Colère

"Personne ne va se reconventionner" : les médecins de secteur 3 montent au créneau contre le déremboursement de leurs prescriptions

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, les députés de la commission des Affaires sociales ont adopté un amendement visant à mettre un terme à la prise en charge par l'Assurance maladie des actes, produits de santé et prestations prescrits par les médecins déconventionnés, à partir de 2027. Une mesure "punitive pour les patients" et "anticonstitutionnelle", selon le Dr Kamyar Dadsetan, président du syndicat "Médecins secteur 3" (MS3). 

05/11/2025 Par Sandy Bonin
PLFSS 2026 Déconventionnement Assurance maladie / Mutuelles
Colère

Egora: Des députés de la commission des Affaires sociales ont adopté mercredi 29 octobre un amendement visant à dérembourser les actes, produits de santé et prestations des médecins de secteur 3. Comment vous réagissez en tant que président du syndicat "Médecins secteur 3" ? 

Dr Kamyar Dadsetan : Il s'agit là d'une mesure qui va frapper d'abord le patient. C'est lui qui sera le plus puni par cet amendement parce qu'il va avoir un reste à charge intégral. Et cela, non pas parce que l'acte ou le médicament serait inutile, mais parce que le prescripteur est en secteur 3. On détourne donc l'Assurance maladie de sa vocation, qui est de rembourser un besoin de santé, et non de juger une identité administrative. Le but est vraiment de sanctionner le patient parce que son médecin est en secteur 3, ce qui est complètement injuste et inefficace. 

 

L'objectif de cet amendement est de pousser les médecins de secteur 3 à se reconventionner. Pensez-vous que cela peut porter ses fruits ?

Il faut savoir que les médecins non conventionnés sont en majorité des médecins qui ont fui la convention parce qu'ils étaient en burn out ou pré burn out, à cause de cette même convention. Donc, ils ne vont sûrement pas revenir dans la médecine conventionnée grâce à cette mesure. C'est complètement contre-productif. On va perdre tous les médecins de secteur 3 qui vont disparaître dans la nature et faire complètement autre chose. 

 

Il y aura des dégâts parmi les patients

 

Craignez-vous une fuite de ces médecins vers l'étranger ? 

Au sein du syndicat, nous avons fait un sondage auprès de nos adhérents pour savoir si les médecins comptaient se reconventionner si cette mesure était adoptée. La réponse était unanime : il n'y a quasiment personne qui va se reconventionner. Certains partiraient à l'étranger, d'autres se réorienteraient dans la médecine, dans le salariat, vers la médecine du travail ou l'industrie pharmaceutique. D'autres ont même des plans B qui n'ont rien à voir avec la médecine. Dans tous les cas, il y aura une perte totale de médecins libéraux à cause de tout cela. Et d'ailleurs, on n'est pas 927 comme l'indique l'amendement, ce qui montre une méconnaissance du sujet de la part des députés, mais 1 347 d'après les chiffres de la Sécurité sociale. 

 

Vos patients ont-ils vu passer l'information ? Certains vous en parlent ? 

Certains commencent à en parler. On leur dit que rien n'a été acté à l'Assemblée nationale et au Sénat. Donc, pour l'instant, c'est uniquement un amendement comme un autre qu'il faut que l'on surveille pour voir ce qu'il va devenir. 

Les patients qui ont entendu parler de cet amendement sont dépités parce qu'il y en a plein qui ne pourront plus payer leurs soins. C'est l'autre problème de cet amendement, il ne pense pas aux conséquences. C'est vraiment dangereux pour les malades. Il y en a plein qui ont des soins essentiels pour leur survie, notamment ceux avec des maladies chroniques. Ils devront retrouver un médecin conventionné. Mais les médecins conventionnés sont tous surchargés et souvent ne prennent plus de nouveaux patients. La France est un désert médical donc pour trouver un praticien remplaçant de leur médecin en secteur 3 habituel, ça va être la croix et la bannière. Il y aura des dégâts parmi les patients. 

 

La cotisation à la Sécurité sociale est obligatoire et de nombreuses voix s'élèvent pour dire que cet amendement est anticonstitutionnel… 

C'est totalement le cas. Il enfreint pas mal de règles de la Constitution et différentes règles législatives. Il va provoquer une rupture d'égalité entre les médecins et entre les patients. On a deux assurés qui vont présenter la même pathologie, la même prescription, mais qui n'auront pas le même remboursement selon le nom du prescripteur, parce que l'un est conventionné et pas l'autre. Donc c'est une vraie rupture d'égalité entre assurés qui vont pourtant cotiser de façon obligatoire à l'Assurance maladie. Si cet amendement est adopté, il posera très sérieusement la question du monopole de la Sécurité sociale qui ne sera plus du tout justifié. 

 

Si jamais il était voté, quels seraient vos recours ? 

