Droit au médecin, prescription du pharmacien, fin de la Paces…. Les points chauds de la loi de santé
*Erratum : Au point "numérique en santé", nous avons indiqué par erreur le remplacement de l'Irdes par la plateforme de données de santé. Il s'agit en fait de l'INDS (modification du 3 avril 2019).
- Fin de la Paces et du numerus clausus
L'article 1er du projet de loi de santé rénove l'accès aux études médicales, pharmaceutiques, odontologiques et maïeutiques, en supprimant le numerus clausus et en ouvrant des voies diversifiées. Le nombre d'étudiants admis en deuxième année sera déterminé par chaque université, en fonction des capacités de formation et des besoins de santé du territoire (numerus apertus). Des objectifs nationaux pluriannuels seront établis par l'Etat. Agnès Buzyn vise ainsi une augmentation de 20 % du nombre d'étudiants en médecine formés, soit près de 10 000 par an. Un décret en Conseil d'Etat déterminera les modalités d'admission, de réorientation et de sélection des étudiants.
La réforme s'appliquera à la rentrée 2020 ; des dispositifs transitoires seront prévus pour les "primants" Paces de l'année 2019-2020 ayant échoué, afin qu'ils puissent exceptionnellement présenter une seconde candidature.
- Suppression des ECN
L'article 2 réforme les modalités d'accès au 3e cycle des études de médecine : exit le couperet des épreuves classantes, tombant après trois années de bachotage intensif. Pour accéder à l'internat, les externes devront d'une part, avoir validé leur 2e cycle, et d'autre part obtenu une note minimale aux épreuves finales, qui restent nationales. Un amendement LREM rend par ailleurs obligatoire d'effectuer un stage en zone sous-dense au cours du 2e cycle. "Un jeune médecin n’ira pas s’installer dans une zone ou un milieu qu’il n’a jamais expérimenté en stage", soulignent les députés. Un décret déterminera notamment les modalités d'affectation des postes d'internat, en prenant en compte non seulement les résultats aux épreuves mais aussi le parcours de formation (stages, doubles cursus, etc.) ainsi que le projet professionnel.
La réforme devait s'appliquer initialement aux étudiants débutant leur externat à la rentrée 2019. Un calendrier très serré qui a généré de nombreuses inquiétudes au sein des universités et parmi les carabins concernés. Refusant d'être "la promo crash-test", quelque 500 étudiants ont signé une pétition réclamant un report. Ils ont semble-t-il été entendus : par amendement, la réforme est décalée d'un an.
- Création d'une procédure de certification-recertification des médecins
C'est l'une des zones d'ombre du projet de loi de santé. L'article 3 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances sur la recertification, dans un délai de 12 mois après la parution de la loi. Elles devront déterminer "les conditions de sa mise en œuvre et de son contrôle, les organismes qui en sont chargés, les conséquences de la méconnaissance de cette procédure ou de l’échec à celle-ci, ainsi que les voies de recours ouvertes à l’encontre de ces conséquences". Un amendement souligne la nécessité d'adapter la formation initiale et continue aux évolutions technologiques.
- Praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue)
L'article 4 ouvre aux Padhue l'accès aux contrats d'engagement de service public (CESP), tandis que l'article 21 rénove la procédure d'autorisation d'exercice de ces derniers, en créant un statut unique de "praticien associé en intégration", en remplacement des trois statuts existants de contractuels associés.
- Extension du dispositif de médecin adjoint
Jusqu'ici les internes en dernière année pouvaient assurer des remplacements uniquement dans les zones de plage l'été, ou de montagne l'hiver, en période d'afflux touristique. Une modification du statut de médecin adjoint (article 5) permettra désormais aux internes en dernière année d'assurer des remplacements dans toutes les zones sous-denses.
