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L’IA pour la détection automatisée du mélanome

Dans un contexte de forte pénurie de dermatologues, l’incidence en constante augmentation des cas de mélanomes constitue aujourd’hui une réelle problématique de santé publique. Face à cette crise démographique sans précédent, les outils d’intelligence artificielle (IA) pourraient aider à optimiser et prioriser le parcours de soins. Les dernières rencontres de la Dermatologie-Vénérologie organisées par le Syndicat National des dermatologues-Vénérologues les 30 et 31 janvier dernier ont été l’occasion de revenir sur l’impact de l’IA sur l’imagerie cutanée.

07/03/2025 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Dermatologie Cancérologie
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Si elle existe depuis plus longtemps, l’IA est au centre de nombreux enjeux depuis seulement une dizaine d’années. Et cela s’explique par une combinaison de plusieurs facteurs comme des évolutions technologiques majeures, la possibilité d’engranger un nombre de données très important avec l’ère du big data ou encore la possibilité de numériser toutes les photos et images. Des avancées qui se sont traduites par la mise en place du « deep learning » par le français Yann Lecun (1) en 2015, qui a permis le développement de systèmes d’aide au diagnostic, notamment par la reconnaissance et le traitement des images utilisées dans la pratique clinique.

La nécessité de développer un algorithme

« Il faut bien comprendre que l’IA n’est pas synonyme de machine auto-apprenante », précise la Dre Jilliana Monnier, dermatologue-vénérologue à l’hôpital de la Timone (AP-HM). S’il existe différentes méthodes pour développer un algorithme, la première phase consiste en un apprentissage sur une base de données labellisées. Ce n’est que dans un second temps qu’intervient l’étape dite « de test » sur une base de

données différente de la première. Une évaluation des performances de l’algorithme devient alors possible et se traduit par une courbe ROC (avec un test de sensibilité – spécificité) qui s’est imposée dans le domaine médical car elle permet la détermination et la comparaison des performances diagnostiques de plusieurs tests à l’aide de l’évaluation des aires sous la courbe. « Mais attention, socle d’une IA performante, des erreurs dans l’algorithme figurent encore aujourd’hui parmi les limites de cette méthode de classification », précise la dermatologue.

Des performances équivalentes aux dermatologues ?

En 2018, une publication parue dans Annals of Oncology (2) révélait qu’un ordinateur avait des performances supérieures à l’humain lorsqu’il s’agissait de faire la distinction entre des lésions pigmentées mélanocytaires et des lésions pigmentées bénignes. En 2019, une autre étude parue dans The Lancet Oncology (3) mettait en évidence une précision diagnostique des algorithmes d’apprentissage automatique supérieure à celle des dermatologues dans le diagnostic des lésions cutanées pigmentées. « L’idée ici n’est pas de démontrer qu’il est possible de se passer de médecins au profit de l’IA mais bien de prouver que celle-ci peut constituer une assistance diagnostique solide et efficace », précise la Dre Monnier.

La technologie pour garantir un bon suivi des patients et palier aux manque de spécialistes

En 2022, l’AP-HM s’est équipée du système Vectra, une première en France. « Ce système propose une IA bien entraînée qui permet d’accéder à une cartographie automatisée pour mesurer et suivre les lésions. Il permet une comparaison de tous les grains de beauté du patient et de mettre en évidence les lésions qui paraissent atypiques », ajoute-t-elle. « A partir de la base de données dont nous disposons avec 1.000 patients, nous travaillons sur l’autonomisation du mélanome car à une époque où l’offre dermatologique se réduit, automatiser certaines étapes chronophages du dépistage permettra de suivre plus précisément les patients qui en ont le plus besoin », plaide la Dre Monnier qui est aussi responsable du centre de dépistage automatisé du mélanome à Marseille qui l’utilise.

« Il faut se servir de la technologie pour améliorer nos pratiques et offrir aux patients un dépistage et un diagnostic le plus précis possible », ajoute-t-elle.

Dès lors qu’ils sont construits avec pertinence, ces outils d’IA auraient donc le potentiel de révolutionner l’exercice médical au quotidien. Toutefois, la définition d’objectifs pertinents et l’établissement d’un cadre réglementaire et éthique sont des prérequis indispensables à un usage serein. Pour la dermatologue, « si le gain de temps apporté par l’IA est indiscutable dans notre spécialité, la prudence reste de mise. Il faut impérativement rester maître de sa pratique ! Une grande réflexion sur la responsabilité et l’éthique de cette pratique doit être menée. La question du recours se pose aussi car il n’est pas rare que l’IA ait finalement un temps d’avance sur notre visualisation. Dès lors, que répondre à un patient qui vous oppose le fait que le logiciel avait détecté quelque chose avant vous ? ».

Références :

Sources : D’après une Table ronde organisée par le Syndicat National des Dermatologues-Vénérologues (SNDV, le 30 janvier)

(1) Yann Lecun et al. Nature 2015

(2) HA Haenssle et al., Annals of Oncology, 2018

(3) Tschandl et al. The Lancet Oncoly, 2019

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