"J’ai vécu les pires 24 heures de ma vie" : deux étudiants racontent l'angoisse des résultats des EDN
Lundi soir, les 8 000 étudiants qui ont concouru aux EDN mi-octobre ont soudainement appris, grâce aux réseaux sociaux, que les résultats de l’examen qui déterminera 60% de leur classement de spécialité et de subdivision avaient été mis en ligne par le Centre national de gestion, après plusieurs couacs survenus dans la journée. Une “délivrance” pour les candidats qui marque le point final de cette première épreuve, malgré de longues heures d’attente pour accéder aux notes. Anaïs et Quentin, deux étudiants nantais et nancéen qu’Egora a décidé de suivre toute l’année dans leurs révisions et leur préparation, nous racontent comment ils ont vécu cette soirée et le concours.
“Ça va mieux”, souffle Quentin, 23 ans, joint mercredi dernier, deux jours après les résultats des Épreuves dématérialisées nationales (EDN). “J’ai vécu les pires 24 heures de ma vie. Il m’a fallu une journée pour encaisser, mais maintenant, j’arrive à relativiser”, poursuit l’étudiant de la faculté de Nancy. “J’étais déçu de mon résultat mais c’est le contexte général qui a fait que la soirée a été horrible”, lâche-t-il, sans cacher sa colère immense contre le Centre national de gestion (CNG), chargé d’organiser le concours de l’internat tous les ans et de mettre en ligne les résultats.
“L’attente a été longue”, approuve Anaïs, étudiante à la faculté de Nantes. “On avait simplement un message sur le site du CNG qui nous disait qu’on aurait les résultats début novembre. Puis, ça a été actualisé en précisant que ce serait la semaine du 6 novembre. C’est tout ce qu’on avait comme info”, explique-t-elle. Finalement, c’est pendant leur journée de stage lundi 6 novembre qu’ils apprennent qu’une partie des résultats, la note de rang A où il faut avoir obtenu un 14/20 minimum pour être admissible, est consultable sur le site du CNG.
“C’est le début des montagnes russes. J’ai vu passer sur un groupe sur les réseaux sociaux que notre note était en ligne. J’ai prévenu mes coexternes, on a demandé à s’absenter pour aller voir. C’était validé ! J’étais trop content, la journée commençait bien”, se souvient Quentin. Anaïs, elle, était plutôt “déconnectée”. “C’est une coexterne qui m’a dit ça le midi. Mais je n’ai pas regardé, je préférais avoir tous les résultats en même temps”, avoue la jeune femme, qui rêve de venir gynécologue.
“La galère”
Mais dans l’après-midi, surprise : “On apprend par l’Anemf* sur les réseaux sociaux que c’est une erreur du CNG, les résultats auraient été faussés car ils n’auraient pas eu le temps de charger toutes les copies ou je-ne-sais-quoi. On aurait dû avoir la note de rang A et le classement en même temps, peste Quentin. Je ne vois pas trop comment ils auraient pu se planter sur les rangs et annoncer à des gens qu’ils avaient validé leur 14/20 alors qu’en fait non.”
A 17h, les messages de l’organisation étudiante sont supprimés. Et deux heures plus tard, c’est un message publié par un externe parisien sur X (anciennement Twitter) qui donne l’alerte : les résultats, au complet cette fois, sont en ligne. “On n'a eu aucune annonce officielle. C’était du bouche-à-oreille”, souffle le nancéen. Très vite, les 8 000 candidats cherchent à se connecter sur la plateforme de résultats. “J’étais avec des amis de ma promo, on a tous essayé de se connecter mais on est restés sur un petit carré bleu qui a tourné dans le vide en continu”, ajoute-t-il. Progressivement, ses amis arrivent à accéder à leurs notes et classements. “J’ai eu les miens qu’à 22h30, j’ai attendu 3 heures. Je n’avais pas mon ordinateur, ça ne marchait pas sur mon téléphone, la galère”.
“Moi je suis sortie de stage vers 20h, je n’avais pas du tout vu passer les messages et je ne savais rien”, rigole Anaïs. “Je suis rentrée chez mes parents, j’ai mangé et puis j’ai regardé mon téléphone tardivement. J’avoue que je n’ai pas fait attention car je pensais vraiment que les résultats définitifs tomberaient plus tard dans la semaine !” Comme les autres étudiants, elle tente de se connecter après 20h30. “C’était compliqué, complètement saturé. Je n'avais pas envie de passer la soirée à stresser devant mon ordi. Donc j’ai arrêté, j’ai donné mes identifiants à mes parents pour qu’ils regardent le lendemain dans la journée quand il y aurait moins de connexions et je suis allée me coucher", s’amuse-t-elle.
Elle est finalement “tirée du lit” par ses parents à 23h. “Ils m’ont dit, ‘Anaïs vient voir, on a réussi !’ et même si j’avais un peu d’appréhension à voir ça avant de dormir, j’y suis bien sûr allée”. Verdict : son classement oscille entre les 1 400 et les 1 600e selon les 13 groupes de spécialités. “C’est un beau résultat, j’étais contente !”, se réjouit-elle, même si elle confie qu’elle n’a pas “sauté de joie”. “En fait, j’étais stone, pas capable d'assimiler la nouvelle. Je me suis juste dit que c’était fini et c’est le lendemain que j’ai vraiment réalisé : la gynécologie c’est plus qu’envisageable et je vais même pouvoir formuler un choix de ville !”
