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"Ce que je veux défendre, c’est l’État" : de l'Elysée à la Cnam, rencontre avec Marguerite Cazeneuve, qui jouera un rôle crucial dans les futures négos

À 34 ans, Marguerite Cazeneuve côtoie les plus hautes sphères de l’Etat. Après plusieurs postes de conseillère à Matignon et à l’Elysée, la jeune femme a rejoint la Cnam en mars 2021 où elle a pris le poste de directrice déléguée. Elle forme aujourd’hui un binôme puissant avec Thomas Fatôme, son "papa administratif", rencontré lorsqu’elle était consultante pour le cabinet Mc Kinsey, au début de sa carrière. Issue d’une "famille en or", la numéro 2 de l’Assurance maladie s’est récemment attiré les foudres de la sphère complotiste qui voit en sa réussite un soupçon de favoritisme. Rencontre.

 

"On est comme un vieux couple", sourit Marguerite Cazeneuve que l’on rencontre dans son bureau vitré donnant sur le périphérique, bondé à cette heure-là. Avec le patron Thomas Fatôme, la trentenaire dirige avec une rigueur bureaucratique "l’énorme machine" qu’est l’Assurance maladie. Elle a rejoint les rangs "de la grosse maison" en mars 2021, quelques mois après la nomination de Thomas Fatôme à la place de Nicolas Revel, devenu directeur de cabinet du nouveau Premier ministre, Jean Castex. Marguerite Cazeneuve travaillait alors pour Matignon et l’Elysée et supervisait la task force vaccination lorsque son "papa administratif", Thomas Fatôme, l'a fait venir à la Cnam pour être son bras droit.

C’est en 2013 que Thomas Fatôme et Marguerite Cazeneuve se rencontrent pour la première fois. Elle n’a alors que 25 ans et est en mission à la Sécurité sociale pour le cabinet Mc Kinsey, où elle a été embauchée à la sortie de l’école de commerce HEC, où elle était présidente du bureau des élèves. Le courant passe bien, et l’énarque – alors directeur de la Sécu, la recrute. "Après cela, je l’ai suivi dans presque tous ses postes", se rappelle Marguerite Cazeneuve, dont l’attitude trahit son admiration. Elle entre ainsi à Matignon, suivant son mentor, devenu directeur adjoint du cabinet d’Edouard Philippe en 2017. En coulisses, ils façonnent entre autres la réforme des retraites de Macron.

Désormais à la tête de la Caisse, ils forment un binôme puissant. "Je sais exactement ce qu’il attend ; c’est plus facile pour manager les équipes. Je sais traduire ‘le Thomas Fatôme’", plaisante-t-elle. Tous deux connaissent très bien l’écosystème du pouvoir pour l’avoir côtoyé, manient le langage administrativo-politique, connaissent ceux qui font les lois. Forte de ses expériences en tant que conseillère ministérielle chargée de la protection sociale et des comptes sociaux, Marguerite Cazeneuve chapote toutes les politiques publiques. C’est elle aussi qui est en relation avec les soignants de ville et a la lourde de tâche d’organiser la lutte contre les déserts médicaux.

Le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, a travaillé à maintes reprises avec la numéro 2 de la Cnam. Plus souvent qu’avec Thomas Fatôme, d’ailleurs. Il décrit "une jeune femme très brillante", "facile d’accès", qui "répond toujours lorsqu’on lui envoie un message". Mais garde aussi le souvenir amer des négociations de l’avenant 9, qui ont abouti au boycott du Service d’accès aux soins (SAS), faute de moyens suffisants. "On avait le sentiment que l’avenue de Ségur comptait peu dans ces négos, que les décisions venaient plus de Matignon et de l’Elysée." Le syndicaliste voit néanmoins en la directrice déléguée "une oreille à l’écoute". "Quand on est en situation de conflit comme on a pu l’être, c’est important d’avoir le sentiment que la porte n’est pas fermée."

Pour la prochaine convention médicale, dont les négociations devraient s’ouvrir début novembre, Marguerite Cazeneuve, qui n’était pas présente pour celle de 2016, se montre confiante. "On partage les mêmes objectifs", assure-t-elle. Mais la tâche s’annonce ardue, surtout "quand on va entrer dans le dur des négos". "A la fin des fins, le sujet est toujours financier : nous évoluons dans un cadre contraint tandis que le rôle des syndicats est de défendre la rémunération de leurs adhérents."

Pour répondre au défi de l’accès aux soins – l’un des principaux chantiers de la Cnam et première préoccupation des Français, elle entend trouver "une forme de pacte de droits et devoirs avec les médecins libéraux pour que chacun prenne sa part. Ils attendent davantage de libertés pour s’organiser sur leur territoire. Nous y sommes favorables, mais en contrepartie, on attend un engagement qui ne soit pas juste le fait de voir leur patientèle, mais qui soit populationnel, à l’échelle d’un bassin de vie."

"Il ne faut pas que ce soit trop contraignant, mais il y aura quand même des contraintes, affirme Marguerite Cazeneuve, avec une fermeté naturelle. On va avoir besoin des médecins." Car tient-elle à rappeler, "l’Assurance maladie travaille d’abord pour les assurés avant de travailler pour les professionnels de santé. La Sécurité sociale, c’est la protection sociale des gens". Son défi : montrer que "l’Etat est là". "Beaucoup de gens ont le sentiment d’être abandonnés par l’Etat, de ne pas être aidés, alors qu’on a un Etat extrêmement protecteur et redistributif", déclare-t-elle, convaincue du rôle de la Cnam dans la cohésion sociale.

 

"Servir à quelque chose"

Si la numéro 2 de la Cnam est aujourd’hui certaine de "la place et de la force de l’Etat" – dont elle se fait le fidèle serviteur ; plus jeune, elle avait l’image "d’un truc totalement ringard, poussiéreux". Marguerite Cazeneuve avait pourtant grandi "dans une famille très engagée dans le public". "Mon grand-père était préfet de la Résistance, mes grands-parents étaient tous professeurs ou militaires. Seuls mes parents faisaient exception à la règle d’être fonctionnaires." Ce n’est qu’en avançant dans sa carrière qu’elle en fait son combat. "Aujourd’hui, ce que je veux défendre, c’est l’Etat avant la classe politique." "C’est vrai que l’Etat est plus compliqué : il y a plus de procédures, de hiérarchie, mais cette bureaucratie a une raison d’être", abonde-t-elle.

Cette prise de conscience s’anime à la direction de la Sécurité sociale, où "elle est arrivée un peu par hasard". Elle se souvient s’être alors demandé : "Qu’est ce qui fait qu’à 30 ans, on a envie de s’intéresser à la retraite ?" La jeune diplômée d’HEC s’aperçoit très rapidement qu’au-delà du côté "un peu chiant", c’est un "sujet hyper intéressant". "La protection sociale, c’est ce que la France fait de mieux en termes de services publics." Bosseuse, elle apprend alors à maîtriser ce domaine, "très technique mais aussi très politique", qui la stimule intellectuellement. Et devient une experte en la matière. "Electron libre" parmi les énarques, elle se révèle être un véritable atout...

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