Tirelire cochon

Fraude aux arrêts maladie, contrôle des prescriptions… Les recos de la Cour des comptes face au déficit de la Sécu

Comme chaque année, la Cour des comptes publie son rapport sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale. En 2023, le déficit de la Sécurité sociale atteint 10,8 milliards d'euros, près de 4 milliards de plus que la prévision initiale. Et c'est la branche maladie qui porte, à elle seule, la responsabilité de la totalité de ce déficit. La Cour appelle donc à "des réformes urgentes". Elle pointe notamment la nécessité d'encadrer l'explosion des arrêts de travail ou encore d'avoir une meilleure gestion de l'Ondam. 

31/05/2024 Par Sandy Bonin
Assurance maladie / Mutuelles
Tirelire cochon

"Les perspectives pour l'avenir sont inquiétantes" ; "Un net ralentissement des dépenses de l'Assurance maladie est nécessaire" ; "Il est urgent de mettre en œuvre des réformes"... Le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, n'a pas mâché ses mots devant le déficit de Sécurité sociale. Il s'exprimait mercredi 29 mai lors d'une conférence de presse de présentation de son rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale.

En effet, en 2023, le déficit de la Sécurité sociale a atteint 10,8 milliards d'euros, soit près de 4 milliards de plus que la prévision. Si le déficit de la Sécurité sociale devrait rester stable à 10,5 milliards d'euros en 2024, il suppose une décélération importante des dépenses d’assurance maladie. Objectif : réaliser au moins 3,5 milliards d'euros d’économies, un montant nettement plus élevé que les années précédentes.

 

Lutte contre la fraude aux arrêts de travail 

Parmi les pistes de réformes proposées, la Cour des comptes pointe une meilleure maîtrise des arrêts de travail. "Le coût de l’indemnisation des arrêts de travail pour maladie a augmenté de plus de 50% entre 2017 et 2022 pour atteindre 12 milliards d'euros dans le régime général. Pour réduire la vive progression de cette dépense, il est nécessaire d’aller plus loin dans la lutte contre la fraude aux arrêts de travail et dans le contrôle des prescriptions de médecins", recommandent les Sages de la rue Cambon.

 

Des sanctions plutôt que l'incitation

Si la Cour relève le travail de l'Assurance maladie sur ces points précis, elle déplore qu'encore trop de praticiens aient recours à des arrêts de travail papier (un tiers des actes en 2023). "La généralisation des télétransmissions donnerait un coup d’arrêt aux fraudes mais la Cnam préfère privilégier l’incitation. La Cour recommande d’y ajouter un régime de sanctions si la télétransmission ne progresse pas au rythme attendu", précise le rapport.

Concernant les conditions de prescription, la Cour des comptes estime que les pratiques des médecins peuvent être comparées aux référentiels de prescription de la Haute Autorité de santé "afin de détecter précocement les cas de sur-prescription et d’engager un dialogue sur leurs causes. L’objectif serait, pour le service médical de l’Assurance maladie, de graduer les actions avant de déclencher les procédures lourdes de mise sous objectif ou de mise sous accord préalable".

Ces deux leviers ne sont toutefois pas suffisants pour les Sages de la rue Cambon. L’indemnisation des arrêts de travail pour maladie repose sur des règles anciennes et complexes, relève la Cour qui préconise de simplifier la réglementation pour permettre de prendre en compte la diversification des situations d’emploi, notamment pour le calcul des indemnités dues aux personnes en situation d’intermittence, qui cumulent plusieurs activités, ou sont au chômage. Cela rapporterait 400 millions d'euros par an, calcule-t-elle.

Si l'indemnisation est aujourd'hui partagée à parts égales entre la Sécurité sociale (12 milliards d'euros en 2022) et les entreprises (11,6 milliards d'euros), le rapport propose de "modifier les paramètres de l’indemnisation des arrêts de travail, notamment en vue de mieux en répartir la charge entre la Sécurité sociale, les entreprises et les assurés, à l’issue d’une concertation avec les partenaires sociaux".

La piste d'arrêt de l’indemnisation des arrêts de travail de moins de huit jours est évoquée. Elle reviendrait, dans la plupart des cas, à une prise en charge des arrêts de travail, avec maintien du salaire, par les entreprises jusqu’à sept jours, au lieu de trois actuellement. Les affections de longue durée (ALD) ne seraient pas concernées.

 

"Engagement total de l’Assurance maladie"

Une réduction de la durée maximale d’indemnisation de trois à deux ans associée à une meilleure prise en charge des pathologies chroniques serait également source d'économies, selon le rapport. "L’économie attendue pour l'Assurance maladie irait de 500 millions d'euros à 1 milliard d'euros par an selon la ou les mesures retenues", précise le texte.

Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam), a répondu à la Cour des comptes dans un courrier adressé le 10 avril dernier. "Je souhaite insister, en réaffirmant l’engagement total de l’Assurance maladie en matière de juste prescription des arrêts de travail. Ainsi que le note la Cour, l’Assurance maladie s’est engagée dans un renforcement des actions de lutte contre la fraude et de gestion du risque destinées à maitriser la dépense d’IJ", s'est-il justifié. "L’Assurance maladie a notamment déployé depuis 2022 une stratégie pluriannuelle de régulation des arrêts de travail, articulée sur une dynamique d'actions graduées vers les prescripteurs, assurés et employeurs", a-t-il poursuivi. Ainsi "416 médecins ont fait l’objet d’une MSO et 204 médecins ont in fine été mis sous accord préalable, le chiffre le plus élevé jamais atteint dans les deux cas".

