Sault

"Nous avons le droit d'avoir accès à un généraliste" : dans ce village provençal, la solidarité territoriale se fait attendre

A Sault, siège de l’agglomération Ventoux Sud, il ne reste que trop peu de généralistes pour couvrir les besoins de la population. Dans ce désert médical, l’arrivée annoncée de médecins volontaires, via la solidarité territoriale, soulève un réel espoir. Mais quelques jours après le lancement annoncé, le dispositif reste encore flou et nourrit autant d’attente que d’interrogations.

18/09/2025 Par Sylvain Labaune
Reportage Déserts médicaux
Sault

Au pied du mont Ventoux, Sault est une destination touristique très prisée, en particulier par les cyclistes qui s’apprêtent à faire l’ascension du "Géant de Provence". Ce village provençal perché, aux allures de carte postale, surplombe les champs de lavande et les forêts de chênes, avec ses maisons de pierre serrées autour de la vieille église. Mais derrière ce décor pittoresque, le territoire est médicalement exsangue.

Sault et ses 1 340 habitants ne disposent plus que d’un seul médecin généraliste en ville. Un autre généraliste pratique dans l’hôpital local mais il se consacre aux patients âgés de l’Ehpad que la toute petite structure abrite.

"C’est évidemment trop peu pour un territoire comme le nôtre", déplore le maire, Claude Labro. Et ce constat dépasse largement les frontières du village : Sault est le siège de la communauté de communes Ventoux Sud qui compte près de 10 000 habitants, disséminés dans les différents villages et lieux-dits du plateau d’Albion.

Une désertification médicale très progressive

Depuis trente ans, l’offre médicale s’est petit à petit effondrée. "Cela a été très progressif, jusqu’à ce que le territoire soit désormais officiellement classé comme un désert médical", souligne le maire.

Historiquement, deux généralistes exerçaient au village, des médecins de famille "à l’ancienne" qui ne comptaient pas leurs heures. Leur départ à la retraite n’a pas pu être compensé, faute de remplaçants. Par la suite, la commune a connu plusieurs périodes sans aucun généraliste en ville, au gré des installations et des départs brusques de praticiens.

Depuis 2014, une généraliste s’est toutefois installée au centre du village mais son activité ne suffit pas à répondre aux besoins du territoire. Son agenda est saturé et beaucoup d’habitants sont obligés de prendre la route pour consulter dans d'autres communes, par contrainte ou par préférence.

Autour, la situation n’est guère meilleure. Les villages voisins de Saint-Christol et Saint-Saturnin-lès-Apt comptent chacun un généraliste mais ces derniers ne prennent plus de nouveaux patients.

La dégradation ne touche pas seulement la médecine générale. Orthophonistes, psychomotriciens, dentistes ont disparu les uns après les autres. "Quand je suis arrivée à Sault il y a trente ans, il y avait un dentiste. Aujourd’hui, cela manque cruellement", déplore Isabelle, une habitante de Sault. "Par ailleurs, il n’y a plus qu’une kinésithérapeute, mais celle-ci ne vient qu’à certains moments de la semaine et son agenda est déjà rempli."

Je dois aller à Carpentras si je veux voir un pédiatre, soit une heure et demie de route aller-retour

Résultat, les habitants vivent dans un système de débrouille, jonglant avec les kilomètres, les délais et les urgences. En cas de problème grave, il faut compter au minimum trente minutes pour que le Samu fasse le trajet depuis Carpentras.

"Mon généraliste est situé à Montbrun-les-Bains, dans la Drôme voisine. Il est excellent mais ne prend plus de nouveaux patients car il est débordé", explique Marie, mère de famille et habitante de Sault.

"Pour mes enfants, je dois aller à Carpentras si je veux voir un pédiatre, soit une heure et demie de route aller-retour. Or, un enfant, ça tombe souvent malade et c’est compliqué en tant que parent de devoir toujours faire de longs trajets en voiture…" La jeune femme ajoute : "Il y a quand même beaucoup d’habitants à Sault et ses environs. Nous avons besoin et surtout le droit d’avoir accès à un médecin, au moins à un généraliste."

