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Femmes enceintes hypertendues : un risque de démence accru

Le risque de trouble cognitif apparaît principalement en cas de prééclampsie. Rencontre avec le Pr Jacques Blacher, cardiologue à l'Hôtel-Dieu, Paris. 

23/06/2025 Par Caroline Guignot
ESH 2025
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Egora : Vous avez présenté au congrès * une étude (1) sur les liens entre événements tensionnels de la femme enceinte et pronostic cognitif ultérieur. Quel risque encourent les patientes ?

Pr Jacques Blacher : En effet, certaines données animales et humaines ont suggéré une altération modérée et temporaire de certaines fonctions cognitives après une prééclampsie, parfois objectivée par l’imagerie. Nous avons voulu évaluer la résultante à long terme de cette complication sur le risque de développer certaines anomalies cérébrales fonctionnelles ou structurelles. Pour le savoir, nous avons utilisé les données de la cohorte Conception de Santé publique France, qui a inclus plus de 6 millions de femmes ayant accouché entre 2010 et 2018. Nous avons comparé le pronostic à long terme des femmes qui souffraient d’HTA chronique avant la grossesse, celui des femmes ayant développé une HTA gravidique ou une prééclampsie, en comparaison des autres femmes. Le suivi moyen était de sept ans et se prolongeait pour certaines jusqu’à onze ans. Nous avons identifié 128 cas de démence au cours du suivi de la cohorte. Le risque était multiplié par 2,6 chez celles ayant eu une prééclampsie au cours de la grossesse. Une tendance comparable, mais non significative, existait aussi pour celles qui avaient une HTA chronique ou une HTA gravidique. C’est, à notre connaissance, le premier travail suggérant un lien entre les troubles de la pression artérielle et le risque de démence chez le sujet jeune (1). Les formes précoces de prééclampsie apparaissent davantage associées aux lésions vasculaires et cérébrales durant la grossesse : la durée d’exposition à la prééclampsie pourrait être un élément délétère, peut-être en lien avec une exposition prolongée à des composés toxiques ; car on cherche à retarder l'accouchement le plus possible pour le l'enfant soit viable.

Ces résultats soulèvent des questions sur les stratégies de prévention et de suivi ?

En effet, malgré une prise en charge adéquate et une normalisation de la pression artérielle, ces femmes ont présenté une protéinurie et une inflammation. Le suivi et la prise en charge de ces patientes ne sont donc sans doute pas assez intensifs. Il faut rappeler que dans des analyses précédentes, nous avions décrit dans la même cohorte que l’HTA et encore plus la prééclampsie sont associées à un risque cardiovasculaire (220 IDM et plus de 1 000 AVC au cours du suivi de cette cohorte). Et bien que la tension se normalise le plus souvent après l’accouchement, le risque d’HTA chronique ultérieur est multiplié par 6 à 8 selon les cas. Aussi, tout événement hypertensif pendant la grossesse devrait conduire à des actions de dépistage et de prévention adaptées. Il faudrait vraiment insister sur la perte de poids, la surveillance de la pression artérielle, l’activité physique et l’arrêt du tabac chez celles qui ont eu une prééclampsie, puisque celles qui ont eu un premier épisode ont un risque accru de récidive lors d’une nouvelle grossesse. Plus généralement, nous avons encore trop de retards au diagnostic et au traitement de l’HTA chez les femmes enceintes. Pour mémoire, elle doit être traitée dès 140/90 mmHg, avec pour objectif de passer sous ces seuils tensionnels. La protéinurie doit être recherchée chaque mois. Et toutes celles qui ont un traitement antihypertenseur doivent avoir un suivi médical mensuel a minima. Attention au choix des molécules : les seules autorisées durant la grossesse sont la nicardipine, la nifédipine, l’alphaméthyldopa et le labétalol. Certains experts proposent même de basculer vers ces molécules dès qu’une femme hypertendue a un projet de grossesse.

* Atelier thématique « Hypertension in women ».

Références :

34ème Congrès européen sur l’hypertension et la protection cardiovasculaires (ESH 2025, Milan, 20 - 26 mai). D’après un entretien avec le Pr Jacques Blacher, cardiologue, Hôtel-Dieu, Paris

(1) Olie V, et al. Jama Netw Open 2024;7(5):e2412870.

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