
La grossesse, une période sous tension sur le plan cardiologique
Les changements hormonaux et hémodynamiques à l’œuvre lors de la grossesse accroissent le risque cardiovasculaire. Quels sont les signes d’alerte ? Comment prendre en charge la future mère et son fœtus ?

Plus de la moitié des femmes enceintes souffrent de palpitations qui, dans la majorité des cas, se résolvent spontanément après l’accouchement. « L’arythmie sinusale est le trouble du rythme le plus fréquent, devant l’extrasystole atriale ou ventriculaire. Elles sont davantage observées chez les femmes avec des cardiopathologies sous-jacentes », a décrit le Pr Raphaël Martins, professeur de cardiologie et électrophysiologiste au CHU de Rennes, lors des Journées européennes de la Société française de cardiologie, en janvier dernier. La démarche diagnostique est la même qu’en population générale : ECG au repos, holter ECG, échocardiographie, test d’effort après un monitoring fœtal et avec une charge moindre, tests cliniques (potassium, TSH) et possible utilisation d’objet connecté (montre). Les traitements sont similaires à ceux de la femme non enceinte, avec quelques modifications. Les bêtabloquants constituent la première option dans la plupart des cas. « Le métoprolol, le propranolol, le bisoprolol sont autorisés, l’aténolol est exclu. L’amiodarone est contre-indiqué, a précisé le Pr Martins. Le risque tératogène est le plus élevé pendant les huit premières semaines de grossesse. Il faut si possible attendre le deuxième trimestre pour initier des médicaments antiarythmiques, à la dose efficace la plus faible. »
Infarctus du myocarde : des symptômes parfois minimisés
Les patientes se plaignent fréquemment de gêne thoracique et de dyspnées. « Il ne faut pas minimiser les symptômes, qui sont ceux que l’on retrouve dans l’ensemble de la population », a insisté la Dre Stéphane Manzo-Silberman, cardiologue interventionnelle aux hôpitaux de La Pitié-Salpêtrière et Lariboisière (Paris). « Être enceinte ne justifie pas une fatigue inhabituelle, un essoufflement, une gêne thoracique… qui doivent faire évoquer la possibilité d’un syndrome coronarien aigu. Ces cas sont rares (entre 2 et 6 pour 100 000 accouchements) mais sont la principale cause de mortalité cardiaque maternelle (plus de 20 %). »
Lors de la grossesse, le risque d’infarctus du myocarde est multiplié par 3 ou 4 par rapport aux femmes non enceintes du même âge, souvent compliqué de choc cardiogénique (38 % contre 4 % en population générale). Les facteurs de risque – dont l’âge maternel – seront évalués et le diagnostic confirmé ou infirmé par l’examen clinique, l’ECG (ondes T inversées plus fréquentes) et le dosage de la troponine. Le traitement comprend l’aspirine à faible dose, le clopidogrel pour une durée brève, les bêtabloquants dans la dissection aortique spontanée. « À chaque étape, il existe une balance bénéfice/risque maternel et bénéfice/risque fœtal », a pointé la Dre Manzo-Silberman.
Embolie pulmonaire : un diagnostic complexe
La douleur thoracique et les dyspnées mais aussi les syncopes ou la lipothymie peuvent être évocatrices d’embolie pulmonaire. « Le score de Wells et le score révisé de Genève sont sûrs et peuvent être utilisés chez les femmes enceintes mais sont moins intéressants dans cette population. La probabilité de diagnostic sera augmentée, donc on fera plus d’investigations », a expliqué la Dre Delphine Douillet, médecin urgentiste au CHU d’Angers. En effet, l’élévation des D-dimères circulants lors de toute grossesse et la moindre pertinence de l’imagerie thoracique complexifient le diagnostic.
De nouvelles stratégies ont été validées. L’une fondée sur le score de Genève et recourant à une échographie de compression proximale en cas de forte probabilité d’embolie pulmonaire ou en cas de D-dimères supérieurs à 500 μg/l ; l’autre fondée sur l’algorithme Years (signes cliniques d’obstruction thrombotique d’un tronc veineux profond, hémoptysie, embolie pulmonaire probable), avec échographie chez les seules patientes avec symptômes évocateurs, puis dosage des D-dimères avec des seuils adaptés de 500 ou de 1 000 μg/l. Son efficience a été démontrée par l’étude prospective Artemis, menée aux Pays-Bas et en France sur 469 femmes enceintes avec suspicion d’embolie pulmonaire. Les angioscanners ont pu être évités chez 39 % des sujets.
L’embolie pulmonaire doit conduire à une hospitalisation, pour initier le traitement – héparines de bas poids moléculaire en première intention –, observer l’évolution, organiser l’accouchement et le suivi ambulatoire.
Au sommaire :
- Endométriose : état des lieux de la recherche
- Maladies cardiovasculaires : des risques accentués chez la femme
- Recherche, diagnostic, traitement… Les inégalités persistent entre les hommes et les femmes à chaque étape de la prise en charge
- Cancer du sein : quel impact sur la fertilité ?
- Accouchement : quelles tendances obstétricales en 2025 ?
Références :
D’après les présentations du Pr Raphaël Martins (CHU de Rennes) et des Dres Delphine Douillet (CHU d’Angers) et Stéphane Manzo-Silberman (hôpitaux de La Pitié-Salpêtrière et Lariboisière, Paris) lors de la session « Urgences cardiologiques chez la femme enceinte » aux Journées européennes de la Société française de cardiologie (16 janvier).
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