Pilotage de la dépense, évaluation de l'action conduite... Ce que propose le rapport sur le financement des CPTS
La commission des Affaires sociales a livré, le 17 octobre en fin d'après-midi, son rapport sur le déploiement et les modalités de financement des CPTS. Pour les deux rapporteurs, si ces organisations territoriales "[laissent] aux acteurs locaux de santé le soin de définir les priorités en matière d’actions de santé dans les territoires", il est nécessaire de mieux encadrer le pilotage financier.
Article initialement publié sur concourspluripro
Dans un document long de plus de 80 pages et publié le 17 octobre en fin d'après-midi, Corinne Imbert et Bernard Jomier, les deux rapporteurs de la mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale sur les CPTS, ont retracé et analysé le déploiement de ces organisations territoriales sur le territoire national. Ils ont également présenté 12 pistes d'amélioration, notamment en ce qui concerne le financement et l'utilisation des enveloppes d'argent public.
Car si les CPTS bénéficient, depuis 2019, "d’un soutien opérationnel et financier important des pouvoirs publics", leur "apport effectif" "n’a jamais été réellement mesuré au niveau national", déplorent les rapporteurs. Alors même que ces organisations territoriales ont connu une "forte" progression ces dernières années : "plus de 800 CPTS validées ou en cours de validation" en mai 2025, soit "700 signataires de l’ACI, 24 CPTS non signataires mais dont le projet de santé avait été validé par l’ARS et 85 disposant d’une lettre d’intention signée par l’ARS".

Mettant en lumière des "résultats concrets mais inégaux sur le territoire", la mission insiste sur la réussite en termes "d'action pour l'accès aux soins" des CPTS (organisation des parcours, prévention, mise en œuvre d'article 51 comme "Icope"…) ainsi que sur la possibilité pour les pouvoirs publics de "disposer localement d’interlocuteurs susceptibles de faciliter la mise en œuvre des politiques de santé". Mais cette contribution "apparaît inégale". En effet, plusieurs acteurs auditionnés ont évoqué "le risque d’un déploiement 'à marche forcée', pour répondre à l’objectif gouvernemental d’une couverture intégrale du territoire national, et de l’apparition de 'coquilles vides'". De plus, quelque 5,4 millions de personnes demeurent encore en "zone blanche" (non couverte), réparties inégalement sur le territoire : 78,93 % des habitants de la Corse et 26,58 % en la Normandie, contre 1,68 % seulement en Centre Val-de-Loire.
En 2023, les CPTS ont perçu une enveloppe de 121 millions d'euros aux 508 signataires de l'ACI, soit une moyenne de 240.000 euros par CPTS. Ce qui représente 15 millions que de plus que l'année précédente (105,8 millions d'euros distribués aux 384 CPTS signataires). De plus, le montant maximal prévu pour les 700 CPTS signataires de l’ACI au 31 mai 2025 s’élève à 254 millions d’euros, si tous les indicateurs étaient atteints. Pour autant, "malgré ces sommes conséquentes", ni la Cnam, ni la DGOS n’ont pu fournir une analyse des montants versés par mission et action… Les rapporteurs s’étonnent donc que six ans après la signature de l’ACI, aucun outil de pilotage de la dépense ne soit disponible à l’échelle nationale. La Mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (Mecss) propose donc de mettre en place un outil de pilotage de la dépense et d’analyse des financements alloués aux CPTS sur l’ensemble du territoire national.
Car durant leurs entretiens, les deux sénateurs "ont pu constater les limites de certains indicateurs retenus. Trop souvent, le justificatif demandé apparaît faible : une simple mention dans le rapport d’activité d’une réunion suffit parfois à attester de sa tenue". Afin de mesurer réellement l’impact de leur action, les rapporteurs optent pour "privilégier la définition d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs de résultats adaptés aux spécificités du territoire et à la maturité des CPTS".
