Retraite des médecins libéraux : face aux "attaques", la Carmf protège ses réserves
Désormais "en déficit technique", la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) va devoir piocher dans ses réserves pour affronter le déséquilibre démographique des 10 prochaines années. Après avoir évité une exonération totale de cotisations pour les médecins en cumul, la caisse reste aux aguets.
"Les médecins ont une grande confiance dans le modèle de retraite de la Carmf, mais nous sommes tous inquiets des attaques qui sont portées contre l'exercice libéral et contre l'autonomie de gestion de notre caisse", a déclaré son président, le Dr Olivier Petit, en ouverture du colloque annuel de la caisse, organisé samedi 27 septembre à Paris.
Il faut dire que cette année, la Carmf n'est pas passée loin de la "catastrophe" budgétaire. L'exonération totale des cotisations vieillesse pour les quelque 14 000 médecins libéraux en cumul, prévue initialement dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, aurait privé la caisse de 350 millions d'euros par an, "soit 10% de nos recettes", souligne Olivier Petit. Alors que la caisse est désormais en "déficit technique avec des cotisations inférieures aux allocations", un choix difficile se serait présenté : piocher dans les 5,92* milliards d'euros d'une réserve douloureusement constituée pour traverser le creux démographique actuel, ou "abaisser la valeur du point de 8%".
Ces exonérations auraient été, de plus, un "appel d'air" vers le cumul, qui aurait abouti "au mieux à une stagnation de temps médical et au pire, à une perte de temps médical", puisque ça aurait permis aux médecins en âge de prendre leur retraite de "travailler moins en gagnant plus", pointe le généraliste lyonnais.
Multipliant les alertes et les échanges avec les parlementaires et le ministère, les représentants de la caisse sont parvenus à limiter la casse en restreignant l'exonération aux médecins retraités exerçant dans les zones sous-denses, dans la limite de 70 000 euros de revenus. Ce qui représente tout de même un manque à gagner estimé à une "trentaine" de millions d'euros, justifiant une moindre revalorisation de la retraite complémentaire en 2025.
Transfert du recouvrement aux Urssaf : "Une perte d'autonomie que nous ne pouvons accepter"
Mais il reste une menace à écarter, préviennent les dirigeants de la Carmf : celle du transfert du recouvrement des cotisations des médecins cumulants aux Urssaf. Le régime simplifié des professions médicales (RSPM), qui bénéficie déjà aux internes et médecins remplaçants, doit en effet être étendu, l'an prochain, aux médecins en cumul – il pourrait alors concerner "un médecin cotisant sur trois". La mesure, si elle part d'une bonne intention, "amène un surcoût" de 33% pour la Carmf puisque l'Urssaf va lui refacturer sa gestion, prévient Olivier Petit. "Et c'est une perte d'autonomie que nous ne pouvons accepter", lance le généraliste.
Combattant ce transfert, la Carmf défend un projet d'amendement auprès de plusieurs députés et sénateurs membres des commissions des Affaires sociales. Souhaitant toutefois répondre à la "commande" des tutelles, la Carmf a planché sur un "choc de simplification administrative". Si, pour l'heure, le passage d'un médecin au cumul peut s'avérer complexe, il deviendrait "un non-événement", promet Christian Bourguelle, le directeur de la caisse. "On va proposer ce qui est le plus simple et le meilleur pour le médecin, avec des process simplifiés", expose-t-il.
"Les réserves, l'Etat ne peut pas nous les prendre… mais il peut nous imposer de les dépenser"
D'autres mesures se sont avérées plus bénéfiques pour les comptes de la Carmf, telles les revalorisations tarifaires de la nouvelle convention et la réforme de l'assiette des cotisations sociales, qui entrera en vigueur en 2026, et va permettre à la caisse d'envisager l'avenir un peu plus sereinement. Piochant dans les réserves jusqu'à la fin du "papy boom" en 2036, la caisse a prévu "une marge de sécurité", "mais elle n'était pas si importante que ça", pointe son président. "Avec la réforme, on a des recettes supplémentaires qui nous donnent la possibilité d'amortir un choc futur plus dur. Le message, c'est donc que les confrères n'ont pas à s'inquiéter pour leur retraite… toutes choses étant égales par ailleurs", ajoute prudemment Olivier Petit, face à "l'incertitude politique et budgétaire". "Les réserves, l'Etat ne peut pas nous les prendre… mais il peut nous imposer de les dépenser, comme ça aurait été le cas avec l'exonération totale", redoute le président.
Si la Carmf dit ne pas constater, jusqu'à aujourd'hui, de désaffection pour l'exercice libéral – au contraire, les effets du relèvement du numerus clausus commencent à se faire sentir - son président met en garde contre toute mesure coercitive qui dissuaderait les jeunes médecins de s'installer. "Si tout le monde fuyait l'exercice libéral, ce ne serait pas bon pour l'accès aux soins… et ce ne serait pas bon pour nos équilibres."
*au 1er janvier 2025
Quelle revalorisation pour la retraite complémentaire en 2026 ?
"Cette année, on devrait pouvoir maintenir le pouvoir d'achat [des médecins retraités] au niveau de l'inflation", soit une hausse comprise entre 1.4 et 1.7% en 2026, espère le Dr Olivier Petit. Si le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne contient pas de mauvaise surprise, s'empresse d'ajouter le président de la Carmf. "On serait très heureux de faire un geste supplémentaire, mais c'est difficile compte tenu du fait qu'on est dans la période des déficits techniques les plus élevés avec de grosses incertitudes", souligne-t-il.
Mais si le projet de budget n'est pas connu d'ici au 23 octobre, date de la réunion du conseil d'administration, ce dernier pourrait décider de retarder sa décision le temps de disposer des éléments nécessaires, comme il l'a fait ces deux dernières années.
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