"Il faudrait au minimum deux généralistes à Sault, ne serait-ce que pour avoir le choix et obtenir rapidement un rendez-vous", complète Isabelle.

Dans ce contexte, les Saltésiens fondent beaucoup d’espoir sur l’arrivée rapide de médecins dans le cadre du dispositif de solidarité, même si ce n’est que deux jours par semaine. Mais, avant cela, reste l’étape la plus importante : celle de trouver des médecins volontaires.

Une maison de santé en cours d’aménagement

À défaut d’accueillir pour l’instant des médecins du dispositif de solidarité - officiellement lancé le 1er septembre - Sault a les murs pour les accueillir.

Depuis plusieurs mois, la commune travaille à la transformation d’une ancienne maison forestière de 100 m², située sur les hauteurs du village. Trois cabinets y seront aménagés pour accueillir des professionnels de santé en permanence ponctuelle, dont potentiellement les médecins de la solidarité territoriale.

Crédit : Sylvain Labaune

À l’origine, le projet a surtout été pensé pour répondre au manque de paramédicaux. "Dans l’idéal, nous aimerions accueillir un orthophoniste, un kinésithérapeute et un psychologue", explique le maire. "Bien entendu, si des généralistes ou spécialistes veulent venir, ce sera encore mieux."

Si l’idée du projet est née en 2023, celui-ci a connu récemment un gros coup d'accélérateur qui peut permettre de le faire coïncider avec le début du dispositif de solidarité. "Il y a quelques semaines, en août, nous avons reçu un don d’un particulier de 220 000 euros, conditionné à l’aménagement sur la commune d’une structure de santé."

"Grâce à cet argent, un architecte a été nommé, les travaux d’aménagement doivent bientôt commencer et la maison pourra être mise en service dans six mois", ajoute Claude Labro.

Un appel à volontaires

En attendant la livraison de cette maison, deux cabinets de consultation ont été identifiés au sein de l’hôpital local afin d’être mis à disposition des médecins de la solidarité territoriale.

"C’est ce qui a été convenu pour le moment avec l’ARS", explique le maire. Mais à ses yeux, la future maison de santé représente à terme une solution plus adaptée. "Elle peut permettre d’accueillir les généralistes du dispositif. Ce serait même mieux qu’ils viennent ici, car ils pourront se synchroniser avec les spécialistes et éviter qu’il y ait des jours sans présence", développe Claude Labro.

A la charge ensuite pour la mairie de trouver un logement pour que les médecins puissent éventuellement rester deux jours à Sault. "Mis à part ces informations, je n’ai pas de nouvelles concernant la solidarité territoriale, ni sur la date de début, ni sur le nombre de médecins recensés", précise-t-il.

Interrogée mercredi 17 septembre par Egora, l’ARS Paca indique que le dispositif de solidarité sera « finalisé d’ici la fin du mois » dans la région, dont dans le Ventoux Sud, un des trois territoires "prioritaires identifiés" dans le Vaucluse. L’agence explique avoir déjà reçu des candidatures spontanées de médecins et prévoit de lancer "d’ici quelques jours" un appel à volontaires. "Les patients pourront ensuite prendre rendez-vous pour des consultations dans les lieux identifiés à Sault."

Ainsi, si ailleurs en France des territoires peinent à trouver des locaux pour accueillir les praticiens de la solidarité territoriale, à Sault, c’est l’inverse : les installations existent déjà, mais on attend de pied ferme les médecins.

