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À 30 ans, ce généraliste s’installe dans un désert : "C'est humainement très dur, mais je m'amuse tellement !"

Le Dr Adrien Haas-Jordache s’est installé il y a quelques semaines dans un village alsacien, dans une zone sous-dotée. Malgré les journées à rallonge et les consultations parfois étonnantes, le jeune généraliste est ravi de son choix. 

16/10/2025 Par Fanny Napolier
Déserts médicaux
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"Clairement, les premières semaines ont été chargées", raconte le Dr Adrien Haas-Jordache, jeune généraliste récemment installé dans la commune rurale de Diemeringen, en Alsace. A 30 ans, après plusieurs mois de remplacements, il s'est installé dans une maison de santé, tout près d'une zone "rouge, rouge, rouge" en termes de démographie médicale.

Et s'il est seul pour l'instant, il ne compte pas le rester longtemps. Un collègue de promo viendra le rejoindre dans quelques jours, le temps de finir un voyage à Bali auquel il tenait avant de s'installer. Un troisième généraliste complètera l'équipe dans un an. Et ce n'est pas tout, le mois prochain des externes devraient arriver en stage et des internes pourront être accueillis dès l'an prochain.

"J’étais encore en internat quand j'ai su que je voulais m'installer rapidement. Je veux pouvoir choisir mon organisation, mon rythme de travail… Autant de choses que tu ne choisis pas en tant que remplaçant", se souvient Adrien Haas-Jordache. "Et l’Alsace, c’était une évidence. Quand tu es Alsacien, tu restes en Alsace", lâche le généraliste en riant. Le projet mûrit. L’envie de travailler à la campagne est aussi claire dans son esprit. "J’ai eu une mauvaise expérience en ville. Je n’aime pas la médecine McDo, où on ne fait pas de suivi. J’aime les petits vieux", confie le médecin. Après plusieurs rencontres infructueuses, son choix se porte sur la commune de Diemeringen, 1 500 habitants. Avec le soutien de la mairie et du département, le cabinet a ouvert ses portes le 1er septembre dernier.

"C’est la cour des miracles ! Je vois des choses incroyables. Certains patients n’ont pas vu de médecin depuis cinq ans, dix ans… Je vois des trucs que je n’avais jamais vus ! Heureusement que j’ai un bon réseau de télé-expertise. Il y a aussi un énorme retard de prise en charge. J’ai une patiente qui tousse depuis des années, qui n’a jamais fait de scanner thoracique", raconte Adrien Haas-Jordache. Depuis l’ouverture du cabinet, le généraliste indique avoir vu 800 personnes, et être devenu médecin traitant de quelque 650 patients. "Certains font plus d’une heure de route pour me supplier d’être leur médecin traitant ! C’est humainement très dur et très fort, mais je m’amuse tellement. C’est une activité très variée. Et les patients ne sont pas difficiles. Ils sont tellement en détresse, certains se sont déjà fait jeter par des médecins…"

Dans sa patientèle, beaucoup de soignants sans médecin traitant, des jeunes, des actifs mais pas encore les "petits vieux du coin". Même si le bouche-à-oreille commence à prendre. Le jeune généraliste l’explique notamment par ses pratiques différentes de ses confrères installés et plus âgés. "Les deux médecins du coin prennent sans rendez-vous. Les patients n’ont pas l’habitude de venir sur rendez-vous. Et j’ai commencé à ouvrir des créneaux d’urgence." Autre point de friction : les visites. "Certains confrères font des visites de manière abusive, je trouve. Moi j’ai quelques créneaux le mercredi matin, mais je ne me déplace pas systématiquement. Ça m’a été reproché par quelques patients", explique le généraliste.

Je voudrais dire aux jeunes de ne pas avoir peur d’entreprendre des choses

Si le jeune généraliste se dit aujourd'hui heureux dans son désert, c’est qu’il a pris le temps de penser son projet d’installation dès son internat, assure-t-il. "On subit beaucoup trop pendant l’internat, et quand on sort de là, on a 30 ans et on n’a pas toujours l’énergie d’entreprendre des choses différentes, de faire bouger les lignes", regrette le médecin. "Les jeunes ne sont pas assez engagés, pas seulement sur le plan politique, syndical ou ordinal. Mais aussi pour créer des projets, avoir des initiatives qui font bouger les choses", déplore le généraliste et ancien élu syndical.

