Grippe

Pourquoi l’épidémie de grippe est si marquée cette année ? Un expert de l’Institut Pasteur fait le point

La grippe hivernale s’est fortement accélérée chez les enfants et le niveau d’intensité à l’hôpital reste très élevé dans toutes les classes d’âge. Vincent Enouf*, responsable adjoint du Centre National de Référence (CNR) des virus des infections respiratoires de l’Institut Pasteur, fait le point.

22/01/2025 Par Michèle Reboul
Grippe Infectiologie
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Egora : La semaine allant du 6 au 12 janvier s'est distinguée par une "sévérité marquée de l'épidémie" de grippe, qui a atteint un "niveau d'intensité élevé" quel que soit l'âge des patients, selon le bulletin hebdomadaire publié par Santé publique France (SPF). Où en est-on sur le plan épidémique ?

Vincent Enouf : En général, nous observons toujours une pause épidémique pendant les vacances de Noël. Puis, la grippe repart début janvier avec la réouverture des écoles. Cela s'est, à nouveau, confirmé cette année. Mais d'après l'analyse du réseau de laboratoires privés Relab (comprenant Cerba, Biogroup, Inovie et BioLBS), le redémarrage de l'épidémie est davantage marqué depuis le début de la semaine 3, avec une réaugmentation du taux de détection des virus grippaux (30,58% en semaine 2 contre 32,03% en semaine 3). 

Les données fournies par Relab nous permettent d'obtenir une photographie de l'épidémie en ville. D'ici quelques jours, nous pourrons les comparer avec celles de l'hôpital émanant du réseau national des laboratoires des centres hospitaliers (Renal).

Nous ne savons pas encore si nous allons bientôt connaître un pic ou uniquement un phénomène de plateau, avant une chute de l'épidémie

 

Peut-on parler de pic épidémique ? 

C'est une question à laquelle il est difficile de répondre à l'heure actuelle, car l'augmentation épidémique est récente. Nous ne savons pas encore si nous allons bientôt connaître un pic ou uniquement un phénomène de plateau, avant une chute de l'épidémie. 

 

La grippe s'est intensifiée en ville dès la deuxième semaine de janvier et a généré une "activité hospitalière très élevée", selon les données de SPF. Comment l'expliquez-vous ?

Cette année, l'épidémie de grippe est très particulière car les trois virus grippaux - A(H1N1), A(H3N2) et B/Victoria - co-circulent. Chacun de ces virus touche une partie différente de la population. A(H1N1) a plutôt tendance à s'attaquer aux personnes actives et non aux seniors. Car ces derniers ont souvent déjà rencontré ce virus, dont la forme initiale date de 1918. En revanche, ils sont davantage concernés par le A(H3N2). Le virus B/Victoria, quant à lui, touche surtout les enfants.

Contrairement aux années précédentes où la grippe concernait plutôt une population précise (en raison d'un virus majoritaire), cette année, les jeunes comme les plus âgés sont touchés. Cela engendre une activité particulièrement intense dans les hôpitaux qui se retrouvent sous tension, faute de lits et de personnel soignant suffisants. En témoignent les plans blancs qui se sont multipliés partout en France. 

Par ailleurs, un grand nombre de personnes âgées et fragiles sont hospitalisées pour la grippe. Or, il y a 15 jours, seules 50% des personnes à risque (plus de 65 ans, patients chroniques, en obésité...) ayant reçu un bon de prise en charge pour la vaccination anti-grippale de la part de leur caisse d'Assurance maladie, l'avaient utilisé. Cette situation est inacceptable. Car ces patients non vaccinés présentent des formes sévères de grippe. Cela prouve que l'intérêt de la vaccination n'est pas bien compris par la population concernée.

 

D'après SPF, en France, la part des décès avec une mention de grippe (parmi l'ensemble des décès certifiés) continue d'augmenter, témoignant de la gravité de l'épidémie. Cela représente tout de même 611 décès sur la semaine achevée le 12 janvier...

