Réforme de l'assiette sociale des indépendants : quel impact sur les médecins libéraux ?

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 réforme l'assiette des cotisations des travailleurs indépendants pour plus d'équité avec les salariés. Si les médecins de secteur 1 devraient être gagnants, les praticiens de secteur 2, en particulier ceux qui ont un haut revenu, devraient figurer parmi les grands perdants. Décryptage.

15/01/2024 Par P.P.

Assiette sociale. Derrière ces mots, se cache une des iniquités qui opposent le monde salarié aux indépendants. Ces derniers partent en effet avec un handicap. Ils ne peuvent partager le poids de leurs charges sociales avec un employeur, d'où des cotisations et une protection sociale moindres. Ce désavantage naturel serait mieux vécu s'il n'était aggravé par la composition différenciée des prélèvements sociaux. Les indépendants paient plus de taxes que de cotisations créatrices de droits, la faute à l'existence d'une assiette simplifiée pour les cotisations sociales et d'une assiette alourdie pour la CSG/CRDS. 

La réforme supprime cette iniquité à partir de 2025. Elle met en place l'assiette unifiée (art. L 131-6 et L136-3 du CSS) qui doit permettre de rééquilibrer la balance en payant moins de contributions et plus de cotisations. Si le principe est louable, la mise en place pratique de cette réforme pose de nombreuses questions. L'assiette unifiée sera constituée des recettes, après déduction des frais professionnels (hors cotisations et contributions sociales), abattu d'un taux fixé à 26%. 

Economie de CSG et de CRDS pour les médecins de secteur 1 

Prenons l'exemple d'un généraliste en secteur 1 qui génère 150000€ de recettes en 2023 pour 40000€ de frais professionnel, 10000€ de CSG/CRDS (dont 7000€ déductibles) et 20000€ de cotisations sociales. Son revenu fiscal et l'assiette de ses cotisations sociales seront estimés à 83000€, là où l'assiette de ses contributions sociales sera de 103000€. Avec la réforme, si son revenu fiscal demeurera inchangé, l'assiette unifiée sera de 110000€ -26%, soit 81400€. Cela représenterait ici une faible réduction pour les cotisations sociales, contre une substantielle économie de 2095€ pour la CSG/CRDS [(103000-81400)*9,7%]. 

Sauf qu'il faudra compenser la perte de recettes pour l’assurance maladie (on parle d’un milliard d’euros), en augmentant le taux de la cotisation maladie, qui passerait de 6,5% à 8,5%. Cette hausse impacterait surtout les médecins en secteur 2, à défaut de participation de la CPAM. Ils sont cités parmi les perdants de la réforme à l'instar des très hauts revenus, en raison du plafonnement de l'abattement de 26% au niveau du Pass*.   

Vigilance 

La transition appellera un temps d'adaptation et de vigilance, notamment sur les nouveaux taux de cotisations. A défaut de certitudes, difficile d'estimer encore le véritable impact financier de cette réforme. Une mesure de sagesse s'impose néanmoins pour 2024 : estimer et moduler au plus juste les cotisations de l'année. Il serait dommageable d'avoir une forte régularisation de cotisations en 2025… à un moment où elles ne seront plus déductibles socialement !  

*46 368 € en 2024

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