Décès

"Elle n'allait pas bien" depuis sa MSO : émotion et colère après le décès "brutal" d'une généraliste

Dans une lettre ouverte adressée à la ministre de la Santé, au directeur général de la Cnam et aux parlementaires, la présidente de MG France Auvergne-Rhône-Alpes s'émeut du décès d'une consœur, survenu "brutalement" le 11 octobre. Elle s'était vu infliger une pénalité financière pour ne pas avoir rempli ses objectifs de réduction de ses prescriptions d'arrêts, dans le cadre d'une procédure de MSO. 

23/10/2025 Par Louise Claereboudt
Assurance maladie / Mutuelles
Décès

"Depuis 18 mois, elle n'allait pas bien", écrit la Dre Guylaine Ferré, présidente de MG France 69, dans une lettre ouverte adressée mercredi 22 octobre au directeur général de l'Assurance maladie, Thomas Fatôme, à la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, ainsi qu'aux parlementaires. Dans ce texte, la syndicaliste s'émeut du décès de la Dre Olga Chevalier, survenu samedi 11 octobre à l'âge de 62 ans, des suites d'un malaise cardiaque. "Elle exerçait dans un quartier populaire, à Vénissieux (Rhône), en zone très sous-dotée en médecins traitants."

Il y a 18 mois, cette généraliste, décrite comme "exceptionnelle, compétente et très investie", avait été repérée par l'Assurance maladie comme "prescrivant des arrêts de travail trop nombreux et trop longs", relate la présidente de MG France 69. Elle avait accepté la procédure de MSO proposée par la CPAM, avec l'obligation de réduire ses prescriptions d'arrêts de 20%. Un objectif qu'elle n'était pas parvenue à atteindre, se voyant ainsi sanctionnée financièrement, "ajoutant à la pression psychologique déjà soutenue une pression financière intenable".

"Olga a refusé de taire la souffrance des patients et a donc été pénalisée de 10 000 euros et n'aurait pas pu partir en vacances sans un emprunt", s'indignent les médecins de la CPTS Vénissieux-Saint Fons, dans une pétition intitulée "Stop au harcèlement des médecins", qui a déjà recueilli près de 1 000 signatures. "Elle avait subi ces griefs toute seule, sans appeler à l'aide et on peut voir aujourd'hui les dégâts que cela fait", dénoncent ses confrères, qui notent qu'"Olga était en souffrance. Elle tremblait parfois".

Comment accepter sans réagir de voir les confrères en larmes aux entretiens dans les CPAM ?

"De nombreux médecins sont à ce jour sélectionnés par un logiciel de l'Assurance maladie sur des algorithmes incompréhensibles, injustes, qui stigmatisent les médecins qui prennent en charge les patients les plus malades et ceux qui en ont le plus besoin", pointe également la Dre Guylaine Ferré dans sa lettre ouverte. Et de constater que "les médecins des quartiers les plus pauvres, suivant des patients lourds exerçant des métiers physiques, sont particulièrement touchés". 

"La profession n'est pas opposée aux contrôles de dépenses, mais elle refuse d'être le bouc émissaire des souffrances de la société", affirme la présidente de MG France 69, selon qui "la contrainte d'objectifs impossibles à atteindre est lue par la profession comme du harcèlement et source de burn-out". "Comment accepter sans réagir de voir les confrères en larmes aux entretiens dans les CPAM, et dans un état de détresse psychologique tout au long de la procédure ?", interroge la syndicaliste.

"Certains quittent l'exercice de [la médecine généraliste] et les jeunes se détournent de cette profession pour exercer dans des centres de soins non programmés, où se pratique une médecine expéditive, superficielle, ou devenir salariés dans des administrations", abondent les médecins de la CPTS Vénissieux-Saint Fons. Pour Guylaine Ferré, l'Assurance maladie et les décideurs de ces "mesures comptables" portent "la responsabilité" des arrêts d'activité et des reconversions.

