"Le fait de ne pas savoir nous tue intérieurement" : étudiants en médecine, ils veulent plus de "transparence" dans la correction des EDN
Depuis mi-novembre, des étudiants en 6e année de médecine s'interrogent sur les notes qu'ils ont obtenu aux dernières EDN. Pour eux, une chose est sûre : des questions ont été supprimées après le passage de ces épreuves, modifiant substantiellement leurs résultats. Certains se disent même prêts à se tourner vers la justice pour obtenir des réponses. Tandis que d'autres carabins n'y voient, eux, qu'une simple rumeur. Explications.
"Quand j'ai vu les résultats, je suis tombée de très haut. Je me suis dit que je n'y arriverais jamais et que je voulais tout arrêter", confie Eléonore*. Le 17 novembre, comme près de 11 250 carabins, l'étudiante en 6e année de médecine a découvert ses notes aux Epreuves dématérialisées nationales (EDN), passées un mois plus tôt. Elle apprend alors qu'elle n'a pas obtenu une note suffisante aux connaissances de rang A - jugées essentielles à tout médecin -, et qu'elle devra se présenter aux rattrapages en janvier. Un résultat très éloigné de son "ressenti" à la sortie de ces épreuves.
Très vite, la jeune femme réexamine ses copies, accessibles sur son compte Galien**, et observe des discordances. "Quand je corrige [mes réponses], j'arrive à 14,9/20" aux connaissances de rang A, assure l'étudiante lyonnaise, qui a officiellement obtenu 13,6/20. "Je me suis notée avec une fourchette basse" lors de ces vérifications, soutient-elle, "les réponses dont je n'étais pas sûre, je me suis mis zéro. Mais, même en faisant cette méthode, j'obtiens largement plus de 14."
Pour la jeune femme, quelque chose cloche. Comme d'autres étudiants, elle s'interroge sur la possible annulation de questions lors de la correction des EDN ayant modifié les résultats. Sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook, ils sont plusieurs à avancer une telle hypothèse. Afin d'y voir plus clair, certains carabins ont tenté de joindre le Centre national de gestion (CNG) en charge de l'organisation des EDN. "Mais c'est hyper compliqué de les avoir", déplore Eléonore. Si des étudiants assurent avoir eu la confirmation de personnels du CNG que des questions ont été supprimées, d'autres affirment qu'il ne s'agit que de rumeurs.
Eléonore, elle, a pu échanger avec une employée de l'instance. "Elle m'a dit que je ne pouvais pas corriger [mes copies] car je n'avais pas la correction officielle ni les questions annulées", rapporte celle qui veut devenir généraliste. "J'ai demandé : 'Pourquoi on n'a pas de correction ?' Elle m'a dit que c'était comme ça, elle n'avait pas tellement de réponses à m'apporter."
Etonné par ses résultats, Liam* a également contacté le CNG par téléphone et mail, sans succès. L'étudiant à la faculté d'Amiens, qui vise radiologie, s'est classé dans les 4700, avec plus de 16/20 aux connaissances de rang A. Pourtant, lorsqu'il corrige ses copies, le jeune homme – qui était dans les 1000 premiers de la promotion lors des EDN blanches - assure lui aussi avoir "l'impression d'avoir largement plus" que sa note officielle.
"Assez satisfaite de [s]on classement" à l'issue des EDN, Mélanie* craint, de son côté, que la suppression d'éventuelles questions ne soit qu'une rumeur. La situation étant "très opaque", avance l'étudiante en 6e année à Strasbourg, "c'est un peu le terreau pour pas mal de théories et d'hypothèses qui sont souvent transmises sous couvert d'anonymat [sur les réseaux sociaux], et qui sont assez peu fiables".
