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HTA résistante : lutter contre l’inertie thérapeutique

Certains pièges sont à éviter. Une mauvaise observance, une intolérance aux hypertenseurs, une HTA secondaire ou encore masquée doivent, en particulier, être recherchées. Interview de la Pre Béatrice Duly-Bouhanick, hypertensiologue-endocrinologue au CHU de Toulouse.

23/06/2025 Par Caroline Guignot
Cardio-vasculaire HTA ESH 2025
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Vous avez modéré une session* dans laquelle plusieurs communications ont été dédiées aux motifs d’adressage du patient hypertendu au spécialiste, qu’ils soient rares ou communs. Que faut-il en retenir ?

L’HTA résistante vraie, définie par un mauvais contrôle tensionnel malgré un traitement bien conduit avec au moins trois antihypertenseurs à doses optimales dont un diurétique thiazidique, ne concernerait que 5 à 10 % des hypertendus. On la surestime trop souvent, du fait des trop nombreux cas d’HTA pseudorésistante non identifiés. 

Les messages sont toujours les mêmes : la première étape est de confirmer le mauvais contrôle par une mesure ambulatoire, afin d’exclure l’effet blouse blanche. Il faut s’assurer que les bonnes molécules sont prescrites aux bonnes doses, conformément aux recommandations de l’ESH, de l’ESC et de la HAS, assez convergentes. Un diurétique est généralement nécessaire, car l’hypervolémie constitue une cause majeure d’HTA pseudorésistante. Enfin, il ne faut pas négliger les mesures hygiéno-diététiques, dont la réduction des apports sodés. 

Dans tous ces ajustements, il faut autant que possible privilégier les associations fixes pour limiter l’inobservance, qui concernerait jusqu’à 40 % des patients. Il existe des questionnaires pour aider à identifier les freins. Dans tous les cas, il faut absolument lutter contre l’inertie thérapeutique, qui conduit trop souvent à différer les ajustements nécessaires, et ne pas se contenter de valeurs "presque" normales : un patient qui a une bonne connaissance des risques associés à l’HTA est généralement plus observant. Si ce n’est pas le cas, une approche pluridisciplinaire peut les aider.

 

Les HTA secondaires sont-elles encore insuffisamment recherchées ?

En effet, il faut penser à les rechercher plus systématiquement lors de l’évaluation diagnostique, puisqu’elles sont curables, une fois le traitement de la cause initié. Elles représenteraient jusqu’à 20 % des cas d’HTA, et potentiellement jusqu’à 30 % chez les sujets de moins de 40 ans. La prévalence des différentes étiologies dépend de l’âge. Parmi elles, on peut citer le syndrome d’apnées obstructives du sommeil, les causes rénales et rénovasculaires, l’hyperaldostéronisme primaire, le syndrome de Cushing, le phéochromocytome, la coarctation de l’aorte et les pathologies thyroïdiennes. Si les recommandations 2024 de l’ESC proposent de doser la rénine et l’aldostérone de manière systématique, l’ESH recommande, pour des raisons de coût et de faisabilité, de la limiter à certains publics prioritaires : les sujets jeunes, les patients ayant une HTA sévère ou des signes cliniques évocateurs, comme des crampes liées à une hypokaliémie, des palpitations.

 

Moins connues, les intolérances aux traitements antihypertenseurs constituent aussi un écueil ?

Jusqu’à 10 % des hypertendus ne tolèrent pas plus de trois médicaments à cause d’effets indésirables reproductibles, sans lien avec des causes allergiques ou immunologiques habituellement évoquées, et différents de ceux liés aux interactions médicamenteuses connues pour les combinaisons utilisées. Ces patients intolérants ne doivent pas être confondus avec les hypertendus résistants. On évoque des mécanismes pharmacogénomiques, le rôle des comorbidités, un effet nocebo dans un contexte d’anxiété pour l’expliquer. 

Ces situations sont associées à une moins bonne adhésion thérapeutique, favorisent l’arrêt des traitements et créent beaucoup d’errance diagnostique, car les patients s’entendent dire que c’est dans leur tête. Chez eux, il faut documenter et valider les symptômes, éliminer les causes secondaires d’intolérance et idéalement, selon la Dre Pauline Swift (Carshalton, Royaume-Uni), proposer des approches alternatives : des doses faibles ou fractionnées, des galéniques différentes quand elles existent, comme les gouttes ou les patchs, ou encore la dénervation rénale. L’orientation vers des équipes multidisciplinaires ou un centre d’excellence de l’ESH (Blood Pressure Clinics) peut leur être proposée. 

Cette intolérance médicamenteuse idiopathique impose néanmoins un grand nombre de consultations, et force est de constater que les doses proposées sont empiriques et que la stratégie pharmacologique manque ici d’un niveau de preuve suffisant. L’importance de l’écoute et faire preuve d’empathie restent des clés de la prise en charge, où même une petite amélioration peut être significative pour établir une relation de confiance avec le patient et, progressivement, tenter d’améliorer pas à pas sa prise en charge.

 

Reste l’hypertension orthostatique. S’agit-il d’un piège diagnostique ?

L’hypertension orthostatique est définie par une élévation de la pression artérielle en position debout. Sa fréquence augmente avec l’âge. Son diagnostic repose sur une série de trois mesures en position couchée ou assise, puis trois mesures après une minute en station debout. Le diagnostic est posé si la PAS augmente d’au moins 20 mmHg et/ou la PAD d’au moins 10 mmHg chez un hypertendu avec des PAS/PAD supérieures à 140/90 mmHg. Cette forme d’HTA se retrouve souvent chez des patients qui ont une tension normale en consultation alors qu’ils disent avoir une tension élevée chez eux : c’est ce qu’on appelle une HTA masquée. Elle pourrait résulter d’une hyperactivité du système nerveux autonome ou d’une réponse vasoconstrictrice exagérée. L’hypertension orthostatique est encore peu connue des cliniciens. C’est parfois à l’occasion d’une recherche d’hypotension orthostatique qu’elle est identifiée, à condition que le protocole de mesure soit rigoureux. Dans tous les cas, cette hypertension doit être prise en charge comme une HTA conventionnelle, car elle est prédictive d’une HTA chez les sujets normotendus le reste du temps, et est associée chez tous à une augmentation du risque de complications cardiovasculaires.

 

*Session "SFHTA-ISH-ESH Management of common and uncommon referrals to specialist blood pressure service".

 

Références :

34ème Congrès européen sur l’hypertension et la protection cardiovasculaires (ESH 2025, Milan, 20 - 26 mai). D’après un entretien avec la Pre Béatrice Duly-Bouhanick, hypertensiologue-endocrinologue, CHU de Toulouse.

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