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La rémunération des docteurs juniors enfin fixée : pour les internes de médecine générale, "c'est un zéro pointé"

Attendus depuis de longs mois, les textes réglementaires encadrant la rémunération des futurs docteurs juniors de médecine générale et de leurs maîtres de stage ont été publiés ce jeudi 28 août. Ils sont pourtant loin de satisfaire les syndicats d'internes, qui pointent également l'absence de dispositions sur la participation à la permanence des soins ambulatoires et la dérogation de thèse. Explications. 

28/08/2025 Par Chloé Subileau
Internat Docteur Junior
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Les futurs docteurs ambulatoires (DJA) sont enfin fixés. Attendus de longue date, les textes réglementaires encadrant la rémunération de ces apprentis généralistes et de leurs maîtres de stage universitaires (MSU) ont été publiés ce jeudi 28 août au Journal officiel. Ce décret, et les deux arrêtés qui l'accompagnent, mettent fin à des mois d'incertitude. Et ce, à près d'un an de la mise en œuvre officielle de la quatrième année de médecine générale.  

"J'ai pris un engagement : il est tenu", s'est félicité le ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins ce jeudi, sur ses réseaux sociaux. Ces nouveaux textes viennent préciser les contours de la réforme de la quatrième année d'internat qui, selon Yannick Neuder, "n'est pas une simple évolution technique", mais "une décision politique forte pour l'avenir de la médecine générale et pour l'égalité des soins".   

Du côté des syndicats étudiants, l'enthousiasme est bien plus nuancé. La rémunération fixée pour les DJA "ne correspond pas à 100%" à ce que nous avions demandé, surtout "qu'on a toujours défendu une rémunération avec rétrocession" comme préconisé dans les deux rapports sur la mise en place de la quatrième année, dont le dernier a été publié début 2025, rappelle à Egora Killian L’helgouarc'h, président de l'Isni*. "Maintenant, les négociations sont telles qu'elles sont…" 

Pour l'Isnar-IMG**, c'est une véritable douche froide. "On est dépités", souffle Saga Bourgeois, porte-parole du syndicat. "De notre côté, c'est un zéro pointé pour le Gouvernement." 

Pour cause : le décret et l'arrêté encadrant la rémunération des DJA, publiés ce jeudi, sont venus confirmer le modèle annoncé début août par Yannick Neuder – auquel s'opposent les syndicats d'internes. Ces textes actent le versement d'une prime de 1000 euros en cas de stage ambulatoire en ZIP et d'une seconde – dite "incitative" - de 500 euros semestriels "conditionnée à la réalisation de 200 actes ou consultations par mois en moyenne sur le semestre".  

Ces deux textes réglementaires ne font toutefois pas référence aux autres éléments de rémunération annoncés par le ministre : à savoir une part fixe de 2 375 euros mensuels, une prime d'autonomie supervisée de 417 euros mensuels, et une valorisation d'environ 1560 euros par mois pour la participation à la permanence des soins ambulatoires (PDSA).   

Les négociations sur la PDSA n'ont pas encore abouti

Ils n'ont en réalité pas été oubliés. La part fixe ainsi que la prime d'autonomie sont, en effet, "déjà prévus dans de précédents textes", qui concernent tous les docteurs juniors quelle que soit leur spécialité, précise Killian L’helgouarc'h. L'arrêté du 15 juin 2016 fixe notamment la rémunération des internes de quatrième année, tandis que celui du 11 février 2020 précise le montant brut annuel de la prime d'autonomie supervisée. "Le Gouvernement prévoyait initialement d'exclure les DJA de ce texte. Or, puisqu'ils ne l'ont finalement pas été, il n'y avait pas besoin de changer le texte" ou d'en publier un nouveau pour acter ces deux parts de rémunération, ajoute le président de l'Isni.  

Pour la valorisation de la participation à la PDSA, rien ne sert de fouiller les textes : aucune mention n'y est faite. Selon les syndicats, les négociations sur ce sujet n'ont pas encore abouti, ne permettant pas, pour l'instant, de l'encadrer. "On a un groupe de travail dans lequel on a pu faire nos retours, mais ça n'a pas été plus loin", explique Saga Bourgeois, qui rappelle que les futurs généralistes sont en grande majorité prêts à participer à la PDSA. "On ne connait pas très bien le modèle [de rémunération] qui va être mis en place, mais ce qui est ressorti des discussions avec le Gouvernement, c'est que la PDSA ne sera pas obligatoire et pas forfaitisée. On devrait plutôt être sur un modèle avec 100% de la rémunération pour le DJA", abonde Killian L’helgouarc'h. 

Du côté de l'Isnar-IMG, on insiste également sur la nécessité d'avoir une véritable "seniorisation" en cas de participation de l'interne à la PDSA. "Il faut absolument qu'ils soient seniorisés. Le senior n'a, selon nous, pas forcément besoin d'être sur place. Il peut être d'astreinte, par exemple", détaille Saga Bourgeois. Le syndicat d'internes de médecine générale souhaite, par ailleurs, que la cartographie de la PDSA pour les DJA soit "calquée sur celle des médecins diplômés" et que le planning reste équilibré pour que la participation à cette permanence ne prenne pas le pas les stages.   

Autre inconnue : le délai de dérogation de thèse, qui n'a pas été officiellement tranché. Pour l'heure, les discussions semblent mener vers une dérogation d'un an pour les trois premières promotions de DJA. "Tant que les textes [sur cette disposition] ne sont pas sortis, ça peut encore changer", craint toutefois Saga Bourgeois.  

80% des MSU en octobre ?