S’il exhorte les jeunes et futurs médecins à s’engager et à concrétiser leurs idées, c’est aussi pour ne pas laisser le champ libre aux politiques et à l’administration. "On croit que parce qu’il y a des médecins à l’Assemblée nationale, ils vont défendre nos intérêts, mais c’est faux !", lâche le généraliste. "Le plan Bayrou pour les médecins, par exemple, ça ne va pas du tout", souligne-t-il. Et de rappeler aux élus que pour attirer des internes, il faut tout un maillage territorial : "des crèches, des collèges, des loisirs… C’est tout le cadre de vie qui est à prendre en compte." C’est d’ailleurs l’esprit de la semaine de "découverte des territoires", mise en place en 2022 par le Syndicat autonome des internes d’Alsace (SAIA), à l’initiative d’Adrien Haas-Jordache. Pendant une semaine, les internes sillonnent la région pour en découvrir les beautés et les richesses. "Les élus ont eu du mal à comprendre la démarche au début, mais maintenant, cette initiative est victime de son succès. Ils vantent leurs vignobles, leurs plans d’eau, les activités à faire…"

"En fait, je voudrais dire aux jeunes de ne pas avoir peur d’entreprendre des choses. C’est vrai qu’on a parfois peur d’être de trop, de déranger les gens quand on vient les voir avec nos idées, mais on se rend compte que les gens sont très contents ! Beaucoup sont prêts à vous aider. Nous, on a été très bien accompagnés. Et ça c’est très important", assure le Dr Adrien Haas-Jordache.

Avec 35 à 40 consultations par jour, des journées qui commencent à 8h30 et ne se terminent jamais à 18h30 comme prévu, Adrien Haas-Jordache est content de son rythme. "J’aime mon travail, j’aime travailler. Je n’aime pas faire des petites journées", assure-t-il. Pour autant, il voit d’un bon œil l’arrivée prochaine de ses confrères. "Je crois aux projets en groupe. Etre seul dans un projet, ca ne finit jamais bien", assure le médecin.

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Claire FAUCHERY

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Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

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Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique
il y a 1 mois
vous avez raison mais quand je vois la toute puissance narcissique de la jeune génération qui s'imagine que tout lui est du et qu'il n'y a qu'à se baisser pour ramasser des patients lesquels doivent accepter les dictats sous peine de ne pas être soignés... Je me dis que l'exagération est dans les deux sens. Exagération d'une génération qui surfe sur la rareté qui ne sera bientôt plus qu'un mirage d'ailleurs au rythme des facs. Exagération des patients qui pensent que tout leur est du, bref la chienlit. Et donc oui, certains petits vieux peuvent aller au cabinet mais il y a aussi un paquet d'esseulés sans famille... Avec des mg qui ne se font pas violence pour les voir alors que ce ne sont pas les plus pénibles... Quand je pense qu'on était sanctionné quand on ne voulait pas faire de garde même avec des problèmes de santé...
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Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique
il y a 2 mois
Le voyage à Bali.... Tout est dit On a compris, il ne veulent plus faire de visites. Moi je trouve que c'est exagéré.il y a des petits vieux qui ne peuvent pas se déplacer... Et puis critiquer les confrères lors d'une interview... Un peu de respect pour une génération finissante qui s'est tapée les excès des soixante-huitards, lesquels sont en retraite, eux après avoir galvaudé la médecine. Pourquoi, parce que trop nombreux à l'époque. Souvenez vous en les jeunes, trop nombreux, c'est ce qui arrivera bientôt. Aujourd'hui creux de la vague mais au rythme des facs, ça va bientôt arriver... Les mêmes causes entraînent les mêmes effets.
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1,5 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Publicommunication de l'ARS ? Sinon, bienvenue ! Que cet enthousiasme perdure face aux diktats administratifs : contrôler l'identité pour INS; ordo sécurisées ou confirmées via ameli; alimenter le DMP malgré tous les bug de connexion/plantage du logiciel; et en projets : perception de l'impôt déguisé en franchises ; MSO obligatoire ; consultation du DMP avant toutes prescriptions et indus en cas de manquement ! Sans jamais inquiéter le patient-consommateur d'une quelconque responsabilité ! Bref, l'état/SS, qui n'est pas mon employeur (si, si, je suis soit disant libérale) m'impose de l'administratif, qui ne sert en rien mon travail de soignant, au contraire prend mon temps médical, avec sanction financière à la clef si je sort des clous statistiques, et refile mon travail aux autres ! Après ils nous demandent de ne pas dégoûter les jeunes.... C'est pas nous qui avons ce rôle, on les informe des conditions de travail : ne croyez pas être médecin-soignants, les techno-administratifs vous veulent chef d'équipe en centre /maison Med (comprenez gérer et responsable judiciairement !) Moi je veux soigner, rien d'autre ! Je ne suis ni flic, ni comptable, ni percepteur, ni informaticien.
 
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