"Personne ne va se reconventionner" : les médecins de secteur 3 montent au créneau contre le déremboursement de leurs prescriptions
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, les députés de la commission des Affaires sociales ont adopté un amendement visant à mettre un terme à la prise en charge par l'Assurance maladie des actes, produits de santé et prestations prescrits par les médecins déconventionnés, à partir de 2027. Une mesure "punitive pour les patients" et "anticonstitutionnelle", selon le Dr Kamyar Dadsetan, président du syndicat "Médecins secteur 3" (MS3).
Egora: Des députés de la commission des Affaires sociales ont adopté mercredi 29 octobre un amendement visant à dérembourser les actes, produits de santé et prestations des médecins de secteur 3. Comment vous réagissez en tant que président du syndicat "Médecins secteur 3" ?
Dr Kamyar Dadsetan : Il s'agit là d'une mesure qui va frapper d'abord le patient. C'est lui qui sera le plus puni par cet amendement parce qu'il va avoir un reste à charge intégral. Et cela, non pas parce que l'acte ou le médicament serait inutile, mais parce que le prescripteur est en secteur 3. On détourne donc l'Assurance maladie de sa vocation, qui est de rembourser un besoin de santé, et non de juger une identité administrative. Le but est vraiment de sanctionner le patient parce que son médecin est en secteur 3, ce qui est complètement injuste et inefficace.
L'objectif de cet amendement est de pousser les médecins de secteur 3 à se reconventionner. Pensez-vous que cela peut porter ses fruits ?
Il faut savoir que les médecins non conventionnés sont en majorité des médecins qui ont fui la convention parce qu'ils étaient en burn out ou pré burn out, à cause de cette même convention. Donc, ils ne vont sûrement pas revenir dans la médecine conventionnée grâce à cette mesure. C'est complètement contre-productif. On va perdre tous les médecins de secteur 3 qui vont disparaître dans la nature et faire complètement autre chose.
Il y aura des dégâts parmi les patients
Craignez-vous une fuite de ces médecins vers l'étranger ?
Au sein du syndicat, nous avons fait un sondage auprès de nos adhérents pour savoir si les médecins comptaient se reconventionner si cette mesure était adoptée. La réponse était unanime : il n'y a quasiment personne qui va se reconventionner. Certains partiraient à l'étranger, d'autres se réorienteraient dans la médecine, dans le salariat, vers la médecine du travail ou l'industrie pharmaceutique. D'autres ont même des plans B qui n'ont rien à voir avec la médecine. Dans tous les cas, il y aura une perte totale de médecins libéraux à cause de tout cela. Et d'ailleurs, on n'est pas 927 comme l'indique l'amendement, ce qui montre une méconnaissance du sujet de la part des députés, mais 1 347 d'après les chiffres de la Sécurité sociale.
Vos patients ont-ils vu passer l'information ? Certains vous en parlent ?
Certains commencent à en parler. On leur dit que rien n'a été acté à l'Assemblée nationale et au Sénat. Donc, pour l'instant, c'est uniquement un amendement comme un autre qu'il faut que l'on surveille pour voir ce qu'il va devenir.
Les patients qui ont entendu parler de cet amendement sont dépités parce qu'il y en a plein qui ne pourront plus payer leurs soins. C'est l'autre problème de cet amendement, il ne pense pas aux conséquences. C'est vraiment dangereux pour les malades. Il y en a plein qui ont des soins essentiels pour leur survie, notamment ceux avec des maladies chroniques. Ils devront retrouver un médecin conventionné. Mais les médecins conventionnés sont tous surchargés et souvent ne prennent plus de nouveaux patients. La France est un désert médical donc pour trouver un praticien remplaçant de leur médecin en secteur 3 habituel, ça va être la croix et la bannière. Il y aura des dégâts parmi les patients.
La cotisation à la Sécurité sociale est obligatoire et de nombreuses voix s'élèvent pour dire que cet amendement est anticonstitutionnel…
C'est totalement le cas. Il enfreint pas mal de règles de la Constitution et différentes règles législatives. Il va provoquer une rupture d'égalité entre les médecins et entre les patients. On a deux assurés qui vont présenter la même pathologie, la même prescription, mais qui n'auront pas le même remboursement selon le nom du prescripteur, parce que l'un est conventionné et pas l'autre. Donc c'est une vraie rupture d'égalité entre assurés qui vont pourtant cotiser de façon obligatoire à l'Assurance maladie. Si cet amendement est adopté, il posera très sérieusement la question du monopole de la Sécurité sociale qui ne sera plus du tout justifié.
Si jamais il était voté, quels seraient vos recours ?
Nous ferions appel au Conseil constitutionnel pour qu'il puisse se rendre compte des conséquences de cet amendement sur les patients d'une part, et sur toutes les règles que cela enfreint sur le plan constitutionnel et juridique d'autre part.
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