- Un zonage par spécialité
"Aujourd’hui, ce zonage est défini de manière identique, quelle que soit la spécialité", constate le Dr Olivier Véran : les indicateurs d'accès à la médecine générale sont les seuls retenus. Parce qu'"une zone bien dotée en médecins généralistes peut être par exemple dépourvue en ophtalmologues", le député LREM a fait voter un article additionnel réformant le maillage des zones sous-denses, qui conditionnent les dispositifs incitatifs à l'installation, afin de prendre en compte la densité de la spécialité.
- Statut unique de praticien hospitalier
L'article 6 habilite le Gouvernement à créer par ordonnance un statut unique de praticien hospitalier et à supprimer le concours. Objectif : faciliter l'entrée dans la carrière, diversifier les parcours professionnels et développer l'exercice mixte hôpital-ville. "C'est une volonté des jeunes médecins, qui ne veulent plus faire toute leur carrière uniquement à l'hôpital", assure le ministère de la Santé. Par ailleurs, cet article prévoit aussi la révision des conditions de recours à l'emploi contractuel par un contrat unique, qui pourra permettre à des médecins libéraux d'intervenir à l'hôpital "dans des conditions beaucoup plus attractives", notamment en matière de rémunération. En conséquence, le recours aux médecins intérimaires pourrait être réduit.
- Les missions des CPTS
Alors que les négociations interprofessionnelles sur l'exercice coordonné et les CPTS ne sont pas terminées, un article additionnel issu d'un amendement LREM grave dans le marbre les grandes missions des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) : favoriser la coordination entre les professionnels de santé, promouvoir l'exercice coordonné de l'ensemble des structures du territoire, faire de l'éducation ainsi que de la prévention en santé, "organiser une dynamique interprofessionnelle avec l’instauration de délégations de tâches entre les professionnels", développer les activités de télémédecine et de télésoin (voir ci-dessous) et garantir l'exercice de la démocratie sanitaire en lien avec les élus locaux et les usagers. "L'exercice coordonné ne peut être imposé par la loi", fulmine MG France, qui a boudé la séance de négociation prévue à la Cnam jeudi pour protester contre le vote de cet amendement.
- Nouvelles compétences des infirmières
Un article additionnel, issu de deux amendements LREM, étend les marges de manœuvre des infirmières en les autorisant à adapter la posologie de certains traitements sur la base d'analyses biologiques (sauf indication contraire du médecin et avec obligation d'en informer le médecin traitant) et à prescrire des produits antiseptiques et du sérum physiologique. Les amendements prévoyant de déléguer aux infirmières les certificats de décès ont en revanche été rejetés, mais Agnès Buzyn s'est engagée à présenter un nouvel amendement en séance publique.
- Montée en puissance des pharmaciens
Les députés de la commission des Affaires sociales ont voté pas moins de trois amendements octroyant de nouvelles missions aux pharmaciens. Malgré l'opposition des syndicats de médecins libéraux et les réserves de la ministre de la Santé, ils ont notamment créé un article additionnel autorisant les pharmaciens, à compter du 1er janvier 2020, à délivrer sans ordonnance des médicaments normalement soumis à prescription pour traiter des pathologies simples mais relativement urgentes : cystites aiguës, angines, conjonctivite…
Un autre amendement consacre le statut de pharmacien "correspondant" du patient chronique, dont il pourra renouveler le traitement, voire adapter la posologie. Enfin, le pharmacien est également autorisé à remplacer un médicament prescrit en cas de rupture d'approvisionnement susceptible de mettre en jeu le pronostic vital du patient ou d’entrainer une perte de chance importante et ce, "sans l'accord exprès et préalable du prescripteur", mais en suivant les recommandations de l'ANSM.
- Création d'un droit opposable au médecin traitant
Cet amendement surprise du député LR Bernard Perrut a provoqué la colère de la profession. Il permet à un patient de saisir le directeur de sa CPAM "afin qu'un médecin traitant puisse lui être désigné parmi une liste de son ressort géographique". S'il est adopté en séance publique, cet article rendrait "opposable l'accès au médecin traitant", résume son auteur. "Une version moderne du STO !", s'insurge notamment le Dr Garrigou-Grandchamp de la FMF.