Une adhésion inégale et une défiance constante :
Le rapport a mis en évidence "une implication très inégale des professions exerçant en ambulatoire". Ainsi, 25 % des médecins généralistes ont été identifiés comme adhérant à une CPTS, contre 9,5 % des masseurs-kinésithérapeutes, 6 % des gynécologues et seulement 0,3 % des chirurgiens-dentistes libéraux. Avec plus de 18 000 adhésions recensées, les infirmiers constitueraient la profession la mieux représentée au sein des CPTS. La présence de certaines professions ne relevant pas, au sens du code de la santé publique, des professions de santé dans les CPTS et, parfois, dans leurs organes décisionnels, a également été relevée par plusieurs personnes auditionnées. Pour les rapporteurs, ces nombreux facteurs ajoutés à l'absence d'évaluation de l’action conduite, pourraient contribuer à alimenter "la défiance de certains professionnels et la place qui leur est accordée dans l’organisation des soins ou la représentation des professionnels est parfois contestée".
De plus, en marge des prochaines négociations conventionnelles à venir, les rapporteurs suggèrent "d'engager une réflexion visant à découpler les financements ARS et Assurance maladie en réservant les seconds aux CPTS ayant signé l’ACI". Les rapporteurs estiment qu’il est urgent de mettre en place des outils de cartographie fonctionnels, permettant de visualiser qui finance quoi sur un territoire donné, de clarifier les rôles pour éviter les concurrences de compétences et fluidifier l’action des acteurs de santé.
Un "dialogue de gestion"
S'ils insistent sur la nécessité de développer différents outils de contrôle, les rapporteurs évoquent également la mise en place d'un "dialogue de gestion" qui fonctionnerait comme un temps d’échange structuré et régulier, au minimum annuel à la date anniversaire de signature du contrat, qui se fonde sur l’ACI. Il permettrait de "fixer au niveau national les modalités de récupération des pièces justificatives" mais aussi, "d’évaluer les résultats de la CPTS et ainsi déterminer le montant de la part variable". Il serait aussi le moyen "d’identifier les difficultés ou les freins rencontrés et d’adapter les objectifs ou les moyens en conséquence", tout en permettant une "analyse tripartite (CPTS, ARS et CPAM) des besoins de santé du territoire et la réévaluation des priorités en fonction de celle-ci".
Les rapporteurs soulignent l'intérêt de la mise en place "d’un projet de formation commune de coordonnateurs de CPTS et de référents locaux ARS - Assurance maladie, entre la Cnam et la FCPTS afin de renforcer la diffusion d’une culture commune de l’évaluation et l’interconnaissance entre les acteurs".
L'aspect financier et plus exactement les dépenses engagées par les CPTS ont donc interpellé les rapporteurs de la mission, notamment la répartition des enveloppes pour certaines missions et les dépenses réellement engagées pour y parvenir. "Il existe une réelle dichotomie entre enveloppes théoriques et dépenses réellement engagées. Ainsi, la mission 'gestion de crise sanitaire' semble largement surfinancée quand d’autres, comme la mission 'prévention', paraissent sous-estimées", pointent les rapporteurs qui recommandent de mettre en place "un cadre national autorisant la fongibilité des enveloppes entre chaque mission". Ce cadrage permettra ainsi de "renforcer le contrôle des dépenses effectuées et des rémunérations versées par les CPTS" mais aussi "d’assurer la prévisibilité des contrôles et sanctions".
Autre point, "l’existence de crédits de fonctionnement, alloués dès la naissance de la CPTS puis pendant toute la durée contrat", qui, toujours selon le rapport "conduit à s’interroger", car "il existe un risque que cette rémunération au titre du fonctionnement fasse double emploi avec la part fixe des financements par mission". Les sénateurs demandent de prévoir, en fonction de la maturité des CPTS, "une réduction progressive" de ces crédits de fonctionnement afin de "privilégier le financement par missions".
"Nous déplorons que les agences régionales de santé et les CPAM ne soient toujours pas en mesure, six ans après la montée en puissance, de nous communiquer des données consolidées sur le financement des CPTS par les collectivités. Nous espérons que la transmission des documents comptables nous permettra d’y voir plus clair, souligne notamment Corinne Imbert dans ses conclusions. Peut-être les acteurs des CPTS prendront-ils conscience de la nécessité de se recentrer sur l’essentiel et sur leur mission originelle ? Éviter la dispersion est la clé de la réussite de dispositifs financés et pertinents dans les territoires."
