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Explosion du coût des études de médecine : "Ce n'est pas soutenable"

L'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) publie, ce jeudi 11 septembre, son 9e indicateur du coût de la rentrée. Cette année encore, les dépenses des carabins explosent. "Ce n'est toujours pas soutenable", d'autant que "les conditions [de travail et d'études] ne s'améliorent pas", alerte Marion Da Ros Poli, présidente de l'Anemf. 

11/09/2025 Par Chloé Subileau
Externat
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5846,82 euros. C'est le coût auquel s'élève, cette année, la rentrée d'un étudiant en première année d'externat. Un chiffre en hausse de 3,17% par rapport à l'an dernier, comme le révèle le 9e indicateur du coût de la rentrée (ICR) publié ce jeudi 11 septembre par l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). "Depuis plusieurs années, ça ne fait qu'augmenter. On n'a même pas une stagnation, que l'on pourrait espérer, déplore Marion Da Ros Poli, présidente de l'organisation étudiante. On est sur un pourcentage assez important : plus de 3% [de variation], ce n'est toujours pas soutenable, avec des conditions qui ne s'améliorent pas."

Cet indicateur, en partie basé sur des chiffres de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) et des remontées d'associations locales, se concentre sur les dépenses de rentrée supportées par les carabins en début d'externat (DFASM1). Contrairement aux années passées, le coût de la rentrée pour les étudiants en Pass ou en LAS n'apparaît pas dans les chiffres publiés ce jeudi. "Il a bien été calculé", mais sera prochainement présenté dans le cadre d'un indicateur "commun aux différentes filières MNOPK", précise Marion Da Ros Poli.

En septembre 2025, un étudiant intégrant l'externat doit donc dépenser 5846,82 euros pour sa rentrée, dont 3309,58 euros de frais spécifiques au DFASM (frais de scolarité, matériels pédagogiques spécifiques à la filière médecine…), 1353,32 euros de frais généraux de rentrée (complémentaire santé, assurance logement, CVEC...) et 1183,92 euros de frais mensuels de vie courante (loyer, repas, transports…).

Ces frais sont en hausse par rapport à l'an dernier, en particulier ceux généraux (+1,94%) ; les frais spécifiques se sont eux accrus de 1,32%. Et ce, "malgré certaines mesures mises en place", notamment "la distribution de stéthoscopes par le Conseil national de l'Ordre" des médecins, note Marion Da Ros Poli. "C'est une mesure mise en place depuis deux ans, mais ce n'est pas fait partout."

La situation en France ne favorise absolument pas les étudiants

Cette année encore, de grandes disparités persistent entre les externes franciliens et ceux des autres régions de l'Hexagone. Pour ces derniers, l'ICR est de 5718,55 euros (+2,39% par rapport à 2024). En Ile-de-France, il s'élève à 6420,36 euros, soir +4,80% par rapport à l'an dernier. "Cela témoigne bien d'un coût de la vie de plus en plus cher en région parisienne. C'est toujours aussi dommageable et déplorable. Il y a beaucoup de postes de dépenses, typiquement le loyer, qui augmentent de manière exponentielle, commente Marion Da Ros Poli. Mais encore une fois, c'est corrélé de manière globale à la situation en France, qui ne favorise absolument pas les étudiants."

De plus, l'indicateur de coût de rentrée varie fortement si l'étudiant à recours à une prépa privée en présentiel ou non. L'ICR global de 5846,82 euros retenu par l'Anemf est celui d'un externe faisant seulement appel à une prépa en ligne ; il monte à 7232,36 euros avec une prépa en présentiel. Ces prépas en présentiel sont encore " disparate[s] sur le territoire." "Toutes les villes n'en ont pas forcément, c'est très concentré en région parisienne et dans certaines grandes villes", détaille Marion Da Ros Poli, qui précise que les prépas en ligne sont, elles, plus développées.

Face à ces dépenses, l'Anemf appelle à agir. En ligne de mire notamment : les référentiels de spécialités. "Nécessaires pour la préparation des épreuves nationales [EDN, NDLR]", ils "constituent la source de dépenses principales en matériel pédagogique" qui s'élève à 1513,80 euros (+4%) pour les externes, souligne l'association. D'autant que d'autres ouvrages, destinés à préparer les Ecos ou la lecture critique d'articles (LCA), s'ajoutent à ces manuels.

Pour limiter ces dépenses, l'Anemf plaide pour un "référentiel unique" "disponible en ligne et accessible gratuitement en téléchargement". "Ce serait un vrai vecteur d'égalité des chances", insiste la présidente de l'association. Mais pour l'heure, les éditeurs s'opposent à un tel projet. "On travaille [déjà] avec l'Uness (Université numérique en santé et sport) qui héberge le fichier LiSA, qui est censé être notre référentiel unique mais qui malheureusement est encore assez incomplet et ne se remet pas à jour assez régulièrement, développe Marion Da Ros Poli. On essaye d'améliorer ça et, à terme, d'avoir ce référentiel unique."

Favoriser les tutorats

Autre dépense trop élevée selon l'association étudiante : l'inscription aux prépas privées, visant à préparer aux EDN et aux Ecos. En 2025, le coût moyen d'une prépa présentielle atteint 1385,54 euros ; les formules en ligne coûtent en moyenne 591,04 euros. L'Anemf plaide donc pour le développement des tutorats d'années supérieures (TAS). Ils "n'existent pas encore dans toutes les facultés ou, du moins, ils sont en plein essor", souligne Marion Da Ros Poli. "On veut que les moyens soient donnés à ces tutorats pour se développer correctement", à l'instar des tutorats d'entrée en études de santé.

