
Chikungunya : restriction des recommandations vaccinales à La Réunion
La mise en évidence d’effets indésirables graves a bouleversé la campagne vaccinale qui visait à lutter contre l’épidémie qui sévit dans cette île.

L’île de La Réunion est en situation épidémique de chikungunya depuis le 13 janvier 2025. La prise en charge préventive de cette maladie a récemment été bouleversée par l’arrivée de la vaccination. Cependant, l’étape de pharmacovigilance qui est en cours a conduit à des alertes, nécessitant un réajustement des recommandations de la part de la Haute Autorité de santé et des autorités sanitaires.
Cette phase de pharmacovigilance a, en effet, permis l’observation de 12 cas graves en lien possible avec le vaccin, survenus chez des sujets âgés en moyenne de 76 ans, ayant entrainé 3 décès. A la suite des analyses de pharmacovigilance, le lien avec le vaccin n’a été établi que pour un seul de ces décès.
Faut-il dérembourser les cures thermales ?

François Pl
Oui
Dans les années 80 j'ai été suivre (sans prescription - je suis Belge) une "cure thermale" en Auvergne, suite à une promotion tour... Lire plus
Les autorités sanitaires ont alors décidé de retirer de la cible vaccinale, "sans délai, les personnes de 65 ans et plus présentant ou non des comorbidités", dans l’attente de données complémentaires de pharmacovigilance, nationales ou internationales.
Ixchiq est un vaccin vivant atténué, administré en une seule dose. C’est celui qui est disponible sur l’île de La Réunion depuis le 7 avril 2025, date du début de la campagne vaccinale. Compte tenu du caractère prolongé d’une immunité naturelle – escomptée sur ce territoire précédemment touché – et en raison d’un nombre limité de doses disponibles, les recommandations de la Haute Autorité de santé visaient initialement en priorité les personnes à risque de formes graves. Il s’agissait donc des personnes âgées de 65 ans et plus, ainsi que des personnes âgées de 18 à 64 ans avec comorbidités, n’ayant jamais eu de diagnostic clinique ou biologique d’infection par le virus du chikungunya. Le vaccin est contre-indiqué chez les personnes immunodéprimées, comme tous les vaccins vivants atténués, et non recommandé chez la femme enceinte. Chez les adultes entre 18 et 64 ans sans comorbidité, la vaccination est possible mais non remboursée. Elle coûte 120 euros.
La décision des autorités sanitaires est-elle de nature à remettre totalement en cause la vaccination ? Pour le Pr Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur, qui s'est exprimé lors d'une conférence de presse le 15 avril, "Ixchiq est un vaccin vivant dont on a montré chez des modèles animaux que l’atténuation divisait par 1 000 le pouvoir réplicatif. Il semblait toutefois très réactogène dans la phase III, avec des effets secondaires tels que céphalées et rash, voire l’apparition d’un syndrome de type chikungunya dans 1 à 2 % des cas. Peut-être que ce vaccin n’est pas suffisamment atténué pour les personnes très âgées, dont on sait que le système immunitaire décroît au fil des années". Il existe toutefois un second vaccin sur le marché : Vimkunya (Bavarian Nordic). C’est un vaccin recombinant, non réplicatif, constitué de particules synthétiques de type viral (Virus Like Particule), autorisé par la Commission européenne depuis fin février 2025. Selon le Dr Schwartz, celui-ci "pourrait représenter une stratégie alternative intéressante chez cette frange de population au système immunitaire altéré. Du fait de son caractère recombinant, il n’aura probablement pas les effets secondaires associés à un vaccin vivant atténué, et il a également démontré son efficacité."
Une étude en vie réelle
Une étude de l’immunogénicité et de l’efficacité de ce vaccin chez des sujets à risque de complications a été débutée en avril dernier sur le territoire. Elle se nomme Chik-re-vac (étude d’efficacité vaccinale contre le chikungunya en vie réelle à La Réunion). Promue par le CHU de La Réunion, en collaboration avec le ministère de la Santé, l’Inserm et l’agence régionale de santé, son recrutement doit s’effectuer sur deux ans. Le Dr Patrick Mavingui, directeur de recherche CNRS de l’UMR Pimit (Processus infectieux en milieu insulaire tropical), précise : "Le vaccin Ixchiq avait été testé jusqu’en phase III en termes d’immunogénicité, c’est-à-dire la production d’anticorps neutralisants, qui apparaissent 15 jours à un mois après la vaccination. Il s’agit là d’une étude de cohorte de phase IV en vie réelle, dans un contexte épidémique."
Nouvelle épidémie : phénotype et vecteur similaires
L’épidémie qui sévit actuellement à La Réunion n’est pas la première, l’île ayant déjà connu une telle épidémie il y a 20 ans. Cette nouvelle épidémie présente quelques ressemblances avec celle survenue sur le DOM-TOM en 2005. "On retrouve les deux mêmes espèces de moustique vecteur, dont la prédominante est Aedes albopictus (plus connu sous le nom de moustique tigre), et le même génotype viral, identifié Est Centre sud-africain", informe Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs à Institut Pasteur. À l’époque, le virus avait touché en dix-huit mois 266 000 personnes, soit 35% de la population, et 219 décès lui avaient été imputés.
Concernant l’épidémie actuelle, depuis le début de l’année 2025, on compte, à La Réunion, près de 183 000 consultations en médecine de ville pour chikungunya, et près de 50 000 cas confirmés de chikungunya autochtones.
Et les dernières données de Santé publique France (7 mai 2025) font état de 12 décès classés comme liés au chikungunya (10 directement et 2 indirectement), tous survenus chez des personnes âgées de plus de 70 ans porteuses de comorbidités (pathologies chroniques essentiellement).
Au sommaire de ce dossier :
-Comment le Gouvernement veut améliorer la vaccination des seniors
-Vaccins anti-grippaux : la HAS recommande de privilégier Efluelda et Fluad chez les sujets âgés
-Infections à méningocoques : Renforcement des obligations et recommandations vaccinales
-HPV : un rattrapage vaccinal recommandé à tous jusqu’à 26 ans
-L'adhésion à la vaccination marquée par les inégalités sociales
-Femmes enceintes : la vaccination à la peine
-Tuberculose : recherche vaccinale, où en est-on ?
-Démence : une étude suggère un rôle préventif du vaccin contre le zona
La sélection de la rédaction