
Infections à méningocoques : renforcement des obligations et recommandations vaccinales
La recrudescence des infections à méningocoques, qui peuvent entraîner méningite, septicémie, voire décès dans 10 à 20% des cas, a conduit à la mise en place de nouvelles obligations vaccinales pour les enfants de moins de 5 ans et de nouvelles recommandations pour les adolescents et jeunes adultes. Le point avec la Pre Anne-Claude Crémieux, infectiologue, membre du collège de la Haute Autorité de santé et présidente de la commission technique des vaccinations.

Egora : Comment la prévalence des infections à méningocoques a-t-elle évolué ces dernières années en France ?
Pre Anne-Claude Crémieux : Depuis deux ans, il y a une recrudescence des cas, qui dépassent le nombre d’avant le Covid-19, avec 563 cas en 2023 et 616 cas en 2024, contre 460 en 2019. Nous avons enregistré 184 cas en janvier-février 2025, ce qui correspond à 30% des cas de 2024. Le taux moyen était de 0,82 cas pour 100 000 personnes en 2023, contre 0,74 pour 100 000 sur la période 2016-2019.
La situation est possiblement liée en partie à la sévérité de l’épidémie de grippe, qui entraîne plus d’infections invasives à méningocoques. Autre fait majeur : l’augmentation des sérogroupes W et Y, qui représentent ensemble 50% des cas en France, les autres 50% étant du sérogroupe B. C’est préoccupant car le sérogroupe W est hypervirulent, avec une mortalité de 20%, contre 10% avec le sérogroupe B. L’ensemble des sérogroupes engendrent des séquelles dans 25% des cas. Les infections à méningocoques sont les plus catastrophiques et les plus foudroyantes des infections, malgré l’antibiothérapie.
Les deux tranches d’âge particulièrement touchées par les méningites à méningocoques sont les enfants de moins de 5 ans, et particulièrement de moins de 1 an, et les adolescents et jeunes adultes de 15 à 24 ans.
La vaccination des enfants de 0 à 5 ans contre les souches B et ACWY a ainsi été ajoutée au calendrier vaccinal…
Les couvertures vaccinales pour les onze vaccins obligatoires sont remarquables, toutes supérieurs à 90%. L’obligation de vaccination infantile a deux objectifs : protéger tous les nourrissons quel que soit le niveau d’information et d’accès aux soins des parents, et réaliser les vaccinations avant l’entrée en collectivité pour protéger les autres enfants, car il faut atteindre une couverture très élevée (95%).
L’obligation de vaccination des nourrissons contre les méningocoques B et ACWY est mise en œuvre depuis le 1er janvier 2025. Les enfants nés à partir de cette date doivent être vaccinés contre le méningocoque B à 3, 5 et 12 mois, et avec le vaccin quadrivalent contre les souches ACWY à 6 et 12 mois. Il y a un rattrapage transitoire pour les enfants nés avant le 1er janvier 2025 et ayant moins de 5 ans et surtout moins de 1 an, jusqu’à l’âge de 3 ans pour le méningocoque ACWY et jusqu’à l’âge de 5 ans pour le méningocoque B.
Pour les adolescents et jeunes adultes, la vaccination contre les souches ACWY fait l’objet d’une recommandation et non d’une obligation…
Les 15-24 ans sont la tranche d’âge à risque pour les souches ACWY et ce sont les principaux vecteurs de la bactérie (10 à 20% de porteurs). La vaccination vise à les protéger et à arrêter la circulation pour protéger également les plus âgés (personnes de 60 ans ou plus) et les plus jeunes.
Nous recommandons la vaccination des adolescents de 11 à 14 ans, puis un rattrapage rapide jusqu’à 24 ans. Pour les adolescents, qui ont de très fortes interactions sociales, les risques sont les infections à méningocoques et le papillomavirus humain (HPV). La vaccination combinée est inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2025, et le ministre veut la mettre en œuvre rapidement. La vaccination scolaire est efficace, comme nous avons pu le voir avec le HPV.
En revanche, il n’y a pas de recommandation de vaccination contre le méningocoque B pour les jeunes, mais une prise en charge à 100% du vaccin pour les 15-24 ans…
Aucun pays ne recommande cette vaccination dans cette tranche d’âge. En effet, si le vaccin quadrivalent ACWY protège pendant dix ans – la vaccination est donc faisable à l’échelle de la population –, le vaccin contre le méningocoque B protège pendant trois à cinq ans et nécessite deux injections puis un rappel. Et il ne prévient pas le portage, donc il n’a pas d’intérêt en immunité collective. Cependant, certains pays dont la France laissent aux médecins et aux familles la possibilité d’accéder à ce vaccin en le remboursant pour les 15-24 ans.
Nous avons pensé que ce sérogroupe allait diminuer, mais ce n’est pas le cas en 2025. S’il continue à croître, la Haute Autorité de santé ne s’interdit pas de revenir sur ses recommandations…
La Pre Anne-Claude Crémieux déclare participer ou avoir participé à des activités pour Janssen, Pfizer, MSD.
Au sommaire de ce dossier :
-Comment le Gouvernement veut améliorer la vaccination des seniors
-Vaccins anti-grippaux : la HAS recommande de privilégier Efluelda et Fluad chez les sujets âgés
-HPV : un rattrapage vaccinal recommandé à tous jusqu’à 26 ans
-L'adhésion à la vaccination marquée par les inégalités sociales
-Femmes enceintes : la vaccination à la peine
-Chikungunya : restriction des recommandations vaccinales à La Réunion
-Tuberculose : recherche vaccinale, où en est-on ?
-Démence : une étude suggère un rôle préventif du vaccin contre le zona
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