Mélanome : l’immunothérapie a le vent en poupe

08/06/2022 Par Roxane Goulam
Dermatologie
La semaine de prévention et de sensibilisation au dépistage des cancers de la peau aura lieu du 13 au 17 juin prochain. L’occasion de rappeler les progrès réalisés dans ce domaine, et d’insister sur les espoirs apportés par la recherche.

  Le point avec le Dr Delphine Kerob, dermatologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris et porte-parole du Syndicat National des Dermatologues-Vénéréologues de France.   Egora - Le panorama du médecin : La situation épidémiologique concernant le mélanome est-elle préoccupante à l’heure actuelle ? Dr Delphine Kerob : Oui, nous avons aujourd’hui, en France, plus de 15 000 nouveaux cas de mélanome par an.  Mais surtout, ce qu’il faut avoir en tête, c’est que le mélanome est un cancer dont l’incidence continue à augmenter malgré les campagnes de prévention mises en place depuis de nombreuses années. Les résultats d’une récente étude (1) prédisent une augmentation du nombre de cas de mélanome de 50% entre 2020 et 2040.   Selon vous, qu’est-ce qui expliquerait cette tendance à l’augmentation des mélanomes ? Peut-on améliorer le dépistage et la prévention ? En 2021 les résultats d’une étude épidémiologique (2), montrent que les gens connaissent plutôt bien les dangers du soleil, mais qu’ils se protègent mal et ne comprennent pas bien les différents types de rayonnements du soleil. En revanche, il est intéressant de noter que les patients ayant déjà eu un cancer de la peau ou étant suivis au moins une fois par an par un dermatologue ont une meilleure connaissance des dangers du soleil et se protègent mieux. Concernant le dépistage, il y a, en effet, des progrès à faire. Le problème est que les dermatologues ne voient qu’une petite partie de la population et qu’il n’y a pas un pool de spécialistes suffisant pour pouvoir faire du dépistage de masse. Il faut donc absolument continuer à éduquer d’une part les autres professionnels de santé sur les lésions suspectes et les patients à adresser rapidement chez le dermatologue, et d’autre part la population générale, aux risques du soleil, aux manières de s’en protéger, mais également à l’identification de lésions suspectes par rapport à des lésions bénignes. Des outils d’intelligence artificielle sont en ce moment développés pour aider à cette sensibilisation.   Quels sont les traitements actuels du mélanome ? Le traitement de référence du mélanome reste la chirurgie précoce. Cependant, il y a eu d’énormes progrès thérapeutiques ces dernières années, avec à la fois les thérapies ciblées et l’immunothérapie. Les thérapies ciblées sont très efficaces et concernent à peu près la moitié des patients souffrant de mélanomes qui ont une mutation du gène Braf. Ces patients peuvent être traités par des associations d’inhibiteurs de Braf et de protéine MEK. Il existe 3 combinaisons de ces inhibiteurs qui sont désormais approuvées au stade métastatique comme au stade adjuvant, c’est-à-dire en complément de la chirurgie, chez des patients à haut risque de récidive. Et puis il y a l’immunothérapie, avec les inhibiteurs de check-points : les anticorps anti-CTLA-4, les anti-PD1 et leurs combinaisons, qui améliorent encore davantage l’efficacité. L’immunothérapie est aussi approuvée en traitement adjuvant de la chirurgie pour les patients à haut risque de récidive, ce qui a complètement changé la perspective des patients et leur survie globale. Auparavant, nos patients avaient une survie moyenne de 1 an quand ils étaient au stade métastatique, tandis qu’aujourd’hui, ils ont une survie et une qualité de vie nettement améliorées par ces nouveaux traitements.    Y a-t-il toutefois des limites à l’utilisation de ces thérapies ? Ces traitements peuvent présenter de nombreux effets indésirables parfois sévères et limitants. En ce qui concerne les thérapies ciblées, on peut avoir des réactions de photosensibilité, des éruptions acnéiformes, des sécheresses cutanées ou encore des syndromes mains-pieds. Quant à l’immunothérapie, elle peut provoquer des réactions immunologiques très sévères qui peuvent nécessiter l’arrêt du traitement ou une association avec des corticoïdes. Parmi ces effets, on retrouve entre autres des atteintes auto-immunes, mais aussi et surtout des diarrhées. Par ailleurs, concernant les thérapies ciblées, il existe un autre facteur limitant qui est le développement de résistance au bout de quelques mois de traitement, ce qui impose un changement de traitement. Ces effets secondaires sont maintenant bien connus, anticipés et maîtrisés.   Quels sont actuellement les axes de recherche et d’innovation thérapeutiques ? A ce jour, beaucoup de recherches portent encore sur l’immunothérapie, pour trouver de nouvelles combinaisons de traitements et améliorer encore les réponses. On se concentre sur l’immunothérapie car, contrairement aux thérapies ciblées pour lesquelles nous avons un phénomène de résistance, elle procure des réponses durables et prolongées. En parallèle, les progrès qui ont été faits dans le mélanome ont entraîné aussi des progrès dans d’autres tumeurs, plus rares, comme le carcinome de Merkel, mais également les carcinomes basocellulaires et épidermoïdes localement avancés ou métastatiques. Ce sont aussi des cancers pour lesquels l’arsenal thérapeutique est plus pauvre et mérite d’être enrichi. *Le Dr Delphine Kerob déclare avoir des liens d’intérêt avec le laboratoire La Roche-Posay.      

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