Outre la virulence du virus actuel, ce nombre important de décès s'explique, là encore, par le fait qu'un grand nombre de personnes âgées et/ou fragiles n'ont malheureusement pas été vaccinées contre la grippe. Par ailleurs, un autre virus touche les seniors : il s'agit du virus respiratoire syncytial (VRS). Malheureusement, cette année, un grand nombre de patients âgés ont été touchés par le VRS, puis par la grippe. Ce qui peut expliquer une fragilisation extrême de leur état de santé pouvant mener au décès.

Il s'agit d'un virus qui débute toujours chez les très jeunes : dans les crèches et les écoles

 

La grippe est-elle en forte hausse chez les enfants ?

Tout à fait. Les 0/5 ans sont la classe d'âge la plus touchée actuellement. Les données récentes du réseau Relab confirment cette tendance : plus de 50% des enfants prélevés pour une triplex de détection (Covid, grippe, VRS) ont eu un résultat positif pour la grippe. Il s'agit d'un virus qui débute toujours chez les très jeunes : dans les crèches et les écoles. Le fait que les enfants continuent à être touchés montre que l'épidémie n'est pas terminée. 

À l'hôpital, les passages aux urgences et les hospitalisations d'enfants de moins de cinq ans pour grippe ou syndrome grippal ont fortement augmenté. Mais ceux des personnes de toutes les autres classes d'âge ont baissé, tout en demeurant à un niveau d'intensité très élevé.

 

Quelles sont les recommandations pour protéger la population ?

Le port du masque dans les lieux publics, le lavage régulier des mains et le fait d'aérer le domicile au moins 15 minutes par jour font partie des mesures fondamentales. Par ailleurs, la vaccination anti-grippale précoce des personnes âgées et fragiles devrait être systématiquement recommandée par le médecin traitant. Ces patients doivent être vaccinés en octobre, dès le début de la campagne vaccinale, date à laquelle les doses sont disponibles dans les officines. Les personnes qui entourent les patients fragiles doivent également être vaccinées. 

Cette année, les couvertures vaccinales sont inférieures à celles estimées pour la saison 2023-2024. Mais il n'est pas trop tard. La Direction générale de la santé a, en effet, rappelé qu’il est encore temps de se faire vacciner, et cela, jusqu’au 31 janvier car le pic épidémique n’est pas encore atteint.

 

*Vincent Enouf déclare n’avoir aucun lien d’intérêts

Références :

D’après un entretien avec Vincent Enouf, responsable adjoint du Centre National de Référence (CNR) des virus des infections respiratoires de l’Institut Pasteur. 

Médecin généraliste, serez-vous volontaire pour encadrer un docteur junior ?

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En tant que MSU , je ne souhaite pas participer à cette mascarade. Il ne s’agit pas de formation, mais d’utilisation de ressource... Lire plus

7 débatteurs en ligne7 en ligne
Photo de profil de Severine Dardel
285 points
il y a 17 jours
Arréter de toujours reprocher aux autres ce qui incombe au patient lui-même. Quand 50% des patients ayant reçu le bon ne se font pas vacciner, ce n'est la faute ni du medecin, ni du labo ! Le médecin
Photo de profil de Nathalie Hanseler Corréard
308 points
Médecine générale
il y a 9 jours
Et si vous preniez un peu de recul afin de ne pas vous stresser ? Un médecin n'est pas un scientifique, un pharmacien n'est pas un médecin ( j'ai eu droit à une dose de vaccin Covid, sans interro, deb
Photo de profil de Anne Hardy-Tamakoshi
8 points
Médecine d’urgence
il y a 14 jours
Étant à la retraite cette année (67 ans) je n’ai pas fait le vaccin dans mon service à L’automne. Je me suis faite vaccinée avec mon mari tardivement dans une officine avec les deux dernières doses di
 
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