement" qu'envoie le PLFSS 2026 aux médecins libéraux, s'insurge la CSMF dans un communiqué de presse. Présenté en Conseil des ministres ce mardi, le texte vise à ramener le déficit de la Sécurité sociale à 17,5 milliards d'euros l'an prochain, contre 23 milliards en 2025. Pour ce faire, l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie sera limité à 1,6 % en 2026, soit un peu plus de 270 milliards d'euros. L'enveloppe dédiée aux soins de ville a été fixée à 114,9 milliards d'euros pour l'an prochain, soit une progression de 0,88 % par rapport à l'Ondam 2025 rectifié. Du côté des établissements de santé, le sous-Ondam affiche, lui, une progression de 2,1 %.
"Alors que les Français font face à des difficultés d’accès aux soins sans précédent, le Gouvernement choisit d'imposer un sous-Ondam de ville historiquement bas", déplore la Conf'. "Ce choix politique traduit un désengagement clair vis-à-vis de la médecine de proximité et risque d'accélérer la désertification médicale." Pour le syndicat, ce niveau de sous-Ondam "remet en cause la convention médicale et empêche la mise en œuvre des revalorisations prévues". Rappelons que l'avis du comité d'alerte rendu fin juin avait entraîné la suspension des revalorisations tarifaires conventionnelles prévues au 1er juillet, et qui devaient notamment bénéficier aux spécialistes.
Même son de cloche du côté de l'UFML, pour qui le PLFSS 2026 "organise la disparition" de la médecine de ville, qui prend pourtant en charge "95 % des patients". "Choix est fait de l'appauvrir et de lui retirer les moyens de soigner chaque Français avec le niveau d’exigence que chacun d'eux est en droit d'attendre", dénonce le syndicat du Dr Marty. "Alors que les besoins augmentent", ce budget prévoit un "Ondam inférieur de moitié à l'inflation prévue", écrit MG France dans un communiqué. Le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir) déplore "une approche comptable qui se focalise uniquement sur les dépenses, sans s'intéresser aux besoins ni aux recettes".
Des mesures "antilibérales"
MG France condamne "l'invraisemblable bric-à-brac" des mesures contenues dans le PLFSS, "qui vont pénaliser les patients les plus fragiles et l'exercice de leur médecin traitant". Notamment : "la perception [des] franchises au cabinet en cas de tiers-payant", "ce qui constitue une incitation forte du professionnel à abandonner cette pratique et l'oblige à pratiquer une double comptabilité", ou encore l'obligation de remplissage du DMP. Dossier qui "ne peut être pleinement alimenté et utilisé qu'à condition d’être structuré, interopérable et fonctionnel", rappelle la CSMF, qui juge "inacceptable" d'"imposer des obligations ou des sanctions aux médecins sans leur donner les moyens techniques adaptés".
D'autres mesures qui doivent être mises en œuvre mais ne figurent pas directement dans le PLFSS inquiètent MG France et Reagjir. Notamment le doublement des franchises et participations forfaitaires ou encore l'imposition de la mise sous objectif (MSO) pour les médecins ciblés pour leurs prescriptions d'arrêts maladie. Une mesure intégrée dans le projet de loi contre la fraude. "Inclure cette mesure dans un projet de loi sur la fraude est à l'évidence une approximation inacceptable qui sème le doute sur l'ensemble des prescriptions des médecins", signale le syndicat de généralistes.
La CSMF refuse, en outre, "la stigmatisation de certaines spécialités sous couvert de 'lutte contre les rentes'". "A défaut de conclusion d'un avenant conventionnel", le PLFSS 2026 habilite notamment le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) à procéder à des baisses de tarifs, "lorsqu'est documentée une rentabilité manifestement excessive au sein d'un secteur financé par des rémunérations négociées dans le champ conventionnel". Certains secteurs sont directement ciblés : imagerie, radiothérapie… Cet article "pourrait instituer dans la loi de financement le fait que les radiologues français sont des profiteurs de souffrance", dénonce l'UFML qui parle de "mesures antilibérales".
Le syndicat pointe également l'article 26 du PLFSS qui prévoit une sur-cotisation sur les dépassements d'honoraires et activités non conventionnées. "C'est une attaque en règle contre le secteur 2", a réagi le président d'Avenir Spé, le Dr Patrick Gasser, auprès de l'AFP. "Cela renforce, par la loi, l'enfermement des médecins dans un système maintenu dans l'incapacité de les honorer à la hauteur de leurs rôles et de leurs responsabilités", condamne l'UFML. Cette mesure ne tient par ailleurs "aucunement compte de l’impact du secteur 2 comme booster aux installations et à la qualité des soins", estime l'organisation.
Évoquant le "désastre" à venir, le syndicat du Dr Marty prédit "la multiplication des déplaquages" et "l'effondrement des vocations".
Tous appellent le nouveau Gouvernement à revoir la copie. La CSMF appelle à "arrêter les contraintes, investir dans la confiance et soutenir ceux qui s'engagent chaque jour au service des patients". Devant le "risque grave de déstabilisation sanitaire", l'UFML réclame de son côté une "réévaluation de l'Ondam" – l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS) demande +3,8 % – et à la "réécriture des articles qui agressent et pénalisent [la] médecine de ville". L'enjeu est de taille, insiste Reagjir : il s'agit de "redonner du souffle à tout un système au bord de l'implosion.
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