Alors que le Gouvernement veut rendre la MSO obligatoire, Guylaine Ferré réclame la "fin de l'injuste campagne en cours sur les arrêts de travail". Les médecins de la CPTS appellent également à "stopper ces mesures punitives qui tuent les médecins, qui les éloignent de ce beau métier, et qui, demain, laisseront les patients sans aucun recours". A l’occasion d’une conférence de presse, jeudi 23 octobre, la présidente de MG France, la Dre Agnès Giannotti, a tenu à rendre hommage à "une consœur très impliquée dans son travail". "Ce décès nous touche beaucoup", a déclaré la généraliste parisienne, appelant, elle aussi, à mettre fin à "ces campagnes d'intimidation contre la profession"

Une veillée en l'honneur d'Olga Chevalier a été organisée le 18 octobre devant son cabinet médical. 

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2 débatteurs en ligne2 en ligne
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1,6 k points
Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 2 mois
Il est temps de revenir à des principes de base: Ce sont les médecins qui font la médecine, pas la CNAM. Le médecin libéral n'est pas un employé des Caisses. La CNAM n'est qu'une assurance. Elle doit négocier le remboursement des soins avec ceux qui payent (cher) des cotisations, et non avec les médecins. Les médecins libéraux doivent pouvoir fixer librement leurs honoraires, sans aucune contrepartie, sauf à respecter le tact et la mesure. La convention est devenue un odieux chantage, un diktat totalement inacceptable pour ceux à qui il reste encore un peu d'estime de soi. l'exercice de la médecine libérale ne peut pas continuer à être sous la tutelle méprisante de technocrates incompétents. Il est temps de faire "RESET" avec cette pseudo convention et de reprendre votre liberté. Imaginez un instant que tous les médecins libéraux se déconventionnent. Croyez vous que la CNAM pourra faire autre chose que de continuer à rembourser les assurés? Dans le cas contraire il lui faudra bien rembourser toutes les cotisations indûment perçues et assumer la concurrence... Conclusion: Pour reprendre en main votre profession , il faut vous déconventionner massivement.
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721 points
Incontournable
il y a 2 mois
Plus aucun médecin ne voudra pratiquer en "zones défavorisées", avec de telles méthodes, qui tiennent plus du harcèlement (moral et financier) que de la "bonne gestion et du dialogue" ! Avoir une clientèle précarisée deviendra encore plus un handicap qui fera fuir les candidats... Ajoutons que si un médecin est en surmenage avec une clientèle difficile, il a encore moins de temps à consacrer à remplir des papiers et effectuer des démarches pour se "justifier"... On attend qu'il y ait des suicides en série ?
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901 points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Je suis horrifié de ce qui est arrivé à notre consoeur. Elément de propagande il y a quelques mois : 160 millions d'"économies" grâce à la campagne sur les arrêts de travail. Moins de 3 euros par Français pour harceler 1000 médecins, faire pression sur 15000 en tout avec les entretiens confraternels, en faire déplaquer, en pousser à la dépression, au burn-out, gâcher des vies de soignants et celles de leurs familles. Une loi votée il y a plus de dix ans dont le principe même est idiot et l'application cynique et toxique ("statistiques" gardées secrètes, pleins pouvoirs au directeur de la CPAM après avis consultatif accessoire de la commission paritaire, faux espoirs de dialogue et de justification, recours tardif suivant une voie très dissuasive et ne suspendant pas la mesure). Aucun ministre ni aucun député pour la remettre en question depuis. Et on en remet une couche cette année, comme si cela ne suffisait pas en rebaptisant "fraude" un délit imaginé. Un sujet traité avec les pieds par les médias, qui n'ont fait que resservir les éléments de langage de la CNAM depuis le moment où, rassurés de ne pas être tous morts du COVID, on trouve le médecin davantage dispensable . Nous nous sommes retrouvés avec 65 millions de directeurs de la CNAM, des patrons qui nous passent des coups de fil incendiaires pour ne pas prolonger des arrêts, des retraités depuis vingt-cinq ans qui nous expliquent que les jeunes sont tous des fainéants, des salariés qui dénoncent leurs collègues trop oisifs (manque de bol quand ils ont le même médecin qui sait que c'est compliqué de mimer une rupture de coiffe sur une IRM ou un cancer). Le métier, de difficile de base (et nous l'avons choisi ainsi), est de moins en moins vivable.
 
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