Un an après le lancement de Mon Espace santé, l’heure est au bilan et surtout aux projections : Comment aller plus loin en matière de numérique en santé ? Comment utiliser ces outils et penser de nouveaux usages pour améliorer l’accès aux soins et le quotidien des professionnels ? La 7ème édition des Grandes tendances de la e-santé, organisée ce mardi 24 janvier par Interaction Healthcare en partenariat avec Egora, a tenté de répondre à ces questions cruciales et aux défis de demain. Le numérique en santé, "c’est une rupture dans notre évolution. J’oserais presque dire qu’elle est pour moi équivalente à l’invention de la vaccination par Pasteur il y a 200 ans ou à l’invention des antibiotiques à la fin de la Seconde Guerre mondiale", a déclaré le ministre de la Santé en ouverture de la 7e édition des Grandes tendances de la e-santé. Organisée ce mardi par Interaction Healthcare à Paris, cette édition a réuni plus de 4500 participants. Longtemps boudée, la e-santé s’est imposée dans nos quotidiens avec l’épidémie de Covid-19 qui a accéléré son usage, aussi bien par les professionnels du secteur que par les patients, en témoigne le recours à la télémédecine. Une pratique qui a littéralement explosé. Mais ce développement du digital au service de la santé se fait encore "de façon insuffisante", a souligné François Braun. Or "ce changement, il ne faut surtout pas le regarder avec crainte, a estimé l’urgentiste de profession. Je crois, au contraire, qu’il faut s’en emparer parce que ça va permettre de lutter contre les inégalités d’accès à la santé." Dans un contexte de baisse de la démographie médicale, il faut aller plus vite et plus loin selon le locataire de l’avenue de Ségur, qui veut "redonner du temps aux soignants". "On a un nombre de soignants qui est limité. On n’en aura pas deux fois plus dans les cinq ans qui viennent, au contraire." Il faut "faire comprendre aux professionnels de santé que les difficultés qu’ils rencontrent actuellement peuvent être résolues par le numérique en santé", a également jugé le Dr Jacques Lucas, président de l’Agence du numérique en santé (ANS), qui vient de s’installer à PariSanté Campus. Pour favoriser l’adoption des usages de la e-santé, le praticien a insisté sur la nécessité de "corriger rapidement les irritants". "Il est naturel qu’il y [en] ait. Lorsque l’on fait des petits pas rapides pour avancer, il peut arriver que le petit pas rapide amène à réaliser un faux pas. Il faut l’entendre, l’expliquer et le corriger." Le patron de l’ANS a ainsi appelé à accompagner tous les acteurs de cet écosystème dans cette transformation numérique – soulignant que les bases techniques sont désormais au rendez-vous : interopérabilité, sécurité, etc. mais que "les usages ne sont pas encore complètement au rendez-vous". Selon lui, "les médecins seront les meilleurs ambassadeurs" des outils e-santé qui émergent, ciblant notamment Mon Espace santé, le carnet de santé numérique santé qui "a vocation à être un carnet de santé numérique augmenté et personnalisé", a précisé Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Caisse nationale de l’Assurance maladie. Mon Espace santé : "la fusée est lancée" Lancé il y a près d’un an, Mon Espace santé, prévu par la loi Buzyn de 2019, illustre la volonté du Gouvernement de développer ce numérique en santé. Après des vagues successives d’envoi de mails et de courriers, 66 millions de profils ont été créés automatiquement. 7,5 millions de Français l’ont activé eux-mêmes. Seuls 2% de concitoyens se sont opposés à la création de leur profil. "Cela montre qu’on a une vraie appropriation. La fusée est lancée", s’est réjoui le DG de la Cnam, Thomas Fatôme, interrogé par Jérôme Leleu, directeur général d'Interaction Healthcare, et Wassinia Zirar, journaliste pour TiCsanté, qui animaient cette 7e édition des Grandes tendances de la e-santé. L’enjeu est désormais de passer de la création des profils à leur alimentation, y inclure les comptes rendus de biologie, d’hospitalisation, les résultats de radiologie, les ordonnances numériques… La mise à jour des logiciels-métiers financée par le Ségur du numérique "va venir brancher les canaux d’alimentation pour créer enfin cette dynamique vertueuse". Sans oublier le catalogue de services (référencés par l'Etat) au sein de l'application, lancé en novembre. L'INeS (institut national de la e-santé) a d’ailleurs étudié la mise en place d’un score montrant le niveau de preuve des outils