Concernant la rémunération du MSU, l'arrêté paru ce jeudi confirme les chiffres avancés par Yannick Neuder ces derniers mois. En accueillant un DJA, les praticiens agrées-maîtres de stage des universités bénéficieront d'une rémunération mixte, composée d'honoraires pédagogiques de "600 euros bruts, par mois de stage et par étudiant" et "d'une indemnité de compensation des charges liées à l'encadrement spécifique, dont le montant est fixé à 1200 euros bruts, par mois de stage et par étudiant". S'ajoutent à ces indemnités des "primes conditionnelles", de 800 euros bruts mensuels par étudiant si le MSU exerce en ZIP, ZAC ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville et de 400 euros bruts mensuels par étudiant s'il le MSU supervise un DJA dans le cadre de la PDSA.

"Si le Gouvernement vient à sauter, qui va faire le recrutement des MSU et dans quelles conditions ?"

Ces revenus seront-ils suffisants pour inciter les praticiens à accueillir ces futurs généralistes ? Rien n'est moins sûr. "On attend évidemment les premiers chiffres du nombre de MSU [prêts à accueillir un DJA dès la rentrée 2026, NDLR], car cela restera la condition sine qua non permettant la mise en place finale de la quatrième année", prévient Killian L’helgouarc'h. Début juin, le ministère de la Santé – en accord avec les différents participants au comité de suivi de la réforme – s'était donné pour objectif d'identifier 80% des MSU dans chaque subdivision d'ici octobre (100% pour la fin de l'année). Si ce chiffre n'est pas atteint, "une cellule de crise doit être montée", note le président de l'Isni, mais "on n'en connait pas encore trop tous les tenants et les aboutissants".  

"Le recrutement est toujours plus qu'imprécis, poursuit-on du côté de l'Isnar-IMG. "Et la promesse des 80% des MSU recrutés d'ici à octobre, on en est encore loin. Surtout que, si le Gouvernement vient à sauter, qui va faire ce recrutement et dans quelles conditions ?", s'interroge Saga Bourgeois. 

C'est là l'une des autres grandes inquiétudes des internes : le Gouvernement de François Bayrou est actuellement sur la sellette et pourrait ne pas obtenir la confiance des députés le 8 septembre prochain, lors du vote prévu à l'Assemblée nationale. "On a un comité de suivi qui dépend du ministère, et si le ministère tombe, il n'y aura plus de comité de suivi de la réforme", souligne Killian L’helgouarc'h. 

Vers une nouvelle grève ?

"Tout ce qui n'a pas été acté aujourd'hui", notamment sur la PDSA et le délai de dérogation de thèse, "ce sera un retour à zéro comme ça été le cas à chaque fois qu'il y a eu un nouveau Gouvernement", abonde Sara Bourgeois. "Si on retourne à zéro, au vu du contexte actuel, notre crainte c'est que les textes [manquants] ne soient jamais prêts pour l'arrivée des DJA. Et donc pour nous, il n'y a qu'une seule solution : le report." L'Isnar-IMG a déposé au printemps un préavis de grève, "encore en cours". Mais pour l'heure, aucun appel à mobilisation n'a été lancé. "On attend de voir ce que ça va donner", glisse Saga Bourgeois. 

Du côté de l'Isni, on se dit "satisfait" de la rémunération actée pour les internes de médecine générale "dans le sens où elle garantit, sans condition, que les DJA auront au moins le même revenu que les docteurs juniors hospitaliers [des autres spécialités], et même un peu plus avec la prime d'activité". "Cette garantie de rémunération est une victoire certaine pour les DJ. Nous tâcherons d'engager rapidement des discussions pour l'extension de ce statut ambulatoire aux autres spécialités et pour une revalorisation salariale du statut actuel des DJ", a également indiqué le syndicat dans un communiqué commun avec l'Anemf***, diffusé ce jeudi. "On attend maintenant la suite, notamment sur la PDSA", conclut Killian L’helgouarc'h. 

 

*Intersyndicale nationale des internes. 

**Intersyndicale nationale autonome et représentative des internes de médecine générale.

***Association nationale des étudiants en médecine de France.  

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1 débatteur en ligne1 en ligne
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60 points
Médecine générale
il y a 3 mois
Encore une année gagnée par l'état à payer ses medecins français à coup de pieds dans le cul. Sous prétexte de "parfaire leur formation" quand dans le meme temps il autorise l'exercice illegal de la médecine aux pharmaciens ou aux IDE bac+3..... La France est médicalement dans une situation de pays en voie de développement: Les médecins formés en France avec un haut niveau de compétence s'exportent pour obtenir un salaire décent et on en fait venir de pays plus pauvres et moins bien formés, ce qui est à l'evidence une opportunité pour eux..... Mais pour les patients???? Remercions tous en coeur la CNAM qui a accouché de ce cloaque médical..... La santé et les finances publiques sont des sujets bien trop sérieux pour les confier à des fonctionnaires....
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1,7 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 3 mois
Il va une nouvelle fois attendre l'éventuel nouveau gouvernement pour savoir à quelle sauce seront avalés les internes de médecine générale de 4ème année. Cela alors que la "maquette" a été votée fin 2022... Derrière tout cela, il y a des questions posées, mais les réelles attentes des uns et des autres (pouvoir public, et universitaires) ne sont pas véritablement exprimées de manière claire
Photo de profil de A Rilgt
1,1 k points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 3 mois
L'ISNI se satisfont de peu...pour résumer, avant un interne de médecine générale sortait après 3 ans, faisait généralement des remplas la première année post internat et gagnait plutôt 4 ou 5000 euros. Maintenant il fera le même boulot, mais avec un statu de DJ payé même pas 3000 et des consultations indemnisés 41 centimes par consult (200 consult par mois pendant 6 mois pour 500 euros de prime) : quelle arnaque !
 
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