Quatrième année d'internat de médecine générale : le retard pris dans le passage des thèses menace l'exercice des futurs docteurs juniors
Avec l'entrée en vigueur de la quatrième année d'internat de médecine générale, le délai limite de passage des thèses va être drastiquement réduit. Les retards pour soutenir les thèses s'accumulent pourtant déjà dans la spécialité, faisant craindre un véritable embouteillage dans les prochains mois. Décryptage.
Durée des études, statut de docteur junior, rémunération… La réforme de la quatrième année d'internat de médecine générale, qui doit entrer en vigueur dans un an, va transformer en profondeur la spécialité. Elle vient également modifier le délai limite de passage des thèses pour les internes. Désormais, les apprentis généralistes devront soutenir leur thèse avant la fin de la phase d'approfondissement pour pouvoir débuter leur année de docteur junior ; ils n'auront donc plus que trois ans pour la passer après le début de leur internat.
Pour l'heure, "la réglementation en vigueur leur permet de passer leur thèse jusqu'à six ans après les ECN/EDN", rappelle Atika Bokhari, présidente de l'Isnar-IMG*. Beaucoup de jeunes praticiens décident donc de la soutenir après la fin de leurs trois années d'internat ; une habitude qui va devoir prendre fin. Dorénavant, "il va falloir faire soutenir tous les internes dans les trois années avant la phase de consolidation car, en théorie, les docteurs juniors doivent être thèsés", souligne le Pr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE).
Mais cet objectif s'annonce particulièrement difficile à tenir pour les facultés. Pour cause : la médecine générale fait déjà face à des retards dans les passages des thèses. Selon la présidente de l'Isnar-IMG, 4 500 apprentis généralistes étaient en attente pour passer leur thèse au 1er juillet 2024. Une liste d'attente à laquelle vont se greffer les promotions des futurs docteurs juniors, dont certains doivent – hors dérogation - soutenir leur thèse d'ici un an. "Actuellement, il y a 4 261 thèses à soutenir ante réforme. On a, par ailleurs, 10 391 étudiants qui sont inscrits dans les promotions 2023, 2024 et 2025", confirme le Pr Olivier Saint-Lary.
"Il y a une espèce d'effet démultiplicateur qui est compliqué à gérer", poursuit le président du CNGE. "Surtout que les ratios enseignants/étudiants en médecine générale sont très défavorables par rapport aux autres spécialités." Un constat partagé par les représentants des internes. Au-delà du "problème contextuel" de devoir faire "passer rapidement" un nombre important de thèses, "il y a un problème de fond" avec trop "peu d'enseignants, de représentativité, de directeurs de thèse" dans la spécialité, estime Atika Bokhari.
Vers des soutenances "à la chaîne" ?
Elle pointe, par ailleurs, la quasi "inexistence" de "la recherche en médecine ambulatoire". "La mise en relation des internes en médecine générale avec les directeurs, les sujets de thèse... n'est pas facilitée, contrairement aux autres spécialités", détaille la présidente de l'Isnar-IMG. "On demande depuis longtemps à ce qu'il y ait des banques de données en santé publique qui puissent être utilisées par les internes, des plateformes de mise en relation entre un interne qui a un sujet qui lui plaît et un MSU [maître de stages universitaires] ou un directeur de thèse qui a un sujet sur lequel il travaille…"
Face aux difficultés pour constituer des jurys de thèses – qui répondent à des règles strictes – et respecter les délais de soutenance, "certaines subdivisions réfléchissent à choisir une journée totalement dévouée au passage des thèses", avance Mélanie Debarreix, présidente de l'Isni**. "On a peur que ça devienne quelque chose à la chaîne, que ce soit une usine et que ça perde un peu du côté sacré de faire son serment d'Hippocrate, de prêter le serment devant notre famille…"
Une dérogation pour le délai de passage de la thèse a pourtant été proposée par le Gouvernement, conformément aux recommandations du dernier rapport sur la quatrième année d'internat publié début 2025. Elle prévoit que les trois premières promotions de docteurs juniors bénéficient d'une année supplémentaire – jusqu'à la fin de la phase de consolidation – pour soutenir leur thèse. Le dispositif a été examiné par le Conseil d'Etat ce début de semaine, mais sa décision n'est pas encore connue.
Un an, ça risque d'être trop peu
Pour le Pr Saint-Lary, le principe d'une dérogation doit être validé. Sinon, "je ne vois pas comment on va faire", souffle le généraliste. Selon un sondage réalisé par le CNGE et la Conférence nationale des doyennes et doyens de médecine, les départements de médecine générale (DMG) se sont organisés sur la base de cette année supplémentaire, rapporte Olivier Saint-Lary. "Ca ne va pas être simple, mais ils devraient y arriver" avec cette dérogation, note-t-il.
Du côté des internes, on soutient aussi la mesure. Sans elle, "les internes ne pourront pas être docteurs juniors", estime Atika Bokhari, pour qui la dérogation aurait pu être élargie. "Un an, ça risque d'être trop peu", craint la présidente de l'Isnar-IMG. Pour éviter un trop grand retard dans les soutenances, le syndicat d'internes a également proposé, dans une contribution de décembre 2024, de mettre en place un "suivi annuel du nombre de thèses restant à soutenir par les DMG et facultés pour permettre de moduler les durées de dérogation possibles". Il a, par ailleurs, invité à élargir le rôle de président de jury de thèses aux professeurs émérites de médecine générale, aux professeurs associés de médecine générale, ainsi qu'aux maîtres de conférences universitaires et associés de médecine générale. Une solution nécessaire, selon Atika Bokhari, pour "favoriser le passage plus rapide des thèses".
Enfin, il est nécessaire que les facultés respectent les règles de soutenance pour les thèses, sans pour autant les renforcer. "Certaines UFR imposent des contraintes au-delà de la réglementation, ce n'est pas le moment [d'en] rajouter quand elles ne sont pas obligatoires, notamment sur les compositions de jury", déplore Olivier Saint-Lary. "Il y a un certain nombre de leviers que l'on peut certainement actionner pour faciliter les soutenances de thèses en masse."
*Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale
**Intersyndicale nationale des internes
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