Un nouvel ACI pour un meilleur encadrement
Concernant les finances des CPTS, Bernard Jomier et Corinne Imbert ont formulé deux propositions. La première demande : la "conduite d'une étude nationale sur le montant des dépenses effectives des CPTS sur chacune des six missions conventionnelles", cela afin de "réviser, dans le cadre de la négociation du prochain ACI, le périmètre et la répartition des crédits entre ces missions". Deuxième proposition toujours dans le cadre de l'ACI, la tenue d'une discussion "entre les financeurs et les organisations représentatives pour augmenter la part variable du financement des CPTS basée sur l’atteinte d’objectifs".
"L’ACI laisse une très grande liberté aux CPTS dans l’utilisation des fonds qui leur sont octroyés et le risque de mésusage de ces fonds publics a fréquemment été évoqué". Les rapporteurs ont observé que le "niveau d’information dont disposent les régulateurs sur les dépenses engagées par les CPTS" demeurait "très variable". Pour illustrer, le rapport indique par exemple que la CPAM du Calvados (Normandie) avait rapporté que "l’une des CPTS de son territoire lui adresse son rapport d’activité 'amputé de la partie financière'". Autre exemple, celui de la CPAM du Loiret (Centre Val-de-Loire), qui de son côté, estime n’avoir, en l’absence de disposition en ce sens dans l’ACI, "aucune légitimité à questionner la CPTS sur l’utilisation des deniers publics", alors qu'à contrario, la CPAM de la Moselle indique, "demander et obtenir systématiquement, dans le cadre du dialogue de gestion, le bilan comptable et le compte de résultat de la CPTS".
Le rapport demande donc "d'imposer la transmission à l’ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables nécessaires au contrôle de l’utilisation des fonds publics accordés aux CPTS". Il est également préconisé de mettre en place, mais cette fois-ci dans le cadre du nouvel ACI, "un contrôle systématique des sources de financement des CPTS à l’aide des documents budgétaires et comptables transmis".
Le risque de financiarisation
Des financements secondaires, comme des fonds versés par des laboratoires pharmaceutiques en contrepartie de formation, ont été observés et "induisent des risques spécifiques", précise le rapport. A ce stade, la Cnam confirme seulement s’interroger sur "le risque de financiarisation associé" alors que le ministère relève ainsi qu’"aucune disposition réglementaire n’interdit aux CPTS de diversifier leurs sources de financement". Bernard Jomier et Corinne Imbert proposent d'"engager une réflexion sur l’opportunité d’encadrer le financement des CPTS par des entreprises et, singulièrement, par des laboratoires pharmaceutiques".
L'essentiel des propositions en un clin d'œil :
1. Dans la perspective de la négociation d’un nouvel ACI, engager une réflexion visant à découpler les financements ARS et Assurance maladie en réservant les seconds aux CPTS ayant signé l’ACI ;
2. Mettre en place un outil de pilotage de la dépense et d’analyse des financements alloués aux CPTS sur l’ensemble du territoire national ;
3. Autoriser et encadrer la fongibilité des enveloppes entre missions ;
4. Prévoir, en fonction de la maturité des CPTS, une réduction progressive des crédits de fonctionnement afin de privilégier le financement par missions ;
5. Conduire une étude nationale sur le montant des dépenses effectives des CPTS sur chacune des six missions conventionnelles pour pouvoir réviser, dans le cadre de la négociation du prochain ACI, le périmètre et la répartition des crédits entre ces missions ;
6. Prévoir, dans le cadre du prochain ACI, d’augmenter progressivement la part variable dans le financement par mission des CPTS ;
7. Fixer au niveau national les modalités de récupération des pièces justificatives et un cadre commun d’analyse de l’action des CPTS lors du dialogue de gestion ;
8. Proposition n° 8 Privilégier la définition d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs de résultats adaptés aux spécificités du territoire et à la maturité des CPTS, permettant de mesurer réellement l’impact de leur action ;
9. Imposer la transmission à l’ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables nécessaires au contrôle de l’utilisation des fonds publics accordés aux CPTS ;
10. Renforcer le cadrage national des dépenses effectuées et des rémunérations versées par les CPTS, afin d’assurer la prévisibilité des contrôles et sanctions ;
11. Mettre en place, dans le cadre du nouvel ACI, un contrôle systématique des sources de financement des CPTS à l’aide des documents budgétaires et comptables transmis ;
12. Engager une réflexion sur l’opportunité d’encadrer le financement des CPTS par des entreprises et, singulièrement, par des laboratoires pharmaceutiques.
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