Nous ferions appel au Conseil constitutionnel pour qu'il puisse se rendre compte des conséquences de cet amendement sur les patients d'une part, et sur toutes les règles que cela enfreint sur le plan constitutionnel et juridique d'autre part.  

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Fabien BRAY

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Je tiens à rappeler aux collègues que logiquement tout produit de santé destiné au public stocké dans un frigo, implique une traça... Lire plus

3 débatteurs en ligne3 en ligne
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 1 mois
Querelles de chiffres... Ceux que l'on croit savoir: il y aurait (DREES Janvier 2025) 237 000 médecins en France, 100 000 généralistes et 57% auraient une activité libérale. Les médecins en secteur 3 seraient donc (Syndicat) 1347 soit O, OO56%, je vous laisse les subdivisions, les moyennes, les généralistes et les spécialistes, chacun voyant midi à sa porte. Cela ne justifie pas de taper sur des minorités mais cela renseigne sur leur importance. Il reste ce que j'appelle les problèmes de fond. Profession médecin: largement négligée par LES politiques de santé. Protection sociale: largement galvaudée dans les mesures budgétaires du budget général entrainant des contraintes "indues" de l'ONDAM depuis qu'elle échappe aux organisations syndicales et qu'on exonère des prélèvements sociaux des entreprises, des heures supplémentaires et autres "zones franches" malgré les CSG comme rustines. Alors convention/pas convention: on peut discuter à la marge mais cela relève de l'ensemble de la santé. Ceux des LIBÉRAUX qui la refusent doivent assumer et ne pas déplacer leur problème sur les assurés. Certes ces derniers sont parfois captifs (les déserts sans concurrence!). Entre les médecins (des médecins) égocentrés et les (des) politiques imperméables aux (à toute forme de) revendications, le dialogue a peu de chance d'aboutir avant la fin de la session parlementaire! La langue de bois ça me fait penser aux cautères sur la jambe de la même matière.
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63 points
Médecine générale
il y a 1 mois
aujourd'hui ces 1327 secteur 3 ne coûtent rien aux caisses, puisque leurs consultations ne sont pas remboursées par la sécu. Donc si on les conventionne leurs honoraires seront remboursés, leurs charges sécu et retraite pris en charge par les même caisses donc un coût supplémentaire au déjà remboursement de leurs prescriptions. Je ne comprends donc pas leur motivation? Les secteurs 3 c'est environ 119 millions d'honoraires médicaux économisés par les caisses et c'est environ 80 millions de prescriptions remboursée. Ces secteurs 3 coutent donc aujourd'hui 80 millions et s'ils se conventionnent (et ne peuvent que revenir en secteur 1) couteront 119 millions de plus aux caisses. Je ne comprends pas le calcul? Je ne comprends pas l'intérêt? Je ne comprends pas nos politiques? Même en appliquant des correctifs liés aux objectifs de maitrise médicalisée, les contrôles de pertinence de la CNAM cela ne compenserait pas le surcoût massif des honoraires. Maintenant est ce que cela peut aussi avoir des avantages sanitaires (accès aux soins, équité???), je n'en suis pas sûr.
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 mois
Cette mesure relève simplement de la prise d'otages (les patients des médecins hors convention, et non pas secteur 3 puisque la "convention" ne comporte que 2 secteurs); Or, ces patients sont "conventionnés" de force avec la SS par la captation "obligatoire" des cotisations patronales et salariales, de même que les patrons qui emploient ces patients parmi leurs salariés . Il s'agit donc d'une rupture unilatérale de ce "pacte conventionnel obligatoire" dont la trahison parlementeuse peut et doit immédiatement être portée devant la cour de justice des communautés européennes qui statuera sur la conformité de ce genre d'oukase aux directives 92/49 et 92/96 qui précisent les contours de la légalité de l'exercice d'un assureur vie et non-vie sur le territoire européen. Rappelons au passage que la SS n'a rien d'un organisme "national" d'Etat de couverture sociale puisqu'elle est de statut privé "en mission de service public", comme les autres caisses d'assurance maladie - MSA pour les professions agricoles, - RSI pour les indépendants que la conseil d'Etat a lâchement laissé absorber par la SS pour simuler une mise aux normes européennes vers 2001 et esquiver les foudres de Bruxelles et de La haie (CJCE) alors que la France paie déjà de lourdes amendes mensuelles à Bruxelles pour non conformité aux susdites directives qui imposent aux états membres de n'autoriser de monopole à un assureur vie et non vie que s'il couvre l'ensemble des catégories socio-professionnelles dudit Etat . . . ce qui n'est pas le cas en France . gageons que le petit conseil constitutionnel français, qui avait été forcé de traduire en droit français lesdites directives mais n'a jamais veillé à leur réelle mise en oeuvre sur le sol national, s'arrangera encore pour botter en touche la question de la conformité de cet oukase aux règles constitutionnelles . . . Etat de droit ?
 
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