Cancer du sein : une imagerie de plus en plus intelligente
L’imagerie occupe une place majeure dans la prise en charge du cancer du sein et elle participe largement à l’amélioration de la survie de ce cancer qui atteint désormais 88% à cinq ans. Mais l’intelligence artificielle est en passe de démultiplier ses bienfaits. A l'occasion du mois de mobilisation d’Octobre Rose, les experts de l’Institut Curie ont fait un point sur les innovations technologiques qui ouvrent de nouvelles perspectives pour la prise en charge des patientes.
L’imagerie est un élément fondamental à tous les niveaux de prise en charge du cancer du sein, du dépistage au pronostic en fonction des traitements, en passant par la préparation de la chirurgie. Elle a énormément progressé ces dernières décennies, permettant à la fois de mieux comprendre chaque type de cancer et d’adapter les traitements pour une prise en charge toujours plus précise et personnalisée de la maladie pour chaque patiente. "Qu’il s’agisse de dépister, de confirmer le diagnostic grâce aux prélèvements guidés par l’imagerie, d’évaluer l’extension de la maladie, d’aider les chirurgiens et les radiothérapeutes à repérer les tumeurs et les ganglions, de mesurer - voire prédire - la réponse des tumeurs aux traitements, ou de dépister une éventuelle récidive, l’imagerie joue un rôle clé à toutes les phases de la lutte contre le cancer du sein", détaille ainsi le Dr Hervé Brisse, chef du département d’imagerie de l’Institut Curie.
L’enjeu est majeur. Le cancer du sein touche en effet chaque année plus de 60 000 femmes en France. Il s’agit du cancer le plus fréquent, mais aussi le plus mortel chez les femmes.
Outre le dépistage par mammographie, l’imagerie intervient aussi, largement au moment du diagnostic, pour évaluer précisément la localisation, l’extension et l’agressivité de la tumeur. L’IRM associée à l’étude dynamique de la perfusion des tumeurs permet aussi de prédire la réponse aux traitements chimio et radiothérapiques.
De nombreuses avancées ont, en outre, été réalisées dans le domaine de la médecine nucléaire. Des nouveaux traceurs plus spécifiques et/ou plus sensibles, utilisés avec le TEP-scanner, permettent d’avoir une cartographie plus précise de la maladie, de mieux repérer les métastases, d’évaluer et de prédire l’efficacité des traitements, ou encore de détecter précocement une rechute. La médecine nucléaire devient aussi un traitement à part entière lorsque le traceur est couplé avec une molécule capable de détruire des cellules spécifiques du micro-environnement tumoral.
L’IA, déjà présente
L’intelligence artificielle (IA) pourrait bien aussi bouleverser la prise en charge du cancer. "L’IA est déjà présente dans de nombreux dispositifs d’imagerie, par exemple pour adapter la capture d’images au positionnement de la patiente, explique la Dre Irène Buvat, directrice du Laboratoire d’imagerie translationnelle en oncologie (LITO - Inserm/Institut Curie). Elle commence également à être utilisée pour l’analyse des images, notamment lors du dépistage du cancer du sein par mammographie, et va l’être de plus en plus pour la sélection et la préparation des traitements."
L’IA entraine ainsi 3 grand types de bénéfices : pour automatiser les analyses, pour mieux exploiter tout ce que reflètent les images, et pour faire de nouvelles découvertes.
Ainsi, tout d’abord, des algorithmes dits "de triage" ont été développés. Ils permettent de faire automatiquement, et dans un temps très rapides certaines mesures sur les examens. Cela permet d’accélérer considérablement l’interprétation des images et réduit la variabilité entre centres, et entre observateurs. Les algorithmes émettent un premier compte-rendu, qui est ensuite revu par les médecins, aidant, par là même, à lutter contre le déficit chronique de radiologues.
Mais l’IA permet aussi de mieux exploiter tout le potentiel que l’on peut tirer des images. Aujourd’hui, les radiologues se basent principalement sur l’analyse des volumes et des contrastes pour interpréter les radiographies. Mais le cerveau humain a des capacités très limitées. Ainsi, il ne serait pas capable d’intégrer conjointement plus de 4 paramètres. L’IA, au contraire, a des capacités qui vont bien au-delà. Elle peut calculer en même temps des centaines de paramètres, dits "radiomiques". Cela concerne par exemple la réponse au traitement. L’IA crée ainsi des modèles de prédiction du bénéfice du traitement, qui est exprimée en pourcentage. "De telles solutions font l’objet de nombreuses recherches, comme celles menées dans l’essai clinique Skyline, précise la Dre Buvat. Le défi concerne la validation à large échelle des modèles prédictifs : il nous faut pour cela un grand nombre de données qui, pour des questions règlementaires, sont parfois difficiles à partager entre chercheurs." Des études sont aussi en cours pour tenter de prédire les cardiotoxicités associées à l’irradiation du sien.
L’IA peut aussi être appliquée à l’imagerie pathologique, toujours pour personnaliser le traitement. Des équipes de l’institut Curie travaillent ainsi à l’identification d’anomalies génétiques ou encore du risque de rechute à partir d’images de biopsie grâce à des algorithmes.
Enfin, l’IA permet de faire de nouvelles découvertes ; en particulier dans la compréhension des différentes phénotypes tumoraux. De nouveaux marqueurs pronostiques tels que l’activité métabolique de certains organes non envahis par le cancer, ou encore la composition corporelle, ont été identifiés. Mais leur "rôle reste à élucider", commente Irène Buvat. L’enjeu est de mieux évaluer l’hétérogénéité des tumeurs, et au final, d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques.
Références :
Conférence de presse de l’Institut Curie, 19 septembre.
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