
Seniors à risque cardiovasculaire : la fragilité de chaque patient doit être évaluée
L’hétérogénéité de la population âgée incite à prendre en considération le profil de la personne – robuste, fragile ou dépendante – bien plus que son âge. La priorité va à l’évaluation de la situation avant toute initiation de traitement et à la mise en place de mesures préventives.

«La population des personnes de 65 ans ou plus comprend des profils très hétérogènes : 50% de sujets robustes vivant à domicile, avec une atteinte très minime des fonctions physiologiques et une absence de pathologie ; 5% en situation de dépendance, avec une pathologie sévère évolutive ou compliquée et/ou un handicap, fréquemment hospitalisés ou en institution ; 15% de personnes fragiles et 30% préfragiles, avec un état instable, une perte des réserves fonctionnelles, un défaut de réponse au stress», a exposé le Pr Achille Tchalla, chef de service gériatrie au CHU de Limoges, directeur du laboratoire de recherche Vie Santé (Vieillissement, Fragilité, Prévention, e-Santé), lors des Journées européennes de la Société française de cardiologie, le 15 janvier dernier. «L’objectif est d’identifier précocement la dysfonction, très en amont de la pathologie ou du syndrome gériatrique (chutes, démence…), pour mettre en place des actions de prévention et revenir à la robustesse.»
Évaluer et corriger la situation
La fragilité peut s’évaluer selon le score de Fried (2001), fondé sur un phénotype «physique» : perte de poids (≥ 4,5 kg ou ≥ 5% du poids) sur un an, fatigue, marche ralentie, diminution de la force musculaire, sédentarité. Un individu est considéré comme préfragile s’il coche un ou deux critères, et fragile à partir de trois critères. Le score de Rockwood (2005) est fondé sur une approche multidomaines : cognition, état psychosocial (dépression, isolement…), nutrition, vue et audition, motricité, équilibre, comorbidités, autonomie dans la vie quotidienne.
Par ailleurs, il existe une association forte entre fragilité et insuffisance cardiaque, qui doit être traitée de manière adéquate. «Les études menées chez les patients insuffisants cardiaques ont montré que les plus fragiles sont ceux qui vont bénéficier le plus du traitement, à la fois sur les événements cardiologiques, les hospitalisations, la mortalité, la qualité de vie. Paradoxalement, ce sont les moins traités, a signalé le Pr Olivier Hanon, chef de service de gérontologie à l’hôpital Broca (AP-HP). Tout patient doit bénéficier d’un traitement, que l’on va ajuster.»
Personnaliser les traitements
L’évaluation de la fragilité chez les plus de 75 ans repose sur le Triage risk screening tool (TRST), incluant troubles cognitifs, troubles de la marche/chutes, polymédication (plus de 5 médicaments), hospitalisation récente (de moins de trois mois) ou admission aux urgences (de moins d’un mois) et perte d’autonomie. «Un profil avec un score inférieur à 2 est considéré comme non vulnérable, et la prise en charge peut se poursuivre. En cas de score de 2, il est nécessaire de faire appel en complément à l’équipe mobile de gériatrie pour personnaliser la prise en charge, évaluer la tolérance et le rapport bénéfice/risque des traitements, et les prioriser en fonction des comorbidités et de la qualité de vie», a détaillé le Pr Tchalla.
La notion de fragilité est intégrée aux recommandations de prise en charge de toutes les pathologies cardiovasculaires. Pour le traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite, «pendant longtemps, on estimait qu’il fallait arriver à la dose maximale tolérée, mais en raison des effets secondaires, on ne parvenait jamais à donner tous les traitements. Maintenant, le consensus d’experts vise l’introduction des fameux 'quatre fantastiques' à des doses beaucoup plus faibles et de façon plus progressive, avec des quarts de dose – sauf pour les inhibiteurs du SGLT2 –, augmentés tous les sept jours environ», a expliqué le Pr Hanon.
Le suivi comprend la surveillance de la tension (à la recherche d’une hypotension orthostatique), de la fonction rénale, de la kaliémie, de l’état nutritionnel, des troubles cognitifs et de la polymédication (conciliation médicamenteuse, déprescription, contrôle de l’observance). Il doit s’inscrire dans le temps long. «Le suivi gériatrique est capital, avec un parcours bien coordonné entre cardiologue, médecin traitant, infirmière en pratique avancée et gériatre, a souligné le Pr Tchalla. L’objectif est de prévenir des décompensations des fragilités, car un patient qui n’était pas fragile au début peut le devenir plus tard.»
Au sommaire du dossier "seniors":
- Maladies neurocognitives : des recommandations pour la prise en charge des symptômes psychologiques et comportementaux
- Maladie d’Alzheimer : la piste infectieuse est de plus en plus explorée
- Les seniors, angle mort de la lutte contre le VIH
- Presbyacousie : le diagnostic et le traitement évoluent
Références :
D’après les interventions des Prs Olivier Hanon (hôpital Broca, AP-HP) et Achille Tchalla (CHU de Limoges) lors des Journées européennes de la Société française de cardiologie (15 janvier).
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