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Etudiants en médecine, ils veulent quitter la France pour leur internat : "Je n'ai pas de projet retour"

Alors que de nombreux étudiants français partis faire leurs études de médecine à l'étranger veulent revenir dans l'Hexagone pour leur internat, certains carabins décident de faire le chemin inverse. Changement de spécialité, envie de "voir autre chose", de changer d'air… Les raisons qui poussent ces apprentis médecins à partir terminer leur cursus à l'étranger sont nombreuses. Trois d'entre eux témoignent pour Egora.  

09/10/2025 Par Chloé Subileau
Internat Externat
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Il y a près de deux ans, Sébastien a décidé de quitter la France pour l'Allemagne. Le jeune homme, qui a réalisé son externat à Lille, venait de terminer sa première année d'internat de médecine générale à Bordeaux. "Pour moi, en Allemagne, c'était mieux du point de vue du mode de travail et de l'atmosphère", se remémore-t-il. Je me suis dit : 'Vas-y, saute le pas et, dans le pire des cas, il y aura toujours un trampoline quelque part. Tu ne peux pas t'écraser après autant d'années d'études.'" Aujourd'hui, Sébastien est interne en quatrième semestre de chirurgie orthopédique en Bavière. Et il est loin de regretter son choix.

Comme lui, une poignée de carabins – en fin d'externat ou début d'internat – s'expatrient après avoir réalisé le début de leur cursus en France. Selon la Conférence nationale des doyennes et des doyens de médecine, 21 étudiants n'ont pas pris leur poste d'interne à l'issue des épreuves du concours de l'internat en 2025 ; ils étaient 24 en 2024. Parmi eux, impossible de savoir combien ont décidé d'aller terminer leurs études hors de la France. "On ne sait pas ce qu'ils sont devenus", souligne la Pre Isabelle Laffont, présidente de la Conférence, qui précise que ces données sont "négligeables".

Ce choix – largement minoritaire – va à contre-courant de la tendance générale, marquée par le retour dans l'Hexagone de nombreux étudiants français partis faire leur externat à l'étranger. En juin, une proposition de loi de l'ancien ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder, visant à faciliter la réintégration de ces carabins a même été adoptée.

Mais pour certains apprentis médecins, qui n'ont connu que les bancs des facs françaises, l'avenir se trouve ailleurs. "Ça a toujours été hyper important pour moi de pouvoir faire des échanges ou de partir à l'étranger pendant mes études", confirme Lucie*, 25 ans. Mais après le lycée, "ma volonté de faire médecine a été plus forte que celle de partir à l'étranger", ajoute la jeune femme qui – contrairement aux informations qui lui avaient été données au début de ses études – n'a pas pu faire d'échanges durant son cursus. "Ça m'a beaucoup déçue et frustrée, et je pense que ça a encore fait plus grandir mon envie de partir", avoue-t-elle.

Son classement à l'issue des Ecos et des EDN cette année a également renforcé ce souhait. Comme de nombreux étudiants, Lucie n'a pas eu les résultats qu'elle espérait. "Je voudrais faire de la chirurgie", souffle l'apprentie praticienne, qui a dû se tourner vers un internat en médecine générale dans le sud de la France. "Quand on nous force à faire de la médecine générale alors que l'on veut faire de la chirurgie, c'est compliqué", déplore la néo-interne.

Quand j'aurai trouvé un poste qui m'intéresse, je partirai du pays

Pour Lucie, l'unique solution est donc de partir. Après avoir longtemps rêvé de l'Angleterre, elle espère désormais poser ses bagages en Suisse. Depuis quelques temps déjà, la jeune femme planche sur son dossier d'inscription. "J'ai un ami qui est là-bas, et qui m'aide un peu", glisse l'étudiante, qui souhaite postuler en parallèle du début de son internat en France. "Quand j'aurai trouvé un poste qui m'intéresse [à l'étranger], je partirai du pays", assume-t-elle.

Si elle n'a pas encore passé les EDN, Marnie aussi souhaite quitter la France lors de son internat. Etudiante en cinquième année de médecine, elle projette de poursuivre ses études aux Pays-Bas. "C'est un pays que j'adore, je trouve que la vie y est très agréable, qu'on mange bien, que les gens y sont très gentils… Il y a une mentalité différente de la France, que je préfère", détaille l'externe de 23 ans. Et "j'ai beaucoup de mal avec le fonctionnement" des études de médecine en France, "comment on nous apprend à l'hôpital". "Je ne supporte pas la façon dont les stages se déroulent […] On est très moyennement pris en charge, et on est très mal payés", ajoute Marnie, pour qui partir serait aussi l'occasion de "voir autre chose".

L'externe a déjà tout prévu : après avoir passé les EDN à l'automne 2026 et les Ecos au printemps 2027, elle compte partir plusieurs mois aux Pays-Bas "pour faire des stages, apprendre la langue, travailler là-bas"… Entre temps, l'étudiante va suivre la procédure pour être affectée à un poste d'internat en France. Mais, une fois acceptée, elle prévoit de demander "immédiatement" une césure. "Ça me laisse un an pour repartir aux Pays-Bas", et faire les démarches pour compléter son dossier et être acceptée comme interne, espère Marnie.