"Je rejoins la Cour pour considérer que le développement de la télétransmission des arrêts de travail est une priorité. Toute mise en œuvre de l’obligation de télétransmission telle que recommandée par la Cour devra répondre à un calendrier tenant compte de ces contraintes et de l’acculturation des professionnels de santé : c’est bien en ce sens que l’Uncam cherche à inciter au maximum le recours à la télétransmission dans le cadre des négociations conventionnelles en cours", a écrit le patron de la Cnam.

Baisse de l'Ondam à 3% par an

Si la maîtrise des dépenses liées aux arrêts de travail a fait beaucoup de bruit, d'autres pistes d'économies ont été recensées par la Cour des comptes. Notamment une meilleure maîtrise de l'Ondam. Car la branche maladie porte, à elle seule, la totalité du déficit, rappelle la Cour. Les dépenses relevant de l'Ondam ont augmenté de 5,4% par an entre 2019 et 2023. La progression était de 2,4% par an sur la période 2015-2019.

Contribution des soins de ville à l’effort
Le déficit devrait être ramené de 11,1 milliards d'euros en 2023 à 9 milliards d'euros par an de 2025 à 2027. Une telle évolution supposerait le maintien d’un rythme de dépenses d’Ondam qui ne dépasserait donc pas 3% par an. Pour y parvenir, la Cour propose de définir un programme pluriannuel de régulation des dépenses, partagé avec les parties prenantes, comprenant un renforcement des outils et instances de pilotage, un changement d’échelle dans la lutte contre les fraudes et des mesures structurelles d’adaptation de l’offre de soins aux besoins de la population. Elle plaide aussi pour renforcer la contribution des soins de ville à l’effort de régulation des dépenses d’assurance maladie.  

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Claire FAUCHERY

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1 débatteur en ligne1 en ligne
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 2 ans
"Une réduction de la durée maximale d’indemnisation de trois à deux ans associée à une meilleure prise en charge des pathologies chroniques serait également source d'économies, selon le rapport." Tant qu'il y est, le Mosco prévoirait même de raccourcir à 18 mois puis 12 . . . charge au médecin de soigner toujours mieux pour guérir plus vite ? Mais l'imbécile ne s'aperçoit même pas que quand il parle de chronicité, il parle de pathologies imparfaitement curables dont une partie du traitement consiste justement dans . . . LE REPOS ! Ces grands-prêtres hors-sol ne savent (ou ne veulent) même pas préciser le nombre des fonctionnaires de notre pays ni la masse des dépenses publiques qu'ils génèrent et ils prétendraient nous apprendre notre métier après s'être autorisés à l'évaluer ?
Photo de profil de PETIT BOBO
2,6 k points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 2 ans
"je vous parle d'un temps...." les vieux (nombreux) sur Egora s'y reconnaitront ... Au débuts de mon exercice de généraliste, il y a 50 ans (!), les motifs d'arrêts de travail relevaient toujours de pathologies ou plutôt plaintes organiques (infections, inf. saisonnières, accidents, blessures, maux de ventre (la crise de foie !)...) et à un moindre degré "psy" souvent réactionnelles (séparation, angoisses, la célèbre "tétanie" des années 70 ! etc) Au cours des années, et en particulier depuis 20 ans, les arrêts pour conditions de travail (alléguées?/présumées?) , se sont multipliés. Dans l'esprit de la population, il est acquis que le travail est désormais une source de souffrances. Gare à celui qui le nierait ! D'ailleurs on ne dit plus Bonne journée ! à un travailleur, on lui dit Bon courage ! comme s'il fallait des encouragements émus et vibrants pour tenir au boulot. Bon courage à un travailleur de force , ou sous la canicule je veux bien, mais un boulot quotidien ordinaire n'est-ce pas déplacé ? Les cas de souffrances dramatiques au travail existent bien , les médecins du travail y sont très sensibles. Ils sont devenus très vigilants. Ils questionnent systématiquement sur le sujet ...et cochent la case prévue pour. Prudence. Pour les généralistes, prescripteurs potentiels, il est très difficile de s'y repérer, il faut vraiment bien connaître les patients. On veut être convaincu que l'arrêt est nécessaire, On veut croire le patient, on peut même avoir peur pour lui... mais on n'aime pas prescrire pour rien, on ne veut pas être manipulé. D'un autre côté on aimerait que son patient ne perde pas son boulot etc Les médecins conseils, contrôleurs de la sécu, ressentent la même chose, les mêmes interrogations. Sûrement les mêmes peurs, quelquefois les mêmes à priori... Ils n'ont pas de recette secrète pour distinguer l'arrêt pour souffrance, réelle, menaçante, ou bidon.. La Cour des Comptes refile la patate chaude au Service du contrôle médical de la sécu. Ya ka ? ou annonce publique forte de contrôles renforcés ?
Photo de profil de Christiane KOUJI
4,8 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 ans
On parle toujours des dépenses, jamais des recettes... or elles sont partie prenante dans la balance. Et puis on oublie pas un peu le covid dans la période d'observation 2019-2023 ???? On veut toujours réduire l'ondam au mépris de l'inflation qui fait flamber nos charges. Et dites nous combien pèse le déficit structurel des hôpitaux public dans les 11 milliards annoncés, puisqu'il est toujours comblé par la dette ..... Quand on assène des chiffres, il faut les donner TOUS. et pas seulement ceux qui arrangent.
 
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