Obligation de prendre des nouveaux patients : "Médecin, je vais devoir me décider à faire un autre métier"

14/03/2019 Par Dr Yvon Le Flohic
Politique de santé

Changer de métier, déplaquer… Nombreux sont les médecins qui ont émis l'idée d'une reconversion prochaine en apprenant que les députés voulaient rendre opposable l'accès à un médecin traitant. Le Dr Yvon Le Flohic, généraliste dans les Côtes-d'Armor est l'un d'eux.

  "Bernard Perrut, du groupe Les Républicains a eu la brillantissime idée de rendre opposable la désignation d'un médecin par un directeur de caisse de sécurité sociale. Mais de quoi s'agit-il concrètement ?

Et bien voilà dans ma commune deux médecins généralistes sont partis sans successeurs (comme d'habitude), laissant 3 000 patients sans médecin traitant. Nous sommes donc rendus en gros à faire de la médecine humanitaire. Nous sommes encore 5 installés quand il y en avait 8, et nous ne pouvons absorber raisonnablement l'activité d'autres collègues. Il en va ainsi un peu partout en France. Nous sommes donc confrontés à de l'agressivité et de la violence légitime (mais un peu moins que notre secrétaire pour laquelle j'ai dû parfois quitter la consultation pour menacer d'appeler la police vu la teneur des propos tenus). J'ai pris en charge des dossiers lourds de fin de vie, soins palliatifs entre autres, mais je ne peux répondre à l'ensemble de la demande parce que les politiques, dont Bernard Perrut, député depuis 1997, n'ont pas vraiment organisé ce qui devait l'être.  

Comment avons-nous à ce point valorisé la médiocrité ?

  Depuis moins de 15 jours, j'ai eu en main les dossiers de plusieurs patients dont la vie dépendait à ce moment de la qualité de prise en charge, et je ne peux que signaler l 'épuisement qui me gagne à négocier des prises en charges licites (carcinome pulmonaire/méningite carcinomateuse/carcinose péritonéale) chez des patients par ailleurs jeunes qui auraient probablement été soignés avec plus de diligence institutionnelle s'ils avaient été députés et pris en charge au Val de grâce. La question qui me vient à la lecture de cet amendement est de savoir comment avons-nous à ce point valorisé la médiocrité, l'absence totale de prospective ? Et comment pouvons-nous encore espérer une quelconque amélioration de la situation des patients et des soignants quand nous voyons les amendements déposés à l'occasion de cette loi santé ? La médiocrité politique me semble atteindre un niveau assez improbable, et c'est bien dommage. Il reste pourtant encore des professionnels de terrain impliqués sur le terrain. Il faudrait éviter de définitivement les décourager. Chaque mois qui passe voit une complexification dans la prise en charge des patients, dermato, gynéco, imagerie, et actuellement carrément des refus de prise en charge. Au CH : on ne donne plus de RDV dans telle spécialité… Je vois donc approcher le moment où il va sans doute falloir raisonnablement me décider à faire un autre métier, parce que nous ne porterons pas tout cela sur nos épaules indéfiniment."

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Claire FAUCHERY

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