Elle rappelle que des questions "non valides dès le départ", en raison d'une erreur dans l'énoncé ou dans la réponse, peuvent être annulées. "Typiquement", cette année lors des EDN, une question à réponse unique comprenait en réalité deux réponses "justes", "sauf qu'on ne pouvait en cocher qu'une", se remémore Mélanie. "Forcément, cette question allait être annulée. Il n'y a pas de débat à avoir." Pour elle, "la question de la transparence sur la correction des copies est [toutefois] légitime et mérite d'être posée". "On aimerait bien que ce soit un concours qui ait un principe d'apprentissage, de pédagogie, de possibilité d'apprendre de ses erreurs", estime Mélanie, qui s'interroge sur l'absence systématique de publication des grilles de correction.
"On aimerait avoir une correction officielle, et on ne sait pas pourquoi on ne nous en donne pas, abonde Liam. On est trop dans le brouillard." Selon le futur praticien, cela permettrait d'atténuer les frustrations : "Au moins [avec une correction], si je fais un mauvais examen, je peux me dire :'C'est de ma faute.' Mais là, le fait de ne pas savoir, ça nous tue intérieurement, on a plein de questions…"
Un recours en justice envisagé
Un avis partagé par Eléonore, qui a envoyé un mail au CNG pour demander une correction officielle et "une transparence sur la notation". "On a été un certain nombre d'étudiants – c'est difficile d'évaluer combien – à le faire", précise la Lyonnaise. Son père, décidé à obtenir des explications, a également envoyé une lettre recommandée à l'instance ; elle est pour l'instant restée sans réponse. Et si rien ne bouge, le père de famille n'exclut pas de se tourner vers la justice, que ce soit de manière collective – en réunissant d'autres étudiants et familles - ou individuelle.
Contacté par Egora, le CNG n'a pour l'heure pas répondu à nos questions. L'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) confirme, de son côté, avoir été sollicitée par une "bonne dizaine" de carabins depuis la publication des résultats. "Malheureusement, nous n'avons que très peu d'informations, si ce n'est aucune quant à la suppression [d'éventuelles] questions", regrette Marion Da Ros Poli, présidente de l'organisation étudiante. "Nous avons demandé au Conseil scientifique [en] médecine (CSM) davantage d'explications", mais "ils n'ont pas souhaité nous les communiquer car le jury est souverain de ses décisions".
"Tout ça est très opaque pour nous aussi", reconnaît la représentante étudiante, précisant que "le CNG n'est pas décisionnaire de ce côté-là, ils ne sont 'que' la plateforme sur laquelle l'épreuve se déroule et gestionnaire de celle où les étudiants voient les résultats. Ce ne sont pas eux qui créent les sujets ou qui réalisent les corrections, il s'agit du CSM."
Une procédure habituelle
Pour le Pr Damien Roux, à la tête du CSM, cette "problématique" autour de l'annulation de questions relève en réalité du jury, nommé par arrêté par le ministère de la Santé – sur proposition du président du CSM. "Comme pour tout examen facultaire ou national, il peut arriver qu’une ou des questions posent souci sans que le travail sur les épreuves en amont – qui est l'un des rôles du CSM - n’ait pu le détecter", explique Damien Roux. "Les statistiques de réponse des candidats mett[ent] [alors] en exergue un défaut" de certaines questions, poursuit le praticien.
"A ma connaissance, il n’y a rien eu de spécial cette année et rien qui n’eût pu modifier de façon substantielle le positionnement des étudiants", soutient-il, assurant que cette dernière édition des EDN s'est déroulée, "sur le plan des sujets et des résultats", "de manière habituelle sans [que] le moindre signal d'alerte" ne lui soit remonté. Sur l'absence d'informations diffusées aux carabins, le président du CSM se veut clair : "Il n'y a pas de communication car ceci est un document de travail du jury qui n’attend pas de publicité particulière."
*Prénom d'emprunt
**Gérée par le CNG, la plateforme Galien est accessible aux étudiants en médecine dans le cadre du concours de l'internat (inscription, résultats aux épreuves…)
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