Anorexie mentale : comment accompagner la reprise de poids ?
L'anorexie mentale est un trouble alimentaire complexe et dévastateur pour les jeunes et leurs familles. Toute la subtilité de la prise en charge est d’être stricte avec l’anorexie tout en étant en complète empathie avec l’enfant.
La perte de poids significative et la préoccupation excessive pour l'alimentation, parfois associées à des troubles ou un retard de menstruation pour les filles, sont les premiers signes qui doivent faire évoquer le diagnostic d’anorexie mentale, lorsque ce ne sont pas les parents qui viennent consulter pour ou avec le ou la jeune, autour de ces préoccupations. La prise en charge de ces troubles demande tact et patience.
Proscrire le mot "calorie"
"Pour ces jeunes, manger et prendre du poids est source d'une souffrance qu'on ne peut pas imaginer, un acte profondément culpabilisant", a rappelé la Dre Christine Fourmaux-Poulain (pédiatre, Clinique FSEF, Paris). D’où les nombreuses stratégies qu’ils déploient au cours des repas, et qui favorisent généralement le retard des parents dans la prise de conscience du trouble. Quand ces derniers arrivent en consultation, ils sont souvent épuisés, et le repas sera devenu un sujet très conflictuel. Aussi, la famille a toujours "l’air dysfonctionnel".
Après avoir posé le diagnostic et écarté la nécessité d’une hospitalisation (selon les recommandations HAS), la prise en charge est pluridisciplinaire. Le premier objectif est de stopper la perte pondérale et favoriser la reprise de poids, puis dans un second temps la reprise pondérale jusqu’au poids initial. Et l’arrêt des vomissements lorsque le jeune pratique la purge, avec réintroduction progressive d’une alimentation variée.
Trois maîtres mots pour parler au jeune : écoute, empathie, déculpabilisation. S’il peut être dans le déni, le jeune va le plus souvent être ambivalent une fois le diagnostic posé. Lorsque les objectifs sont évoqués avec lui, il faut aussi choisir ses mots : il doit comprendre que l’organisme a des besoins, et que "pour aller mieux psychiquement, on a besoin de nourrir son corps, de nourrir son cerveau, et que l'un ne va pas sans l'autre". Le mot "calorie" est proscrit, car il faut déconstruire le fait que ce soit pour lui une obsession.
Les parents, véritables "co-thérapeutes "
La prise en charge implique toujours les parents, à moins que ceux-ci ne puissent s’engager, comme par exemple ceux ayant des antécédents de TCA. Ils doivent bien comprendre la complexité du trouble. Cela signifie distinguer l'adolescent de la maladie elle-même. "Dissimuler de la nourriture n’est qu’une façon pour le jeune de gérer la souffrance intense ressenti devant la nécessité de manger", a commenté Marine Capaldi (diététicienne, Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil). Aussi il s’agit -et c’est toute la difficulté- de "rester ferme face aux exigences de l'anorexie, en n’entrant pas dans une négociation par exemple ("je ne mange pas de féculents") puisque le contenu de l’assiette correspond au plan alimentaire détaillé établi avec les professionnels de santé. Mais il faut toujours rester empathique avec le patient".
En pratique, "l'adolescent a perdu toute sensation de faim, il n’est plus autonome sur le plan de l'alimentation, en incapacité totale à savoir ce dont il a besoin", a rappelé la Dre Fourmaux-Poulain. Il faut donc lui donner des repères "comme un tout-petit", et déconstruire les croyances sur certains aliments. Il faut guider étroitement les repas et les périodes qui l’encadrent : ne pas faire les courses ou préparer le repas avec l'adolescent, servir directement le plat dans l'assiette pour limiter qu’il évite ou se serve de petites portions, partager les quatre repas quotidiens avec lui, en favorisant une atmosphère sereine, en parlant d'autres sujets, et sans faire de remarques sur la quantité mangée, qui génèrent angoisse, agressivité et conflit. Il peut être utile de planifier des activités calmes après le repas, et éviter de laisser le jeune seul, qui compense souvent le repas par une hyperactivité physique.
La prise en charge est longue et difficile. Elle demande à chaque consultation de s’assurer que le bilan clinique ou biologique n’impose pas de complémentation (vitamines, potassium...) ou d’hospitalisation. Outre la prise en charge psychologique du jeune, une thérapie familiale peut aussi être utile dans ce parcours. Le site web du réseau Troubles des conduites alimentaires Poitou-Charentes (tca-poitoucharentes.fr) propose des éléments pour aider les médecins à dépister les TCA (questionnaire Scoff), à conduire les premières consultations et savoir vers qui, quand et comment orienter, ou hospitaliser.
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Références :
Congrès de la Société française de pédiatrie (Lyon,18 - 20 juin). D’après la session "Soins ambulatoires nutritionnels pour les patients atteints de TCA".
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