numériques, dont la multiplication peut perdre les utilisateurs. Objectif : "que quelqu’un qui n’est pas un expert sache où se situe la maturité sur le plan du niveau de preuves cliniques de tel ou tel outil en télésurveillance ou autre", explique son président, le Pr Fabrice Denis. Il s’avère que "trois-quarts des solutions qui ont testé ce score n’ont pas d’étude clinique [près de 70 solutions ont été évaluées, NDLR]", a toutefois alerté l’oncologue-radiothérapeute. La data : un outil pour comprendre les évolutions du système de soins Alors que le Gouvernement appelle à un véritable "virage" vers la prévention, les intervenants à cette conférence y voient un axe d’intervention majeur de la e-santé. Marguerite Cazeneuve a d’ailleurs suggéré de s’appuyer sur Mon Espace santé pour faire de la "prévention personnalisée", identifiant trois grands objectifs de l’Assurance maladie : "les pathologies chroniques, l’autonomie, et les tout premiers âges de la vie". Mon Espace santé doit, à terme, devenir le carnet numérique de l'enfant. Il permettra de "dématérialiser les examens obligatoires", indique la n°2 de la Cnam. "La capacité de traiter des masses de données extrêmement importantes va nous permettre d’aller vers une médecine plus préventive mais également beaucoup plus prédictive", considérait peu avant François Braun, soulignant que le système de santé est "malheureusement trop orienté uniquement sur le soin". De nombreuses startups ont d’ailleurs déjà embrayé ce virage de la prévention, à l’instar de Depist&Vous créé par la Dre Charlotte Berthaut, spécialisé dans le dépistage des cancers. Outre son "navire amiral" qu’est Mon Espace santé, l’Assurance maladie a détaillé ses autres gros chantiers en matière d’e-santé pour 2023 : l’ordonnance numérique, qui disposera d’un QR Code permettant d’authentifier les prescriptions – une "petite révolution" pour Marguerite Cazeneuve, mais aussi l’application carte vitale. Après avoir déployé Data Vaccin Covid et Data pathologies, la Cnam veut également poursuivre l’exploitation des données des assurés, afin de "les utiliser pour comprendre les évolutions du système de soins", explique Thomas Fatôme, qui précise que sera bientôt lancé Data professionnels de santé. Stéphanie Combes, présidente du Health Data Hub, a souligné le bénéfice du partage de ces données de santé. Elle travaille ainsi à montrer aux Français l’intérêt de ce partage pour améliorer, entre autres, l’accès aux soins et la recherche. Anne Schweighofer, coordinatrice de la plateforme Les patients s’engagent, a souligné l’importance d’inclure les patients dans le développement des outils numériques de santé, mais aussi de vulgariser l’utilisation des données de santé. La télésurveillance médicale, désormais remboursée, a également été identifiée comme une évolution majeure pour le secteur.
Lors de cette 7e édition des Grandes tendances de la e-santé, qui s’est tenue à Future4Care*, a été présenté en exclusivité le bilan des levées de fonds de 2022 de la e-santé. L’an dernier, les startups françaises du secteur ont levé 138 millions d’euros de plus qu’en 2021 : "en tout elles ont levé 1,16 milliard d’euros en 2022 contre 1,02 en 2021", a indiqué Sandrine Cochard directrice des rédactions groupe Mind. Mais "moins de startups ont réussi à lever des fonds" (39 en 2022 vs 67 en 2021)", a-t-elle nuancé, soulignant que "le marché [est] occupé par des fonds spécialisés de plus en plus exigeants". En 2022, 9 startups ont levé plus de 20 millions d’euros, soit 82,9% du total levé, dont 500 millions pour Doctolib. Parmi les startups qui lèvent des fonds, "la [catégorie] la plus représentée est l’aide à la décision ou au diagnostic", a précisé Sandrine Cochard.
Celle-ci a fait part des trois grandes projections pour l’année 2023. D’abord, un risque d’une poursuite de la crispation sur les investissements, sorte de "Vallée de la mort" du financement, qui pourrait durer encore 2 ou 3 ans. La deuxième hypothèse évoquée est celle de l’émergence d’opportunités au travers des fusions et des acquisitions. Enfin, Sandrine Cochard a souligné l’apparition de nouveaux marchés porteurs, notamment la femtech (les technologies et services innovants dédiés à la santé des femmes : fertilité, contraception, ménopause, etc.) et la santé mentale.
*Un accélérateur européen de startups de la health tech né de l'alliance entre Sanofi, Capgemini, Generali et Orange
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