
Cancer du sein : quel impact sur la fertilité ?
Premier cancer chez la femme en âge de procréer, le cancer du sein et son traitement peuvent altérer les capacités reproductrices. La préservation de la fertilité fait partie du panier de soins de support en oncologie, mais est encore rarement proposée aux patientes.

Plus de 61 000 nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués en France métropolitaine en 2023, dont 10% chez des femmes de moins de 45 ans. "Celles-ci ont tendance à développer plus de formes agressives : triple négatif, grade III, HER2+. Le traitement par chimiothérapie est plus fréquent", a décrit la Pre Charlotte Sonigo, maîtresse de conférences des universités-praticienne hospitalière (MCU-PH) au service de médecine de la reproduction et préservation de la fertilité à l’hôpital Antoine Béclère (AP-HP), lors d’un séminaire organisé par l’Institut national du cancer (INCa) et l’Agence de la biomédecine fin 2024.
La fertilité après un cancer est difficile à prédire. Elle dépend de différents facteurs : l’âge et la réserve ovarienne de la patiente, le type de traitement (chimiothérapie, radiothérapie thérapie ciblée, immunothérapie…), la dose et la durée de traitement…
Des données à consolider
Il existe "des données rassurantes sur la fertilité spontanée ou avec une aide médicale à la procréation (AMP) après un cancer du sein", a rapporté la Pre Anne-Sophie Hamy-Petit, MCU-PH à l’université Paris Cité, gynécologue et oncologue médicale au centre hospitalier de la Polynésie française à Papeete (Tahiti). L’étude Feeric (Fertility, pregnancy, contraception after breast cancer in France), conduite auprès de 642 femmes incluses dans la cohorte Sentinelles, dont 76 avec un antécédent de cancer du sein et 566 sujets contrôle, montre que "la majorité des tentatives de grossesse sont fructueuses à 12 mois", chez 72,7% des femmes ayant eu un cancer versus 78,5% des sujets contrôle, avec un délai de conception et des taux de complications obstétricales similaires.
La plupart des grossesses sont survenues spontanément, mais la probabilité cumulée de recourir à l’AMP avant 12 mois est multiplié par 14 chez les femmes ayant eu un cancer. "Les facteurs associés à la survenue de grossesse sont l’âge, l’indice de masse corporelle (IMC), la régularité des cycles menstruels, le nombre d’enfants avant cancer, le recours à l’AMP, mais pas le fait d’avoir eu un cancer du sein", a résumé la Pre Hamy-Petit. Cette étude récente est néanmoins à considérer avec précaution, car elle porte sur des effectifs réduits. Les données de la littérature font état d’une diminution des chances de grossesse de 40% par rapport à la population générale.
Des profils de risque particulier
D’où l’intérêt d’envisager une préservation de fertilité, notamment pour les profils à risque. Les femmes porteuses d’une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2 (entre 5 et 8% des femmes de moins de 40 ans) ont 70% de probabilité de déclencher un cancer du sein. Cette mutation peut induire une diminution de la réserve ovarienne – sans impact cependant sur les chances de grossesse spontanée – et une ménopause plus précoce.
"Le traitement adjuvant ou néoadjuvant a un risque godadotoxique intermédiaire chez les patientes de 30 à 39 ans, un haut risque chez les plus de 39 ans, et un risque plus faible chez les moins de 30 ans", a décrit la Pre Isabelle Demeestere, responsable du laboratoire de recherche en reproduction humaine à la faculté de médecine de l’Université libre de Bruxelles. Pour ces patientes, "les guidelines recommandent de préserver la fertilité et de ne pas décourager la grossesse", même si elles répondent moins à la stimulation ovarienne et que les performances de la fécondation in vitro sont plus faibles.
Des stratégies à personnaliser
Il existe trois techniques de préservation de la fertilité : la congélation d’ovocytes – qui est la technique de référence –, la congélation d’embryons ou la cryopréservation de cortex ovarien. "La stratégie dépend de plusieurs facteurs : l’âge, la réserve ovarienne, l’urgence à démarrer le traitement, sa gonadotoxicité prévisible, la présence d’un partenaire masculin, le choix de la patiente. Les données concernant la sécurité des protocoles de stimulation hormonale sont très rassurantes. Mais attention à ne pas interpréter trop vite les résultats, il peut y avoir un biais de sélection des patientes de meilleur pronostic", a exposé la Pre Sonigo.
Après traitement, le timing pour démarrer une grossesse et la stratégie pour l’obtenir sont fonction de l’âge, de la réserve ovarienne, de la caractéristique de la tumeur, du traitement adjuvant, et de la réalisation ou non d’une préservation de la fertilité.
Dans tous les cas, l’information des patientes à toutes les étapes de la prise en charge doit être améliorée.
Références :
D’après les interventions des Prs Isabelle Demeestère (Université libre de Bruxelles, Belgique), Anne-Sophie Hamy-Petit (Université Paris Cité, CH de la Polynésie française) et Charlotte Sonigo (hôpital Antoine Béclère, AP-HP), lors du séminaire "Recherche en préservation de la fertilité chez les patients atteints d’un cancer" organisé par l’Institut national du cancer et l’Agence de la biomédecine (3 décembre 2024).
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