Il en va de même pour le tutorat associatif pour des conférences en FASM (TACFA), gratuit et accessible en ligne – via l'Uness et sur Youtube. "C'est [aussi] une alternative que l'on soutient", indique la présidente de l'Anemf.

Par ailleurs, l'association pointe le coût de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) – dont les étudiants doivent s'acquitter chaque rentrée - de 105 euros en 2025, soit 15 euros de plus qu'à son instauration en 2018. Pour l'association étudiante, la CVEC ne doit plus être indexée sur l'inflation et doit être gelée à 90 euros.

Surtout, l'Anemf appelle à une revalorisation des indemnités de stage et de garde des externes. Les premières atteignent environ 219 euros nets par mois, pour une activité hospitalière de 5 demi-journées par semaine, soit "un salaire horaire net moyen de 2,76 euros" ; ce qui est en deçà du minimum légal de 4,35 euros nets par heure dont bénéficient les étudiants de même niveau dans d'autres filières. Une revalorisation des indemnités de stage est donc nécessaire pour l'Anemf, qui souhaite qu'elles soient alignées avec celles de l'ensemble des étudiants stagiaires du deuxième cycle.  

"On est laissés sur le carreau, mis de côté par rapport au reste des étudiants dans le supérieur. Pour les gardes, c'est la même chose", dénonce Marion Da Ros Poli. Selon l'Anemf, les indemnités de garde devraient aussi bénéficier d'une revalorisation, "à hauteur de celle accordée aux médecins en 2023". Car, si la revalorisation de 50% des gardes des praticiens a été étendue aux internes, les externes en sont encore exclus.

Le contexte politique ne permet pas de grandes améliorations

De même, l'association de carabins demande l'ouverture au droit à la prime d'activité aux externes qui ne peuvent en bénéficier car leurs revenus sont… "trop faibles pour cela". "En effet, pour les étudiants apprentis ou stagiaires, il faut justifier d’un revenu mensuel net supérieur à 1082,87 euros pour pouvoir toucher cette aide. C’est ainsi la double peine qui s'applique pour les étudiantes et étudiants hospitaliers."

Concernant les frais de vie courante, l'Anemf appelle aussi à la création et la rénovation des internats en hébergements territoriaux pour les étudiants en santé.  Elle demande également que soit étendue l'indemnité d'hébergement de 150 euros bruts pour les stages ambulatoires en zones sous-denses à ceux réalisés en centres hospitaliers.

Les attentes sont donc nombreuses, mais leurs réalisations incertaines. "Il y a eu des gestes il y a quelques années", notamment sur les indemnités de stage, reconnaît Marion Da Ros Poli. "On attend beaucoup encore une fois", ajoute-t-elle, "mais le contexte politique [actuel] ne permet de pas de grandes améliorations à ce jour, et c'est ce que l'on déplore".

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Claire FAUCHERY

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2 débatteurs en ligne2 en ligne
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Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 3 mois
Octogénaire, j'ai fait médecine dans les années 60. On étaient les Rois du Monde ! C'étaient les années de la Reconstruction de la France. La guerre 39 45 (en fait les suites) ne s'est pas arrêtée le jour de la signature de la capitulation allemande. La Reconstruction (de 45 à 70) ne se limitait pas à reconstruire l'économie; il fallait reconstituer les "élites" scientifiques , médicales, etc La France y mettait les moyens : pour les fauchés comme moi, il y avait des bourses dès le lycée, des logements étudiants (dans une ancienne caserne, à 2 ou 3 par chambre sinistre, des réductions partout (commerçants, ciné, restau, transports, loisirs, sports, ...), le restau U. (1 franc le repas midi, et soir). Du coup, du fait des circonstances, les études de médecine (déjà réputées chères, voires inaccessibles aux plus modestes) étaient alors devenues possibles sans l'aide familiale. Ayant entamé mes études un petit poil avant les baby boomers, il fallait libérer de la place dans les amphis en construction . Résultat : on avançait vite, on avait les postes hospitaliers. On étaient résignés, fallait bosser comme des chiens, c'était le contrat, d'autant que tout ça se faisait sur fond de "vocation" réelle ou présumée. Résultats : des générations de médecins dans le moule idéal, aux horaires déments, aux vies familiales cabossées, aux infarctus de règle. Et pour les patients : des "bons docteurs" corvéables , consultations 6j/7, gardes (c'était avant SOS médecin), visites à domiciles jusqu'à 22h, etc. Tout ce que les médecins n'acceptent plus. Les études ont changé. C'est plus long, c'est plus cher. Pratiquement avant même de s'installer, les jeunes médecins sont déjà fachés
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952 points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 3 mois
J'entends les représentants étudiants qui trouvent que le coût des études augmentent trop, mais ayant un fils en Médecine et une fille en études à l'étranger il y a un ratio de 1 pour 3. Donc finalement, si nous regardons ailleurs, le coût des études en France reste faible. Par contre, les "rémunérations" du travail des étudiants de médecine au sein des hôpitaux est ridicule et indigne. Il faut sur ce point une vraie revalorisation.
Photo de profil de gilbert ARTIGUE
750 points
Débatteur Passionné
Chirurgie viscérale et digestive
il y a 3 mois
sortez un peu de l’hexagone jeunes futurs médecins vous verrez des coûts d’inscriptions des plus faramineux tels que beaucoup d’étudiants doivent contracter des emprunts pour payer leurs études , pour d’autres travailler pendant les longues vacances universitaires comme serveurs dans les restaurants , cafés , faire le plagiste, gardien d’hôtels etc … est ce vraiment trop déshonorant pour nos étudiants en médecine français ? ils préfèrent sans doute l’ assistanat permanent jusquà leur retraite ou vivre aux crochets de leurs parents !!!
 
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