"On nous traite comme ceux qui blanchissent de l'argent sale" : MG France part en guerre contre la "MSO obligatoire"
Alors qu'une nouvelle campagne ciblant près de "600 généralistes" jugés surprescripteurs d'arrêts maladie vient d'être lancée, le Gouvernement entend rendre obligatoire la mise sous objectif (MSO). Dénonçant une "atteinte directe à l'indépendance professionnelle", MG France prévient : "On fera tout pour s'y opposer."
"Ce décès nous touche beaucoup", a déclaré, émue, la présidente de MG France. En conclusion d'une conférence de presse organisée ce jeudi, la Dre Agnès Giannotti a tenu à "rendre hommage" à Olga Chevalier, généraliste de 62 ans décédée "brutalement" des suites d'un malaise cardiaque, samedi 11 octobre. Une disparition qui a suscité l'émoi et la colère de la profession, car elle est survenue 18 mois après le lancement d'une procédure de MSO à l'encontre d'Olga Chevalier. Cette procédure, la praticienne de Vénissieux l'a acceptée et l'a vécue seule, s'est émue la présidente de l'antenne régionale de MG France, la Dre Guylaine Ferré, dans une lettre ouverte adressée entre autres au directeur général de la Cnam. N'étant pas parvenue à réduire ses prescriptions d'arrêts maladie de 20% – l'objectif fixé dans le cadre de cette procédure – Olga Chevalier s'était vu infliger une lourde sanction financière, "ajoutant à la pression psychologique déjà soutenue une pression financière intenable".
Alors que près de 600 généralistes seraient aujourd'hui ciblés dans le cadre de la nouvelle campagne MSO-MSAP qui vient tout juste d'être lancée, Agnès Giannotti a appelé solennellement à y mettre fin, ce jeudi. "C'est inadmissible de continuer dans cette voie-là", a estimé la généraliste du quartier de la Goutte d'Or à Paris, rappelant qu'il s'agit de "la troisième campagne d'affilée".
Pour rappel, la précédente avait été lancée peu avant l'été par la Cnam et concernait 500 généralistes. "Ça commence à bien faire, c'est fatiguant", s'est agacé le secrétaire adjoint de MG France, le Dr Jean-Christophe Nogrette. "Ces campagnes sont très traumatisantes pour la profession", a ajouté Agnès Giannotti. Et de pointer le "caractère injuste et arbitraire du ciblage [statistique]". Les médecins que MG France a accompagnés avaient "des activités absolument standards", a assuré sa présidente, émettant des "doutes quant au filtre utilisé par l'Assurance maladie".
Peu avant l'été, à l'occasion de son congrès annuel, MG France avait lancé l'opération Transparence IJ pour faire la lumière sur ce ciblage. "Malgré nos demandes réitérées, nous n'avons toujours pas eu communication de la méthode utilisée et de l'algorithme de l'Assurance maladie", a déploré Agnès Giannotti, ce jeudi, face à la presse, promettant de "poursuivre ce travail de documentation". "Cette opacité de l'Assurance maladie nous pose problème parce que ça explique les erreurs de ciblage, et ça explique le traumatisme et l'injustice vécus par la profession." Pour la présidente de MG France, le fait que les campagnes MSO-MSAP s'enchaînent témoigne, par ailleurs, de "leur inefficacité".
"Nous n'avons aucun intérêt, nous généralistes, à prescrire des arrêts longs", a-t-elle poursuivi, précisant que "les patients seront les premiers touchés par cette campagne". "Hier, l'un d'entre nous a raconté l'histoire de l'un de ses anciens patients qui avait déménagé dans une autre région et est revenu le voir. Cet homme travaille dans le BTP, il a les épaules et les coudes en vrac. Son médecin traitant lui a dit : 'Je suis désolé, je vous ai arrêté pendant plus de deux ans, je ne peux plus, donc allez voir quelqu'un d'autre.' Notre collègue a donc pris en charge ce patient, a fait la demande d'invalidité, a essayé de faire le nécessaire, et l'a évidemment prolongé. Mais peut-être que le médecin qui lui a refusé était en MSO !"
"Face à cette pression, les médecins vont arrêter de prolonger les gens trop longtemps, et on va avoir des malades en errance", a mis en garde la présidente de MG France, appelant les médecins conseils de l'Assurance maladie à "prendre leur responsabilité pour les patients compliqués, dont on ne sait pas se dépêtrer". Or, dans les régions où le téléservice SOS IJ est testé, "les collègues se sont aperçus que l'Assurance maladie n'arrivait pas non plus à se dépêtrer des situations. Les médecins conseils sont coincés comme nous. Nous refusons la MSO car elle oblige à réduire les chiffres des arrêts sans tenir compte de l'état de santé du patient", a expliqué Agnès Giannotti.
La lutte syndicale, ça nous connaît, n'ayez pas peur
Alors que la mise sous accord préalable apparaissait comme "l'alternative pour que ce soit de la responsabilité de l'Assurance maladie d'endosser ces arrêts longs", le projet de loi de lutte contre les fraudes, adopté en Conseil des ministres mi-octobre et déposé au Sénat dans la foulée, vient contrecarrer la stratégie des syndicats, qui appellent unanimement à refuser les MSO. L'article 17 de ce projet de loi stipule en effet que le directeur de la CPAM peut "demander" à un médecin de s'engager à atteindre un objectif de réduction des prescriptions, et plus seulement "proposer" cette procédure. Comprendre : la MSO deviendra obligatoire.
"On voit s'intercaler entre les revenus criminels et le blanchiment d'argent, un texte qui propose de rendre la MSO obligatoire", s'est indignée Agnès Giannotti. "Cela assimile la pratique normale [de prescription d'arrêt] d'un médecin à de la fraude. On nous traite comme ceux qui blanchissent de l'argent sale." Jugeant ce projet "inadmissible", MG France se montre prêt à partir en guerre. "On fera tout pour nous y opposer", a martelé sa présidente. L'enjeu est de taille. Car une telle disposition engendrerait un "conflit éthique dans nos pratiques". "Si on doit demander de baisser de 20% nos arrêts pour des patients qui en ont besoin, qu'est-ce qu'on fait ?", a questionné la généraliste.
"C'est une atteinte directe à l'indépendance professionnelle, l'indépendance des prescriptions", a-t-elle poursuivi, remontée. Le syndicat a ainsi saisi, la semaine dernière, le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) "pour qu'il prenne position contre cette mesure". MG France envisage-t-il d'autres actions ? "On attend de voir les développements de ce texte au Parlement, je pense qu'il ne va pas rester en l'état. On l'espère bien sûr, a déclaré Jean-Christophe Nogrette. Le premier temps, c'est d'essayer de convaincre les sénateurs que c'est une grosse bêtise, et après on verra comment ils réagissent."
Le syndicat ne compte pas rester les bras croisés en cas de maintien de la mesure. "La lutte syndicale, ça nous connaît, n'ayez pas peur", a lancé le secrétaire adjoint à la presse, affirmant que la profession pourrait se mobiliser en masse contre cette mesure. "On va faire ce qu'il faut pour essayer d'empêcher que cette mesure persiste, on verra jusqu'où ça aboutit. Après on prendra les décisions qui s'imposent selon l'évolution", a complété Agnès Giannotti, doutant de la légalité d'une telle mesure. "Il y a des recours juridiques possibles. Comment voulez-vous réduire de façon technocratique un pourcentage d'arrêts maladie sans tenir compte des cas des patients ?"
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