
Maladie d’Alzheimer : la piste infectieuse est de plus en plus explorée
À côté des facteurs de risque déjà identifiés de la maladie d’Alzheimer – sexe féminin, vieillissement, génétique, faible niveau d’éducation, mode de vie, comorbidités (dépression, maladie cardiovasculaire), pollution… –, l’infection microbienne constitue une nouvelle piste de recherche. La Dre Marion Lévy, directrice scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer, répond aux questions d'Egora.

Egora : Quels sont les arguments en faveur d’une cause infectieuse de la maladie d’Alzheimer ?
Dre Marion Lévy : L’hypothèse selon laquelle le virus d’Epstein-Barr constituerait un facteur de risque important de la sclérose en plaques a émergé aussi pour la maladie d’Alzheimer. Les études cliniques restent rares, mais des études épidémiologiques rétrospectives montrent que certains patients Alzheimer présentent des agents pathogènes. Les infections déclenchées pourraient être des facteurs de risque. Les chercheurs suivent la piste d’un large panel d’agents latents dans l’organisme et pouvant se déclencher à nouveau : plusieurs virus de l’herpès, les parodontites et des déséquilibres du microbiote intestinal.
Quels en seraient les mécanismes ? Certaines recherches évoquent une dérégulation des défenses immunitaires (les peptides amyloïdes deviendraient néfastes quand ils sont activés de façon chronique) ou des infections s’installant à la faveur de la sénescence du système immunitaire ?
Il est compliqué d’avoir une réponse globale. Chaque type de pathogène peut entraîner une réponse différente. La barrière hémato-encéphalique peut être fragilisée, entraînant une augmentation de la neuro-inflammation. Des études montrent son effet sur la phosphorylation des protéines tau et les bêta-amyloïdes. Est-ce une cause ou une conséquence ? En tout cas, il existe une corrélation.
Quelles sont les études menées sur le sujet ?
En 2024, la Fondation Vaincre Alzheimer a financé une fin de thèse sur l’effet du parasite de la toxoplasmose sur les réponses immunitaires cérébrales et l’accélération du déficit de la mémoire dans un modèle expérimental de maladie d’Alzheimer. Des études portent sur les points de dysfonctionnement du cerveau : on ne parle plus de lésions mais de neuro-inflammation et de métabolisme cellulaire altéré. D’autres se focalisent sur l’impact de la pathologie sur l’ensemble du corps, et vice versa.
Par ailleurs, une étude menée sur un millier de personnes n’a pas montré de corrélation entre herpès et maladie d’Alzheimer, sauf chez des porteurs des deux copies du gène APOE4. Chez eux, le virus peut pénétrer plus facilement dans les cellules neuronales, et les dommages causés sont plus compliqués à réparer.
Le virus de l’herpès, contracté au cours de la vie, peut être réactivé à cause du stress.
Dans quelle mesure une infection pourrait-elle être à l’origine de la maladie, par rapport à d’autres causes ?
Il y a de nombreuses études contradictoires, certaines montrant des corrélations, d’autres non. Ces corrélations semblent faibles, mais cela peut évoluer. Ce n’est pas une infection qui est la cause de la maladie d’Alzheimer mais la combinaison des effets de cette infection.
La maladie est multifactorielle : sexe, âge, génétique, activité physique, alimentation, tabac, alcool, mauvaise ouïe et mauvaise vue.
Si la piste infectieuse s’avérait fondée, quelles thérapies pourraient être développées ?
La vaccination contre les infections comme la varicelle, la grippe et certaines hépatites est explorée, ainsi que des traitements antiviraux, notamment contre l’herpès. Quelques études montrent de bons résultats, mais elles sont menées sur des cultures cellulaires ou sur des modèles expérimentaux. Cependant, on ne peut pas parler de thérapie. On pourra simplement diminuer le risque si la corrélation est identifiée.
L’hypothèse infectieuse semble contredite par l’augmentation modérée de la prévalence de la maladie d’Alzheimer ces dernières années liée, en particulier, à la prévention cardiovasculaire…
L’hypertension artérielle, qui est un gros facteur de risque, est désormais davantage prise en compte. Tout est corrélé, l’activité physique et l’alimentation diminuent le risque cardiovasculaire.
Des études ont été menées et sont menées sur les risques liés à l’environnement et au mode de vie, mais elles sont difficiles à réaliser et à interpréter.
Quels conseils de prévention le médecin généraliste peut-il dispenser à ses patients ?
Il s’agit d’éviter la sédentarité et de pratiquer une activité physique (notamment la marche), d’avoir une bonne alimentation, d’éviter le tabac et l’alcool ainsi que le stress, de surveiller la tension et les maladies cardiovasculaires. Et d’avoir une activité sociale car l’isolement est un facteur de risque important. La stimulation cognitive et l’activité physique pratiquées en groupe offrent encore plus de bénéfices.
La Dre Lévy déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Eisai.
Au sommaire du dossier "seniors" :
- Seniors à risque cardiovasculaire : la fragilité de chaque patient doit être évaluée
- Maladies neurocognitives : des recommandations pour la prise en charge des symptômes psychologiques et comportementaux
- Les seniors, angle mort de la lutte contre le VIH
- Presbyacousie : le diagnostic et le traitement évoluent
Références :
D’après les propos de la Dre Marion Lévy, directrice scientifique de la Fondation Vaincre Alzheimer
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