Les trois amendements polémiques restreignant la liberté d'installation ont, en revanche, tous été retoqués.
- Labellisation et missions des hôpitaux de proximité
C'est la première étape de la refonte de la carte hospitalière voulue par le Gouvernement. Ces hôpitaux de proximité "assurent le premier niveau de la gradation des soins hospitaliers et orientent les patients qui le nécessitent, conformément au principe de pertinence des soins, vers les établissements de santé de recours et de référence ou vers les autres structures adaptées à leurs besoins", précise l'article 8 du projet de loi. Les missions de ces établissements devaient initialement être définies par ordonnances. Mais face aux inquiétudes soulevées par cette procédure, le Gouvernement a finalement déposé un amendement comblant les blancs et ouvrant grand les portes de ces établissements à la médecine de ville. Les hôpitaux de proximité auront pour mission d'apporter "un appui aux professionnels de santé de ville et aux autres acteurs de l'offre de soins pour répondre aux besoins de la population, notamment le cadre hospitalier nécessaire à ces acteurs pour y poursuivre la prise en charge de leurs patients lorsque leur état le nécessite", stipule le texte, permettant le cas échéant aux libéraux d'y exercer. Les hôpitaux de proximité contribuent par ailleurs "à la prise en charge et au maintien des personnes en situation de vulnérabilité dans leur milieu de vie" et "participent à la prévention et la mise en place d’actions de promotion de la santé sur le territoire". Ces établissements – 500 à 600 – "exercent une activité de médecine, offrent des consultations de diverses spécialités, disposent de ou donnent accès à des plateaux techniques d’imagerie et de biologie médicale" mais "n’exercent pas d’activité de chirurgie ni d’obstétrique". En fonction des besoins de la population et "de l'offre de soins", ils peuvent néanmoins être amenés à assurer des urgences, des activités prénatales et postnatales et des SSR. Les modalités de gouvernance de ces établissements seront définies par ordonnances. De même, l'article 9 habilite le Gouvernement à modifier par ordonnances le régime d'autorisation des activités.
- Des GHT tout-puissants
L'article 10 du projet de loi de santé rend obligatoire au 1er janvier 2021 la création d'une "commission médicale de groupement" au sein des GHT et mutualise les ressources humaines médicales. Il ouvre par ailleurs, par le biais d'un droit d'option, la possibilité de mutualiser des fonctions supplémentaires, comme la trésorerie, pour les GHT volontaires.
- Numérique en santé
Une plateforme de données de santé est créée en remplacement de l'INDS* (article 11). Cette base très riche et sécurisée pourra permettre aux chercheurs d'exploiter des données de santé élargies aux données cliniques, et plus seulement médico-administratives. A compter du 1er janvier 2022, tous les patients pourront ouvrir un compte pour accéder à leur espace numérique de santé (article 12). Via ce portail, ils pourront retrouver leur DMP et une messagerie sécurisée pour échanger avec les professionnels de santé.
- Télésoin
Pour aller au-delà de la télémédecine et ouvrir la pratique aux autres professionnels, le texte (article 13) autorise une activité à distance pour les paramédicaux.
- Prescription dématérialisée
L'article 14 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure favorisant le développement des ordonnances dématérialisées. "Les arrêts de travail sont prescrits, sauf exception, de manière dématérialisée via un service mis à la disposition des professionnels de santé par les organismes d’assurance maladie", complète un amendement.
- Assistants médicaux
Alors que les négociations conventionnelles se poursuivent, un amendement du rapporteur général Thomas Mesnier sécurise la pratique de ces futurs professionnels, à mi-chemin entre la secrétaire et l'infirmière, en les autorisant à accomplir des gestes soignants (prise de constantes, réalisation d'examens simples) "dans la limite de leur formation".
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Faut-il prévoir deux stages en libéral pour tous les internes de spécialité ?
Michel Pailleux
Oui
Ma collègue qui vient d'obtenir sa spécialité de MPR , et qui a pratiqué pendant plusieurs années la M.G. à la campagne, a suivi ... Lire plus