Peu d'informations

L'étudiante pointe, par ailleurs, le manque d'informations disponibles sur les modalités pour pouvoir continuer ses études à l'étranger. "Au niveau de la fac, il n'y a pas d'informations, de papiers ou de personnes attitrées [sur ce sujet]. Ils ne sont pas trop au courant des possibilités, et c'est à nous de trouver", relate-t-elle. Pour espérer réaliser son rêve, Marnie s'est surtout aidée de ChatGPT. "J'ai aussi regardé des forums, sur Facebook."

Les démarches pour partir sont "complètement obscures", confirme Sébastien. Pendant plusieurs années, "j'ai essayé par tous les moyens de trouver des infos à droite à gauche. J'ai réussi par en trouver et, une fois que je suis partie en Allemagne, je me suis rendu compte que toutes les infos sont éparpillées […] Il y en a tellement peu que c'est à toi d'aller démarcher des étudiants à l'étranger" pour en savoir plus, poursuit l'interne de 28 ans, qui partage son histoire et ses conseils sur son compte Instagram (@canaliversus).

Sébastien a, lui, demandé une césure après un an d'internat en France.  Après avoir rempli un dossier de candidature, il a choisi de débuter "dans un service d'ortho" à Munich - ville où résident ses parents, explique-t-il. "J'ai fait un an dans ce service, et c'était trop bien. Au début avec la langue, c'était un peu difficile pour se mettre dedans […] Mais ça en valait le coup. Au bout de trois mois, je savais que j'allais rester là-bas."

Pour l'heure, Sébastien n'envisage pas de revenir exercer en France. "Pour vous dire, j'ai acheté ici en Allemagne", glisse-t-il. Mais "avec le diplôme de spécialiste, on peut aller n'importe où dans l'Union européenne", ajoute l'interne, qui voit une vraie différence dans les conditions de travail des médecins allemands et la reconnaissance dont ils bénéficient. "En Allemagne, je n'ai jamais entendu parler d'un médecin qui s'était fait frapper aux urgences parce que ça n'allait pas assez vite", avance l'expatrié. Il pointe, par ailleurs, le climat politique en France et les débats autour de la régulation de l'installation des praticiens. "J'ai l'impression que certaines récentes évolutions politiques et législatives pourraient, à terme, réduire l'attrait de l'exercice médical en France ou freiner la motivation de certains à s'engager dans des études de médecine", déplore-t-il.

Bien qu'elles ne soient pas encore parties, Marnie et Lucie ne comptent pas, elles non plus, revenir dans l'Hexagone. "Le but est d'exercer comme médecin aux Pays-Bas", confirme la première. "Je n'ai pas forcément de projet 'retour'", acquiesce la seconde, avant de développer : "J'envisage évidemment la possibilité de revenir en France un jour, puisque mes parents habitent ici. Si jamais un jour ils tombent malades, j'aimerais pouvoir être là pour eux." Mais sur ce point aussi, il est "très compliqué de trouver des informations", ajoute Lucie. "Je ne suis pas inquiète, nuance-t-elle, je me dis que dans tous les cas, j'arriverai à me débrouiller" pour revenir. 

*Le prénom a été modifié.

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Claire FAUCHERY

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Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 2 mois
N'oublions pas celle et ceux qui sont partis parce que chez nous pas le choix qu'entre MG et spécialiste. Nous étions trois compères, nous en avons rencontrés bien d'autres passées nos frontières. Personnellement j'ai voulu être d'abord un "vrai" médecin, un généraliste, puis partir à l'étranger (en réalité l'Europe, il parait qu'on la fait)) pour faire une spé. Je ne l'ai jamais regretté, sauf que comme il faut bien vivre, on en rame un peu pour allier marmite et choix personnel. Mieux valait en baver un peu quelques années que de finir par regretter d'avoir suivi le troupeau, soit dit sans offense.
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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
C'est difficile de faire de la médecine générale pour les prochaines 40 années à venir quand on voulait initialement faire de la chirurgie dit une des personnes interviewée. Ceci résume bien la faiblesse du système français du troisième cycles où beaucoup de jeunes médecins, voir la majorité, vont exercer pour les 40 années à venir une spécialité qui n'était pas celle qu'il voulait. On s'étonne alors que certains praticiens soient peu enthousiastes et peu motivés. Peut être faudrait il supprimer ce concours de l'internat qui n'existe pas en Allemagne, ce qui ne les empêchent pas d'avoir un système médical de qualité et des médecins au moins aussi compétents que chez nous.
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 2 mois
Oui oui l’herbe est toujours plus verte chez le voisin. C’est normal a cet âge, on est toujours très enthousiaste et très critique de son éducation, de son pays,... Une forme de crise d’adulescence parfois. Ça fait cool de dire qu'on se casse à l’étranger. Il ne faut pas s'y tromper, et je parle d’experience, travaillant actuellement hors UE, la médecine et ses problématiques sont les mêmes partout. En lisant l’article on se rend compte que les parents du jeunes homme habitent a Munich (j’ai connu pire comme expatriation). Le système allemand est loin d'être parfait, ne parlons pas des anglais. La Suisse c'est une ambiance, il faut aimer. Avec un peu de recul il faut mesurer les longues années nécessaires a l’intégration, l’absence de soutien familial a proximité, des mœurs parfois difficiles a comprendre et accepter,... Bref, que jeunesse se fasse, la sagesse viendra après.
 
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