gonarthrose

Gonarthrose : une recherche sur plusieurs fronts

Bien que la prise en charge de l’arthrose demeure avant tout symptomatique, les recherches se poursuivent pour agir au niveau même du cartilage, en vue d’interférer avec la progression de la maladie.

03/02/2025 Par Romain Loury
37e Congrès français de rhumatologie Rhumatologie
gonarthrose

En 2018, la Food and Drug Administration (FDA), agence sanitaire américaine, accordait à l’arthrose le statut de «serious condition», ouvrant la voie au développement accéléré de nouveaux médicaments. À ce jour, ceux disponibles pour traiter l’arthrose ne visent qu’à soulager les symptômes, en particulier la douleur. Quant aux traitements visant à ralentir, voire à inverser, la progression radiographique, la recherche se poursuit, malgré plusieurs échecs.

«Nous sommes encore à la recherche de traitements qui ciblent le cartilage. Pour l’instant, aucun de ceux testés n’a apporté de réelle solution», constate le Pr Jérémie Sellam, du service de rhumatologie de l’hôpital Saint-Antoine (Paris). Parmi les candidats toujours en lice, le LNA043, dérivé de l’angiopoïétine-like 3, a livré fin 2022 des résultats prometteurs de phase I chez des patients atteints de gonarthrose (1). Au cours des trois semaines suivant l’injection intra-articulaire, les participants présentaient un profil d’expression génétique évocateur d’une reconstitution du cartilage. Toutefois, les résultats d’une étude de phase II, actuellement en cours, seront nécessaires afin d’évaluer un éventuel bénéfice clinique.

 

Un repositionnement de médicaments connus
 

Au-delà de la recherche de nouveaux traitements se pose aussi la possibilité du repositionnement de médicaments déjà disponibles dans d’autres indications. Ainsi, le liraglutide, utilisé comme antidiabétique de type 2, fait actuellement l’objet d’un essai dans la gonarthrose par voie intra-articulaire, après des résultats prometteurs chez l’animal tels qu’un effet protecteur contre la dégradation du cartilage (2). Un autre agoniste du récepteur du GLP-1, le sémaglutide, également indiqué contre l’obésité, a obtenu des résultats intéressants chez des patients atteints de gonarthrose. «Chez les patients obèses, la perte de poids peut être associée à la diminution des symptômes de gonarthrose», rappelle la Dre Alice Courties, également rhumatologue à l’hôpital Saint-Antoine.

Lors d’une étude publiée en octobre 2024, comparative et en double aveugle, la prise de sémaglutide par des patients obèses et gonarthrosiques a non seulement été liée à une perte pondérale (-10,6% par rapport au placebo) mais aussi à une diminution de 41,7 points du score Womac de douleur (échelle de 0 à 100), pour une différence statistiquement significative de 14,1 points avec le groupe contrôle (3).

Par ailleurs, le méthotrexate, traitement courant chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques (dont la polyarthrite rhumatoïde), a récemment obtenu des résultats intéressants en prise orale contre la gonarthrose (4). Comparé à un placebo, il a engendré une baisse relative de 0,79 point sur l’échelle visuelle analogique (EVA) de la douleur, sur une échelle de 0 à 10. Un résultat significatif mais modeste : «On peut s’interroger sur la pertinence clinique d’un effet de moins de 1 point d’EVA, après six mois de traitement par méthotrexate», commente Alice Courties.

Toutefois, une analyse post hoc a révélé des résultats plus favorables dans le sous-groupe de patients présentant une inflammation de bas grade, avec un taux de protéine C-réactive supérieur à 2 mg/l, suggérant la possibilité que ce médicament soit plus efficace chez des patients atteints d’arthrose inflammatoire. Le méthotrexate fait, par ailleurs, l’objet d’essais cliniques contre la rhizarthrose, qui touche l’articulation de la base du pouce.

La recherche se poursuit aussi du côté des traitements antalgiques. Lors du congrès de l’American College of Rheumatology (ACR), qui s’est déroulé mi-novembre à Washington, les résultats de deux études de phase II, l’une sur la résinifératoxine (un analogue de la capsaïcine, composant actif du piment), l’autre sur le Levi-04 (un récepteur soluble de la neurotrophine-3), ont montré des bénéfices en termes de diminution de la douleur.

 

Plusieurs approches non médicamenteuses à l’étude

Au-delà des médicaments, d’autres pistes sont à l’étude. Notamment l’injection intra-articulaire de cellules souches autologues, «capables de produire des facteurs de croissance et des facteurs inflammatoires», rappelle Alice Courties. Si des méta-analyses ont suggéré des bénéfices sur la douleur, la fonction et la qualité de vie (mais pas sur la progression radiographique), leur intérêt demeure incertain. Publiée fin 2023, une grande étude portant sur 475 patients gonarthrosiques n’a pas révélé de supériorité, en termes de douleur, de l’injection intra-articulaire de cellules souches par rapport à celle de corticoïdes (5).
 

Autre approche non médicamenteuse : l’artério-embolisation des artères géniculées. Chez les patients arthrosiques – comme chez ceux atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques –, la membrane synoviale, qui tapisse l’intérieur de la capsule articulaire, est hypervascularisée, ce qui favorise l’arrivée d’infiltrats inflammatoires. D’où l’idée de soulager les patients en diminuant le flux sanguin dans la zone articulaire, par l’injection de microbilles dans les artères géniculées. Deux études randomisées et contrôlées, LipioJoint-2 et Eproge, sont en cours en France afin de mieux évaluer l’intérêt de cette technique.

Socle de la prise en charge des patients arthrosiques, les mesures hygiénodiététiques, ayant trait à l’alimentation, à l’activité physique et à la qualité du sommeil, vont prochainement faire l’objet d’une grande étude, dénommée Incredible et menée dans 21 centres français. Elle s’inscrit dans la lignée de l’étude néerlandaise Plants for Joints, qui a confirmé les bénéfices d’une «approche multimodale», comprenant prise en charge diététique, coaching du sommeil, gestion du stress et séances d’activité physique. L’étude Incredible évaluera, quant à elle, chez des patients gonarthrosiques pour lesquels une pose de prothèse du genou est envisagée, s’il est possible de faire aussi bien que la chirurgie, en termes de douleur et de fonction évaluées à deux ans, par une approche multimodale incluant un traitement médical intensifié.

Références :

D’après le 37e Congrès français de rhumatologie, Paris, 8 au 10 décembre 2024. D’après les présentations du Pr Jérémie Sellam et de la Dre Alice Courties (hôpital Saint-Antoine, Paris) lors de la session « Innovation dans la gonarthrose ».

1.    Gerwin N, et al. Nature Medicine, 1er décembre 2022.
2.    Meurot C, et al. Scientific Reports, 28 janvier 2022.
3.    Bliddal H, et al. New England Journal of Medicine, 31 octobre 2024.
4.    Kingsbury SR, et al. Annals of Internal Medicine, 30 juillet 2024.
5.    Mautner K, et al. Nature Medicine, 2 novembre 2023.

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