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

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156 points
Incontournable
Médecine générale
il y a 3 mois
Le droit ? Mince alors ! Mais vous l'avez toujours. Seulement il va falloir vous déplacer à plusieurs kilomètres. C'était comme ça autrefois., et les médecins étaient considérés. Puis la population médicale s'est développée, agrandie, et a fini par occupé l'espace géographique partout. La population s'est habituée à avoir un médecin pratiquement à la porte d'à côté sinon pas loin, disponible quasiment 24h sur 24, créant presque un sentiment de possession ( "mon" médecin). Alors, avec le premier gouvernement de gauche depuis la création de la Sécu, on a considéré que cette offre de soins était excessive car c'est elle qui était responsable de l'augmentation des dépenses de soins d'une population qui s'accroissait. Alors on a créé le numerus clausus pour diminuer cette offre. Et puis on a incité les médecins à avancer leur départ à la retraire moyennant quelques avantages financiers. La médecine générale a alors aussi été fortement déconsidérée par les fac de médecine souveraines et les hôpitaux, attirant dans leurs rêts les futurs diplômés. Et cela a marché : le nombre de médecins a commencé de diminuer et a fini par diminuer tellement que les nouveaux formés ne compensaient plus ceux qui mettaient un terme à lune carrière bien remplie. La société s'en est félicitée au début, refusant de prédire ce qui allait arriver. Et puis bing ! Les médecins d'aujourd'hui revendiquent aussi le droit de travailler 35 heures et plus 70 par semaine, de profiter de 5 semaines de congés, de vivre correctement de leur métier, en famille, de voir grandir leurs enfants, de bénéficier d'un environnement de commerce, de loisirs, de services publics, de transports, etc.. comme tout le monde. Et, malheureusement, dans ces déserts dits médicaux, ces conditions ne sont pas souvent remplies quand elles ne sont pas absentes, car il ne s'agit pas de déserts seulement médicaux, mais de situations de déserts tant sur le plan commercial que de possibilités de loisirs, scolaires, transports, services publics, etc. Pour répondre à ce "droit" revendiqué, il faudrait au médecin une âme de missionnaire ou d'ermite ? Vous rêvez ? La désertification médicale entre dans le cadre d'une transformation sociétale à d'autres points de vue que le seul angle médical, et la solution ne peut pas se résumer à ce seul aspect. 4
Photo de profil de PIERRE BERTON
1,7 k points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 3 mois
C'est bien triste mais qui découvre quoi que ce soit? Que n'ai-je entendu jeune installé "Fallait pas venir à cette heure docteur, je vous l'ai dit, c'est l'heure de mon feuilleton "Les feux de l'amour"" (authentique) ou "La pilule jaune de ma voisine me réussit mieux que vos jaunes", "Vous partez encore en vacances?!" "Je vous dois quelque chose?". Les spécialistes tenaient le haut du pavé. Nous leur servions de secrétaire pour recopier leurs prescriptions et puis, le nomadisme médical et les visites le samedi à midi avec un dossier gros comme le bottin d'un patient "de passage", patient de plus très impatient. Ensuite la gestion du cabinet en fin de journée, l'exigence de la FMC alors un jour direction la fac et je suis devenu spécialiste puis hyper-spécialiste au finish dans la seule FPH. La question "du regret" ne s'est jamais posée. Ni "là-haut" ni "en bas" on ne se rend compte que les jeunes médecins et carabins ont changé. L'apostolat est allé dormir comme mot obsolète dans le Larousse et "qualité de vie" est tendance. Les jeunes nous ont sauvé la peau, pas celle de la Médecine
Photo de profil de M A G
4,6 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 3 mois
"Nous avons le droit à..." C'est bien l'arnaque du "contrat social", qui , je vous rappelle , est implicite. Donc chacun peut s'imaginer avoir droit à ci, à ça... Mais, en fait, il n'a "droit" à rien du tout. Mais cette confusion profite aux politiciens, car les gens vont payer docilement les cotisations, en pensant acheter leur droit à ci ou à ça. Sans parler du fait que l'Assurance Maladie, change sans cesse les règles du jeu. Mais combien vont identifier correctement les causes de la pénurie? Combien vont comprendre que la pénurie s'explique par le contrôle des prix et le monopole légal de l'Assurance Maladie?
 
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