
CAR-T cells : une révolution en gestation
Pour l’instant indiquées seulement contre les cancers hématologiques, les CAR-T cells pourraient révolutionner la prise en charge des maladies auto-immunes. Dont le lupus systémique, contre lequel les résultats sont très positifs.

«Nous avons connu l’arrivée des anticorps monoclonaux au cours des années 2000. Il se pourrait que les CAR-T cells soient la prochaine révolution», avance le Pr Christophe Richez, chef du service de rhumatologie du CHU de Bordeaux. De quoi s’agit-il ? Tout d’abord, des lymphocytes T sont prélevés chez le patient par leucaphérèse, puis modifiés génétiquement ex vivo par introduction d’un gène codant pour un récepteur chimérique, le chimeric antigen receptor (CAR). Celui-ci porte, dans sa partie extracellulaire, des fragments d’anticorps dirigés contre un antigène à cibler, par exemple ceux présentés en surface des cellules tumorales.
Durant cette procédure de modification génétique, le patient est soumis à une profonde lymphodéplétion, par administration de traitements tels que la fludarabine ou le cyclophosphamide. Une fois réinjectés, les lymphocytes T modifiés, désormais CAR-T cells, peuvent rapidement se multiplier, puis s’attaquer à l’antigène ciblé par le CAR – détruisant par exemple des cellules tumorales. À ce jour, la stratégie des CAR-T cells n’est d’ailleurs indiquée que contre certains cancers hématologiques.
Des résultats très concluants contre le lupus
Au-delà des cancers, les CAR-T cells présentent un intérêt contre les maladies auto-immunes, au rang desquelles plusieurs de nature rhumatologique. C’est contre le lupus systémique que de premiers essais ont été menés, avec la publication en septembre 2022 de cinq premiers cas de patients lupiques traités avec succès (1). La stratégie consiste à cibler les lymphocytes B, producteurs d’anticorps, et donc responsables du processus auto-immun. Dirigés contre des marqueurs spécifiques des lymphocytes B (CD19, BCMA), les CAR-T cells induisent une destruction quasi complète de cette population cellulaire.
«Peut-être que les CAR-T cells provoquent un reset immunologique, avec disparition complète des lymphocytes B [dont ceux responsables de l’auto-immunité]. Quand ceux-ci reviennent après quelques semaines, leur profil est totalement différent, avec uniquement des lymphocytes “naïfs”, non autoréactifs», explique Christophe Richez. C’est ce que suggèrent les résultats cliniques des patients traités, souvent atteints de formes de lupus très sévères et en multi-échec thérapeutique, et qui atteignent rapidement un état de rémission sans besoin de traitement.
Au-delà du lupus, d’autres maladies auto-immunes, dont la sclérodermie systémique et les myosites (ou myopathies idiopathiques inflammatoires), ont fait l’objet de premiers essais, là aussi avec des résultats très positifs. En novembre 2024, le premier cas d’une patiente traitée par CAR-T cells pour une polyarthrite rhumatoïde, après avoir échoué avec l’ensemble des biothérapies commercialisées, a été publié, là aussi favorablement (2).
Parmi les effets indésirables des CAR-T cells, le syndrome de libération de cytokines (cytokine releasing syndrome en anglais [CRS]) se caractérise par de la fièvre, une fatigue, de l’hypoxie, une tachycardie et une hypotension. Il peut être associé à une neurotoxicité, dénommée immune effector cell-associated neurotoxicity syndrome (Icans), comportant aphasie, céphalées, délires et vertiges. Si ces effets sont fréquents chez les patients atteints de cancers hématologiques, ils semblent moins sévères chez ceux traités pour une maladie auto-immune.
CAR-T cells, ARNm…
Plusieurs pistes sont à l’étude pour améliorer la technique des CAR-T cells. Parmi elles, l’usage de cellules hétérologues (non issues du patient lui-même), et non plus autologues, en vue d’un produit “prêt-à-l’emploi”, ce qui nécessiterait de nouvelles modifications génétiques pour empêcher le rejet de greffe. Également en vue, selon Christophe Richez, la possibilité de ne cibler les CAR-T cells que sur la sous-population de lymphocytes B responsables de l’auto-immunité. Ou encore la transformation in vivo, et non plus ex vivo, des lymphocytes T en CAR-T cells, à l’aide de vecteurs viraux ou de nature nanoparticulaire.
Autre innovation en cours : l’ARN messager, popularisé par le vaccin contre le Covid-19. Au-delà des autres vaccins ARNm en cours de développement contre des maladies infectieuses, plusieurs candidats, à visée thérapeutique, sont actuellement testés en phase III contre divers cancers, dont celui du poumon, le mélanome et le carcinome épidermoïde cutané.
L’ARNm, «couteau suisse de la médecine», selon le Pr Steve Pascolo, du service de dermatologie de l’hôpital universitaire de Zurich (Suisse), pourrait aussi trouver des applications en rhumatologie. Par exemple, pour faire produire, in vivo par le patient lui-même, des anticorps thérapeutiques similaires aux biothérapies injectables. Ou bien afin de «tolériser» le système immunitaire vis-à-vis des auto-antigènes qu’il cible, de manière erronée, dans les maladies auto-immunes. Également en vue, l’ARNm pourrait permettre de simplifier la transformation ex vivo des lymphocytes T en CAR-T cells, qui se fait actuellement par des vecteurs viraux.
Au programme du congrès :
- Arthrose de la main : de premières recommandations françaises
- Gonarthrose : une recherche sur plusieurs fronts
- Les nombreux bénéfices de la supplémentation vitamino-calcique
- Rhumatismes inflammatoires chroniques : la pollution de l’air favoriserait les poussées
- Rhumatismes inflammatoires : l’horizon lointain d’un traitement préventif
Références :
D’après le 37e Congrès français de rhumatologie, Paris, 8 au 10 décembre 2024. D’après les présentations du Pr Christophe Richez (CHU de Bordeaux) et du Pr Steve Pascolo (Zurich, Suisse) lors des sessions « Conférences d’actualités » et « Thérapies ARN : bientôt en rhumatologie ? ».
1. Mackensen A, et al. Nature Medicine, 15 septembre 2022.
2. Lidar M, et al. Annals of the Rheumatic Diseases, 27 novembre 2024.
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