Quentin, lui, est déçu. Visant la médecine générale, il confie timidement avoir perdu 500 places par rapport aux épreuves blanches et avoir dépassé les 6 000e. Un résultat qui ne récompense pas, considère-t-il, l’énorme investissement qu’il a mis dans la préparation du concours mais qui ne l’empêche toutefois pas de devenir généraliste. “Heureusement, j’ai un stage bienveillant. Les équipes m’ont dit le lendemain que 500 places ce n’était rien et que ce n’est pas ça qui ferait de moi un bon médecin. Mais j’ai mis un peu de temps à l’entendre.” Ses inquiétudes portent surtout sur son choix de ville, qui pourrait être rendu compliqué par son classement. “Tout dépendra du nombre de places ouvertes en MG dans la subdivision que je vise. Dans tous les cas je serai heureux !”
Remonté contre le CNG, Quentin déplore toutefois les conséquences qu’une telle gestion peut avoir sur la santé mentale des étudiants en médecine, déjà fragile. “Jouer avec nos nerfs comme ça c'est vraiment limite, surtout avec nos études qui sont loin d’être simples”, affirme-t-il. “Difficile de se dire qu’il n’existe pas aujourd’hui une plateforme qui permette à même pas 10 000 personnes de se connecter en même temps. J’imagine que c’est un problème de moyens mais je trouve ça dommage que la divulgation des résultats d’un concours national se passe de cette manière. Je n’ai pas tous les tenants et les aboutissants mais de l’extérieur, sans explication, c’est critiquable”, abonde Anaïs.
“En plus, ne pas nous donner de date officielle pour la sortie des résultats, j’ai trouvé ça moyen. Ça tombe en plein milieu d’une journée de stage, on sait que c’est en ligne donc on stresse. Si on nous disait que c’était prévu tel jour à 18h, par exemple, on pourrait s’arranger pour partir consulter les résultats. Et puis, avoir le classement à 22h30, ça met dans des états pas possibles, on ne dort pas bien, on arrive fatigués au stage…”, ajoute Quentin.
Objectif Ecos
Ces “couacs” du CNG n'effacent pas la fierté des deux futurs médecins de s’être frottés au concours théorique, d’autant plus qu’ils appartiennent à la promo “crash test” de la réforme du deuxième cycle, qui enterre officiellement les célèbres ECNi. “Les trois jours ont été intenses, on avait cette volonté de bien faire tout en découvrant les épreuves”, raconte la Nantaise.
Pour tous les deux, c’est la première épreuve qui a été difficile, le lundi après-midi. “Je ne sais pas si c’était la première et qu’il fallait se mettre dedans mais il y avait des DP**, j’avais du mal à comprendre où on voulait nous emmener”, indique Anaïs. Avis partagé par Quentin : “L’épreuve était un peu bizarre, il n’y avait pas de vraies connaissances médicales et ça s’est joué sur des choses un peu étranges. On a eu 3 questions de cardiologie, 6 ou 7 de médecine légale, médecine du travail et de santé publique. Aucun ECG ! On s’est dit qu’ils avaient privilégié des questions qui n’avaient peut-être pas trop d’importance pour qu’on soit bons plus tard”, considère-t-il.
Pendant le concours, à Nantes, Anaïs a dû faire face à quelques problèmes de connexion. “A un moment, ils nous ont demandé de nous lever et de retourner les tablettes pendant 20-25 minutes car on n’avait plus la possibilité de valider les réponses”. Si cela ne lui a pas trop posé de soucis de concentration par la suite, elle raconte que certains dans sa promotion ont été perturbés et auraient préféré pouvoir recommencer l’épreuve.
Leur prochaine grosse échéance sera fin mai, avec les Examens cliniques objectifs et structurés (Ecos) qui représenteront 30% de la note finale classante pour le choix de sa spécialité. Pour Quentin, notamment, très à l’aise à l’oral, cette épreuve pratique est l’occasion de remonter un peu au classement général. “On n’est pas à l’abri d’un coup de stress mais je m’impose une grande rigueur pour être le meilleur médecin possible. Le plus difficile c’est qu’on va jouer la deuxième partie de notre classement sur une épreuve qui est complètement nouvelle et n’a jamais été testée”, s'inquiète-t-il.
Ainsi pour se préparer au mieux, Anaïs a par exemple décidé d’associer à ses révisions, des entraînements groupés. “On est en train de réfléchir à Nantes pour mettre en place une sorte de tutorat”, précise-t-elle. En attendant, tous deux se concentrent sur leurs stages, en oncologie et médecine générale, qui les passionnent tous deux. “Ça remonte le moral”, sourit Quentin.
*Association nationale des étudiants en médecine de France
** dossiers progressifs
La sélection de la rédaction
Rémunération, attractivité, conditions d'exercice... la consultation à 30 euros va-t-elle changer la donne?